Les effets de conjoncture quelques peu atténués, les cours du pétrole repartent à la baisse en prenant plus en considération la réalité du marché faite de surabondance d’hydrocarbures et de fléchissement de la demande à l’échelle mondiale. Tendu durant quelques mois en raison d’un possible retour d’embargo sur le pétrole iranien, le marché des hydrocarbures vient de retrouver la sérénité avec l’octroi de dérogations à huit pays, parmi lesquels les très gros consommateurs de pétrole que sont la Chine, la Turquie et le Japon, autorisés par les États-Unis d’Amériques à importer temporairement du pétrole iranien. Il n’en fallait en effet pas plus pour que l’implacable loi de l’offre et de la demande reprenne ses droits en matière de fixation des prix. Le Brent mer du nord est en effet subitement tombé en moins d’une semaine d’un peu plus de 80 à 73 dollars le baril, tandis que le Light Sweet Crude Oil chutait de 74 à 63 dollars dans le même intervalle de temps. Il a suffit d’une relative accalmie au niveau des turbulences géopolitiques pour que les traders se rendent à l’évidence d’une disponibilité de pétrole et de gaz jamais atteinte auparavant. On n’a en effet jamais extrait autant d’hydrocarbures qu’en cette période marquée par une réouverture des robinets de l’Opep avec à sa tête le principal pourvoyeur qu’est l’Arabie Saoudite, l’extraction tous azimuts de pétrole et de gaz de schistes aux USA, au Canada et en Australie et, bien entendu, les nouveaux champs d’hydrocarbures ouverts à travers le monde. Seule une très forte croissance de l’économie mondiale aurait pu absorber autant de pétrole et de gaz disponible. Elle n’a malheureusement pas eu lieu et, au regard des pronostics de la Banque Mondiale et du FMI, celle ci ne sera sans doute pas au rendez de si tôt. Cette surabondance d’énergie pourrait même s’aggraver si, comme on le redoute les USA parviennent à convaincre le royaume saoudien fragilisé par l’affaire Kashogui d’augmenter significativement sa production.
La relative quiétude géopolitique et la croissance de l’offre venue d’une multitude de puits de pétrole et de gaz de schistes américains et canadiens, ont réussi à maintenir les stocks à des niveaux très élevés. Il faut en effet reconnaître que l’offre mondiale de pétrole et de gaz naturel n’est plus ce qu’elle était il y a à peine une décennie. Les grandes découvertes d’hydrocarbures effectuées dans de nombreux pays d’Afrique (Angola Zimbabwe, Nigéria etc.), d’Asie (Pays du golfe, Iran, Irak etc.) et d’Australie notamment, ont mis sur le marché d’énormes quantités d’hydrocarbures auxquelles se sont ajoutées celles qui proviennent des milliers de puits non conventionnels en exploitation à travers le monde et notamment en Amérique du Nord..
En dépit du recul de la production opéré ces deux dernières années par l’Opep, le pétrole a, de ce fait, continué à approvisionner copieusement les marchés internationaux, « spot » y compris. A moins d’un grave retournement de conjoncture géopolitique qui pourrait perturber les effets mécaniques du marché la production mondiale d’hydrocarbures, est de nature à générer une crise de sur abondance qui ne peut qu’impactera négativement les prix du gaz et du pétrole.
Si la légère reprise des cours constatée ces derniers a redonné espoir aux pays dépendants de la rente pétrolière, la baisse entamée il y a moins d’une semaine à la faveur de la publication des stocks américains et du réaménagement des sanctions envers l’Iran, sonne malheureusement comme un rappel au déterminisme de l’offre et de la demande, que des événements conjoncturels peuvent certes perturber, mais jamais détourner définitivement de cette loi universelle du marché. En raison de ce trop plein d’hydrocarbures, les pays producteurs courent perpétuellement le risque d’effondrement des prix que seuls les effets de conjonctures peuvent épisodiquement tempérer. Continuer à asseoir, comme on s’entête à le faire, l’avenir du pays sur la seule rente pétrolière serait à l’évidence périlleux pour la nation toute entière. Il est donc plus que jamais urgent de changer de paradigme de développement.