Le Parlement irakien a élu samedi à sa direction les candidats soutenus par le bloc proche de l’Iran, préfigurant la formation du prochain gouvernement par les anciens combattants anti-jihadistes proches de Téhéran et le populiste chiite Moqtada Sadr.
Neuf mois après l’annonce de la « victoire » sur le groupe jihadiste État islamique (EI) et sur fond de crise sociale et sanitaire, ces élections constituent le premier pas vers un nouveau cabinet après une paralysie politique de plus de quatre mois. Les députés élus en mai ont porté à la présidence de la chambre le sunnite Mohammed al-Halboussi, soutenu par le bloc pro-Iran, dominée par l’Alliance de la Conquête de Hadi al-Ameri. Ils lui ont choisi comme premier adjoint Hassan Karim, l’ancien maire d’arrondissement de Sadr City, bastion de Moqtada Sadr à Bagdad. L’émissaire iranien « Qassem Soleimani a réussi à unifier les forces chiites et à obtenir des postes aux sunnites qui l’ont suivi », affirme à l’AFP le politologue irakien Hicham al-Hachémi.
Pour la première fois depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, les chiites s’étaient présentés divisées au scrutin législatif de mai. De son côté l’émissaire américain Brett McGurk a « échoué à diviser les chiites, n’est pas parvenu à tenir ses promesses de postes aux sunnites qui s’étaient ralliés aux Etats-Unis et n’a pas été en mesure de faire peur aux sunnites qui ont choisi le camp iranien », poursuit M. Hachémi. « L’Iran a déjà marqué deux points, tandis que les Etats-Unis en ont perdu trois », résume-t-il.
Halboussi –élu à 37 ans plus jeune président du Parlement en Irak– a obtenu 169 voix sur 298 votes exprimés, tandis que l’ex-ministre de la Défense Khaled al-Obeïdi, candidat du Premier ministre sortant Haider al-Abadi, n’en a récolté que 89.
Abadi était un temps pressenti pour conserver son poste après son alliance avec Moqtada Sadr, vainqueur des législatives sur un programme anti-corruption commun avec les communistes. Mais son grand allié l’a lâché le 8 septembre à l’issue de quatre jours de manifestations meurtrières à Bassora, ville pétrolière du sud en proie à une crise sanitaire sans précédent. Et M. Abadi a jeté l’éponge cette semaine. Ce sont désormais ses deux rivaux, arrivés devant lui aux législatives, qui désigneront son successeur après s’être dit « sur la même longueur d’ondes » pour former le futur gouvernement.
Dans le système irakien d’élection à la proportionnelle, calibré pour éviter tout retour à la dictature après Saddam Hussein, les listes de députés doivent se regrouper en coalitions. Le bloc qui compte le plus de députés désigne le Premier ministre, qui exerce véritablement le pouvoir exécutif. Ce choix semble donc aujourd’hui entre les mains de MM. Ameri et Sadr, qui ont rallié autour d’eux des forces sunnites et kurdes.
Car dans un système qui réserve traditionnellement le poste de président du Parlement à un sunnite, de président de la République à un Kurde et de Premier ministre à un chiite, les tractations porte sur un accord englobant les trois postes.
Le futur président de la République sera élu par le Parlement dans les trente jours qui suivent. C’est lui qui chargera officiellement la plus large coalition de former le gouvernement. En 2014, alors que l’EI venait de s’emparer de près d’un tiers de l’Irak face à des forces armées en pleine débandade, M. Abadi, peu connu du grand public, avait été choisi comme le candidat du consensus, à même de satisfaire l’Iran et les Etats-Unis, les deux puissances agissantes en Irak, actuellement à couteaux tirés. Pour les experts, un tel scénario pourrait tout à fait se reproduire cette année, alors que le chef spirituel de la majorité des chiites d’Irak, le grand ayatollah Ali Sistani, a déjà dit refuser un politicien ayant été au pouvoir par le passé.
Moqtada Sadr, lui, pousse pour un Premier ministre « indépendant » et un gouvernement de « technocrates », tandis que M. Ameri, lui-même chef d’un puissant groupe armé soutenu par l’Iran et dénoncé par Washington, a déjà annoncé qu’il ne serait pas candidat au poste de chef du gouvernement. M. Halboussi était jusqu’à son élection au Parlement le 12 mai sur une liste sunnite locale, le gouverneur de la province d’Anbar, dans l’ouest désertique.
Devant les 298 députés –sur 329– présents lors du vote, il a plaidé pour « de réelles réformes », évoquant notamment Bassora, théâtre la semaine dernière de manifestations meurtrières réclamant des services publics et la fin de la corruption.
Afp