Dans cet entretien, l’ex ministre des finances, M.Benkhafa, commente les dispositions du projet de loi de finances 2019, qui viennent d’être adoptée par le conseil des ministres. Selon lui, c’est une loi classique. Il réagit également au sujet du financement non conventionnel estimant que l’Etat ne devrait pas abandonner le système mais plutôt le diminuer par rapport au prix actuel du baril du pétrole.
Algérie-Eco : Le conseil des ministres vient d’adopter le projet de loi de finances pour 2019. Ce projet ne prévoit aucune nouvelle taxe et table sur une légère hausse des recettes et du budget de fonctionnement. Quel commentaire faites-vous à ce sujet ?
M.Benkhalfa : Selon l’architecture globale et les dispositions prises dans de ce projet de loi, je peux dire que c’est une loi de finances classique.Ce projet de loi a été élaboré sur la base d’un cadrage macroéconomique « prudent » avec un prix du pétrole à 50 dollars le baril.
Dans sa partie budgétaire, le texte prévoit des recettes budgétaires de 6.508 milliards DA (mds DA), en légère hausse par rapport à celles de 2018, dont 2.714 mds DA de fiscalité pétrolière. Quant aux dépenses budgétaires, elles s’élèveront à 8.557 mds DA, en légère baisse par rapport à celles de 2018.
La consistance du budget d’équipement pour 2019 confirme la poursuite de l’engagement de l’Etat en faveur du développement économique et social avec notamment des dotations de (i) 625 milliards DA pour l’appui au développement humain, (ii) près de 1.000 milliards DA de soutien multiforme au développement économique (iii) et 100 milliards DA de concours au développement local.
Donc c’est un budget consistant par rapport à ceux de 2015, 2016 et 2017. Nous constatons également un niveau plus élevé des transferts sociaux, et aucune fiscalité nouvelle ni modification des prix comme ceux du carburants n’ont été retenus dans ce PLF 2019. Par contre le déficit budgétaire reste important mais qui sera converti par le différentiel du prix des hydrocarbures fixés à 50 dollars le baril.
Justement, en parlant du prix du pétrole, ce dernier a atteint un niveau plus élevé, et qui n’a pas été enregistré depuis plus de quatre ans dépassant la barre des 80 dollars. Certains spécialistes estiment que dans cet état de fait, l’Etat pourrait abandonner le système de financement non conventionnel. Etes-vous de cet avis ?
Absolument pas, je pense que l’Etat ne va pas abandonner ce système mais il y aura plutôt une diminution. En principe il va y avoir un réglage entre la banque d’Algérie et le trésor public. Nous avons encore un déficit budgétaire cette année donc nous sommes dans une situation où le financement non conventionnel va régresser.
J’ai toujours expliqué à propos de ce mode de financement non conventionnel, qu’il y a trois conditions pour sa réussite. La première , c’est qu’il faut aller vers des investissements productifs et non aux projets destinés à la consommation interne, pour rappeler, au passage, que la Banque centrale qui aura à financer le Trésor agit dans le cadre de la loi et sous certaines conditions, notamment en ce qui concerne l’inflation. L’école n’est pas productive, l’hôpital non plus, l’autoroute non plus également, donc il faut bien cibler le financement des investissements. Il faut un garde fou pour veiller et contrôler les montants qui sortent.
Deuxièmement, il faut engager les réformes structurelles qui permettent aux banques d’intégrer les fonds qui circulent dans les circuits informels. Il faut également élargir le champ d’intervention des banques étatiques, aujourd’hui limité dans le secteur public et enfin il faut sortir de la politique et de la dépense publique, et encourager les IDE.
Donc à votre avis, le gouvernement ne devrait pas changer sa stratégie économique malgré la hausse des prix du pétrole ?
Exactement, les pouvoirs publics doivent travailler comme si le baril est toujours entre 40 et 50 dollars et doivent continuer sur le même rythme malgré que le prix du baril ait dépassé les 80 dollars. L’Algérie n’est pas le seul pays qui fait face aux ajustements budgétaires.