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Le Fonds Monétaire International devrait-il dédommager l’Afrique pour ses lourdes erreurs de prescriptions ?

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Entre 2016 et 2017, le Fonds Monétaire International s’est manifesté en force aux côté de plusieurs pays africains, comme étant la solution en dernier ressort face à leurs problèmes de déséquilibres économiques. Au total 23,7 milliards $ ont été accordés sur la période à une quinzaine de pays. On a presque oublié les épisodes des années des ajustements structurels, qui ont été vécus dans la douleur par beaucoup de peuples africains. Une partie des opinions africaines, et même internationale, estiment le FMI devrait être tenu pour responsable de la situation de dépendance permanente que connaît aujourd’hui, le continent, paradoxalement le plus riche du monde en ressources.

Sur l’ensemble des indicateurs de performances économiques et structurelles, les pays d’Afrique subsaharienne occupent, à quelques exceptions près, les dernières places dans le monde. La région est celle où on retrouve le plus de facteurs de pauvreté, la croissance économique là moins inclusive et la prévalence des inégalités parmi les plus fortes. 
Il est admis dans de nombreuses conférences internationales, et même dans les discours des oppositions africaines, que cette situation est due à la mauvaise gouvernance, la faible capacité des dirigeants et même parfois à un déficit de compétences. Très rarement, les débats portent sur les causes profondes de cette situation, qui ne sont pas éloignées des guerres idéologiques internationales dont l’Afrique a été victime aux sorties des indépendances, et des traitements chocs que le FMI lui a administré.

 L’Afrique victime collatérale de la guerre idéologique entre libéraux et communistes, qui tous recherchaient ses matières premières : Pour plusieurs pays d’Afrique, notamment subsahariens, les indépendances sont arrivées une quinzaine d’année après la fin de la deuxième Guerre Mondiale, dans les années 1960. Or deux situations importantes caractérisent la géostratégie mondiale du moment. Les anciens belligérants (vainqueurs comme vaincus), ont besoin de se reconstruire rapidement d’une part, et sont opposés sur le plan idéologique d’autre part.

Le bloc ouest (Etats-Unis, Europe et leurs alliés) qui est libéral et capitaliste est dans une guerre de positions, avec le bloc de l’est, communiste, emmené par ce qui s’appelait encore l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques et, d’une certaine manière, la Chine. Ces deux adversaires ne se battent pas seulement dans les idées mais aussi pour le positionnement hégémonique. L’Afrique, malgré elle, s’est retrouvée au milieu de cette bagarre de géants, avec plusieurs des pays qui la composent devenus des champs de bataille. En plus d’être au cœur des plans stratégiques, certains pays africains, bien qu’indépendants, sont gérés comme des sources de matières premières. C’est le cas notamment des anciennes colonies.

Les structures économiques de base qui existaient sont détruites et elles sont remplacées par des systèmes de production dont le but est de répondre aux attentes de l’ancienne métropole. Ainsi, des pays de pêcheurs, de chasseurs ou de cultivateurs, deviennent des producteurs de pétrole, de bois, de cacao ou de bananes que, parfois, leurs populations ne consomment pas. 
Les premiers dirigeants africains, selon l’idéologie qui les avaient conquis, se sont retrouvés à gérer leurs populations et leurs territoires, avec des outils dont ils avaient hérité quelques années auparavant seulement. C’est donc sans surprises, que lorsque sont apparus les premiers chocs extérieurs, plusieurs d’entre eux se sont effondrés. Le mot technique à l’époque était « la détérioration des termes de l’échange ».

 Victime, l’Afrique s’est vu appliquée un remède inapproprié : Face à une situation qui se dégradait, la majorité des pays étant proches du bloc capitaliste et libéral, le Fonds Monétaire International est arrivé avec une solution clé en main, l’application du « consensus de Washington ». Cette dernière expression évoque un train de mesures ultra libérales et qui n’avaient fait leurs preuves d’efficacité dans aucun pays dans le monde. Ces solutions étaient de deux natures. Les unes visaient avant tout de stabiliser la situation sur le court terme. Pour cela, il était demandé à des pays jeunes, avec un secteur privé fragile et un tissu productif à peine naissant, de rentrer dans des austérités budgétaires. Le but noble était de faire en sorte que les Etats réduisent leur endettement interne, afin de pouvoir rembourser leurs créanciers externes. L’autre composante des actions sur la dépense publique était la réduction des subventions. Certes, les sociétés parapubliques ne réalisaient pas de bonnes performances selon des indicateurs du moment. Mais avec le modèle d’Etat nation qui prévalait, les gouvernements occupaient presque tous les segments de la production de biens et services. C’est la raison pour laquelle des analystes considèrent que, par ces deux mesures, le FMI protégeait les créanciers internationaux, et ouvrait la porte aux multinationales.

