Quand bien même, les obstacles bureaucratiques continueraient quelques temps encore à gêner sa progression, il est tout à fait dans la logique des choses que le privé, porté par l’élan irrésistible de la mondialisation connaisse, à plus ou moins brève échéance, un essor prodigieux. L’avenir appartient objectivement au secteur privé que les tracasseries politico-administratives subies ne parviendront, au mieux, qu’à retarder.
Les milliers de projets industriels en attente dans les bureaux de l’Agence National de Développement de l’Investissement (ANDI), dans les offices locaux (CALPI) et autres offices de soutien aux jeunes entrepreneurs finiront bien par recevoir, un jour ou l’autre, leurs agréments et être rapidement mis en chantiers. L’État algérien a, par ailleurs, pris part à l’effort de création de près de trois cent mille micro-entreprises au profit de jeunes en mal d’insertion professionnelle qui ont bénéficié de la part de l’Agence National pour le Soutien à l’Emploi des Jeunes (Ansej), de prêts sans intérêt qui leur ont permis de lancer des affaires pour certaines devenues des « succès stories ». Même un fort taux de mortalité affecte ces jeunes entreprises, toutes ces réalisations et celles, encore plus nombreuses, en attente de concrétisation, contribueront, non seulement, à élargir encore davantage la base du secteur privé algérien, mais aussi, à lui donner une envergure internationale du fait de l’implication de sociétés étrangères avec lesquelles elles réaliseront, mondialisation oblige, des partenariats multiformes.
Cette dynamique de création d’entreprises à laquelle participent les jeunes diplômés notamment en informatique, les cadres marginalisés du secteur public, certains acteurs de l’informel parmi lesquels de nombreuses femmes et, bien entendu, les enfants d’entrepreneurs qui souhaitent élargir le business de leurs parents. Cette dynamique de création de sociétés étant relativement jeune (elle remonte à peine à la fin des années 2000), il n’est pas du tout étonnant que ces entreprises de créations récentes soient encore peu nombreuses (à peine 700.000) et très fragiles en raison de leurs faibles envergures et de l’inefficience du mode de gestion de bon nombre d’entre elles. Ce sont des très petites entreprises (TPE) qui emploient moins de 10 salariés et dont le chiffre d’affaire annuel n’excède guère le milliard de centimes. Leurs terrains de prédilection sont le secteur tertiaire (commerce, transport, informatique, tourisme etc.) et le BTP. Encore trop risquées les jeunes entrepreneurs ne s’aventurent que très rarement dans les secteurs de industrie et de l’agriculture et l’Etat ne fait pas grand-chose pour les y inciter. Environ 1/10 de ces jeunes sociétés serait, selon une source proche du ministère de l’industrie, sur le point d’obtenir, grâce à leurs bons résultats, le statut de petite et moyenne entreprise (PME) qui permet de devenir, selon les cas, des EURL ou des SARL, mais plus rarement, des SPA.
De par l’importance économique et financière que prendront au fil des ans ces entreprises de créations récentes, il est dans la logique des choses que les jeunes entrepreneurs les plus dynamiques s’organisent, mutualisent leurs revendications de manière à peser plus lourdement sur l’action politique, le but étant d’aménager du mieux possible, leur avenir économique et social. Les syndicats patronaux ont, dans la perspective de renforcer leurs bases militantes, pratiquement tous mis sous leurs ailes protectrices des patrons de TPE et autres microentreprises, regroupés dans des forums qui servent de tribunes de revendications. Les objectifs ciblés par ces jeunes et dynamiques patrons paraissent d’autant plus à leurs portées, qu’ils peuvent compter sur des personnalités influentes (riches hommes d’affaires et, souvent même, de hautes autorités civiles et militaires) qui pourraient être des parents proches, des associés ou des clientèles, pour les soutenir en portant notamment en hauts lieux leurs doléances.
C’est pourquoi les analystes de la scène politique algériennes sont de plus en plus nombreux à croire que les changements systémiques majeurs qui surviendront à plus ou moins brève échéance en Algérie, seront très probablement l’œuvre de ces patrons d’entreprises émergentes qui contribuent déjà à plus de 60% au PIB hors hydrocarbures.