Treize syndicats autonomes viennent de réussir ce que les partis de l’opposition n’ont, à ce jour, pas pu réaliser: créer une confédération agissant au nom d’un ensemble d’organisations. C’est un événement d’une extrême importance appelé à changer à terme le mode de fonctionnement du syndicalisme autonome algérien qui gagnerait ainsi en puissance revendicative et en capacité de mobilisation. Cette Confédération de syndicats autonomes, dénommée CSA, rayonnera dans pratiquement tous les secteurs d’activité économiques du pays, mais aussi, sur la fonction publique et ce, à travers tout le territoire national. Elle pourrait même avoir une certaine aura à l’international (notamment auprès de notre émigration en France, en Belgique et au Canada où elle est la plus nombreuse).
Dans sa configuration actuelle elle représente déjà environ quatre millions de travailleurs, brisant ainsi le monopole d’une Union Générale des travailleurs Algériens (UGTA) à la dérive mais qui continue à régner en maître depuis l’indépendance du pays à ce jour par la grâce des autorités politiques algeriennes.
Cette Confédération a pour particularité de fédérer des syndicats autonomes qui ont fait preuve d’une grande capacité de mobilisation qui s’est traduite par l’organisation de grèves retentissantes dans des secteurs aussi variés que l’éducation nationale, la santé et certaines zones industrielles. Sa puissance va très certainement décupler à la faveur de cette union au point de lui permettre de s’imposer comme interlocuteur incontournable du dialogue social et, notamment, lors des tripartite qui en sont l’expression la plus forte. Seule autorisée à s’asseoir à la table des négociations avec le gouvernement, l’UTGA pourrait en prendre pour son grade en mettant notamment à nue son incapacité à représenter et à mobiliser les travailleurs sans l’aide du pouvoir qui a usé et abusé de son accointance avec cette centrale syndicale, au point de la discréditer. A force de concession faites aux gouvernants qui se sont succédé à la tête du pays, l’UGTA est en effet devenue un appendice du pouvoir qui coopte ses dirigeants et lui indique les voies à suivre.
La création de cette puissante Confédération, comme n’en avait jamais eu auparavant l’Algérie, ne sera évidemment pas du goût du pouvoir qui fera tout pour la torpiller en commençant par ne pas lui octroyer l’agrément administratif lui permettant d’activer dans la légalité. Le pouvoir en place évitera de la légaliser, aussi et surtout, de crainte que cette entente entre syndicats autonomes n’inspire les partis de l’opposition qui avaient déjà tenté, mais sans réel succès, ce type de démarche lors de la conférence de ISCO le 10 juin 2014 à l’hôtel Mazafran.
Mais, forte de sa représentativité, cette Union syndicale de treize membres ne se laissera certainement pas faire. Elle engagera dés que la situation l’exigera, le bras de fer nécessaire à l’obtention des droits que lui confèrent la Constitution algérienne et la législation relative au dialogue social promulguée au début des années 1990. Une législation particulièrement favorable aux syndicats autonomes qui avait été conçue, faut-il le rappeler, dans le sillage du soulèvement populaire d’octobre 88. En cas de refus d’agrément, les responsables de la Confédération pourraient également contester énergiquement par des mouvements de grève que le pouvoir préférait éviter durant cette période ultra sensible qui nous sépare du scrutin d’avril 2019. La crainte que par dépit le CSA appelle à contester massivement un éventuel 5éme mandat est également pris en considération au plus de la hiérarchie politique. Le CSA jouera donc sur du velours avec une bonne part de certitude d’obtenir son agrément pour peu qu’il soit suffisamment offensif.
L’autre facteur et, non des moindres, qui milite en faveur de l’enracinement de cette CSA dans le syndicalisme algérien, est sans conteste la présence en son sein de vieux routiers du dialogue et de la contestation sociale, dont la compétence, l’esprit de sacrifice et la patriotisme ne sauraient être niés. On citera à titre d’exemples Sadek Dziri actuel président de la puissante Union Nationale du Personnel de l’éducation et de la formation (UNPEF) qui vient d’être élu en tant que coordinateur et porte parole du CSA, Lyes Merabet, président du Syndicat National des Praticien de la Santé Publique (SNAPAP) et, bien entendu Larbi Nouar, Président de la Coordinateur du syndicat national du personnel enseignant (CNAPESTE).
C’est dire l’importance de cet événement historique qui pèsera lourd, pour longtemps et, sans doute, avec beaucoup plus d’efficacité, dans l’exercice quotidien des luttes sociales. Les médias qui n’ont sans doute pas perçu l’importance, ont très peu relayé cette information pourtant capitale à plus d’un titre. La création de cette confédération est si importante qu’elle a fait dire au sociologue émérite Nacer Djabi et très fin connaisseur du syndicalisme algérien que « cette organisation qui prend à contre-pied l’arrogance du patronat et l’allégeance au pouvoir, représente un poids lourd du mouvement syndical algérien. Elle sera capable de stabiliser et gérer toute défaillance, comme cela a été le cas en Tunisie, où la force de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) a contribué grandement à la stabilité du pays. »