Les deux autres actions de court terme étaient monétaires. Il a été demandé aux Etats de réduire la liquidité au sein de leurs économies, en augmentant les taux d’intérêt. Dans le même temps, les ajustements de taux de change des monnaies par rapport au Dollar ont été imposés. De nombreuses monnaies des pays ont ainsi subit de grosses dévaluations. Ainsi, il était impossible aux secteurs privés locaux d’entrer en compétition dans des privatisations, car ils n’auraient jamais eu les ressources suffisantes pour investir dans les actifs libérés par les Etats. Aussi, la dévaluation supposée accroître la liquidité au sein des économies, a eu deux effets pervers. Les économies africaines étaient devenues extraverties, parce que le peu de forces productives qui existaient, avaient été orientées à fournir aux ex-métropoles les matières premières dont elles avaient besoin. En conséquence, pour leurs consommations, les populations étaient contraintes d’acheter des biens importés, parfois vendus par leurs partenaires commerciaux, essentiellement les ex-colons.

 Des ajustements structurels qui ont conduit à des désastres : Les autres mesures, de plus long terme, étaient d’ordre structurel. Il était demandé aux pays de privatiser l’ensemble des secteurs sociaux essentiels, comme l’eau, l’énergie, le transport urbain et même dans une certaine mesure, l’éducation. Le deuxième train de mesures structurelles était la dérèglementation des marchés. Dans ce cadre, il fallait que les pays s’ouvrent, afin de renforcer la compétitivité locale. Mais étant donné la fragilité des économies, cette décision a été un passe-droit pour l’arrivée massive des produits importés. Finalement, au lieu de résoudre le problème du déséquilibre extérieur, le FMI et ses mesures l’ont renforcé surtout en Afrique subsaharienne. Il est aujourd’hui établi que le « Consensus de Washington » a été contre-productif. Les pays africains ne sont pas parvenus au cercle vertueux de relance de leurs économies qui avait été annoncé. La dette des pays est allée croissante, au point où, dans les années 2000, la thérapie choc de l’Initiative pays pauvre très endettés est venue à la rescousse. L’indice de développement humain et l’environnement des affaires n’ont pas forcément progressé. Les pays qui ont marqué des points dans la région, comme le Botswana, sont d’ailleurs ceux qui ont rejeté l’appui du FMI. Les pays occidentaux qui ont élaboré la philosophie libérale, se sont avérés eux- mêmes ne pas être adeptes de l’ouverture. Pour diluer la levée des barrières tarifaires, ils ont mis en place une série des mesures de protections, en rapport aux normes de santé et autre techniques de protection non tarifaires. Des mesures qui leurs permettaient de protéger leurs tissus productif et leurs emplois, tandis qu’ils maintenaient le déficit extérieur pour les autres pays.

Des actions critiquées parfois des voix les plus autorisées : Les critiques contre l’action du FMI ont reçu des soutiens de poids, comme ceux de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, qui a occupé des hautes fonctions au sein de la Banque Mondiale et de l’administration du président américain Bill Clinton. Une de ses critiques concerne la manière dont le FMI faisait passer ses décisions. Face à des Etats presque à genoux, les responsables de l’institution en ont profité pour en réalité imposer leurs règles. « Le FMI aime régler ses affaires sans que des personnes qui lui sont étrangères ne posent trop de questions. En théorie, il prétend soutenir les institutions démocratiques des pays qu’il aide. En pratique, ces méthodes sapent le processus démocratique en imposant des politiques à mettre en œuvre. Officiellement, le FMI « n’impose rien ». Il « négocie » les conditions de réception de l’aide. Mais tout le pouvoir des négociations pèse d’un côté (le sien), et il accorde rarement suffisamment de temps pour un large consensus ou même des consultations à grande échelle avec les parlements ou la société civile », commentait Mr Stiglitz, dans une interview accordée en 2000 dans le magazine « The New Republic ». Des réflexions plus complexes tendent même à faire du FMI, le responsable des situations désastreuses, comme l’épidémie d’Ebola qui a sévèrement frappé l’Afrique en 2015-2016. Dans une chronique publiée sur le Washington Post, Adia Benton, une intellectuelle de la Brown University aux Etats-Unis d’Amérique, explique que ce sont les politiques « désastreuses » du FMI, qui ont laminé les réponses médicales dans les pays frappés par cette épidémie et bien d’autres. Une réflexion analogue est faite sur les autres secteurs essentiels et sensibles de la vie des pays africains.

Au sein du FMI, on tend très souvent à défendre son bilan. Récemment l’institution a admis qu’elle avait besoin d’adapter ses interventions. Mais, si elles sont désormais moins rigides, ses prescriptions continuent de poursuivre des objectifs libéraux, aux effets contrastés. Pour le professeur Dieudonné Essomba, un ingénieur statisticien camerounais réputé, « tant que le FMI et les autres partenaires des pays africains, s’attaqueront aux problèmes opportun, mais pas à celui plus fondamental du verrou de la contrepartie extérieure, les sorties de crise demeureront un objectifs non atteints ». Dans un tel contexte, l’Afrique peut-elle demander des réparations au FMI pour mauvais traitement et même aggravation du mal économique de certains pays ? La question demeure posée. Plusieurs pays de la région ont, une fois encore, sollicité l’institution, soit par choix, soit par contrainte, soit par faiblesse.

Le Nigeria, malgré la récession qui l’a affaibli en 2016, a choisi de faire sans l’institution financière de Bretton Woods, et ne s’en sort pas plus mal

Ecofin

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