Vingt-cinq ans après l’historique poignée de mains entre Arafat et Rabin, les accords d’Oslo n’ont pas apporté la paix espérée et, pour beaucoup, l’heure approche à grands pas de les déclarer morts en même temps que l’idée d’un Etat palestinien coexistant avec Israël.
Israéliens et Palestiniens devraient être peu nombreux à marquer cet anniversaire jeudi. Mais pour ceux qui croient encore que seul l’établissement d’un Etat palestinien indépendant en paix avec Israël -la solution « à deux Etats »- peut mettre fin à des décennies de confrontation, sauver les acquis d’Oslo est plus urgent que jamais. « C’était un moment décisif pour beaucoup d’entre nous », se rappelle Ghaith al-Omari, étudiant palestinien qui vivait en Jordanie en 1993 et qui est aujourd’hui membre du groupe de réflexion du Washington Institute for Near East Policy. « On avait beaucoup d’espoir, un espoir naïf peut-être, mais beaucoup d’espoir », se souvient encore celui qui conseilla plus tard les négociateurs palestiniens. « A long terme, il n’y a pas d’autre solution que la solution à deux Etats », dit-il à l’AFP. Mais, ajoute-il, « à court terme, il n’y a absolument aucune chance que cela se produise ». Ce point de vue est largement partagé.
Même les plus accrochés à la solution à deux Etats observent avec inquiétude ce qu’ils voient comme le glissement profond d’Israël vers la droite, la pérennisation de l’occupation des Territoires, l’étiolement de la direction palestinienne ou les mesures de rupture prises par l’administration Trump.
Reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, annonce lundi de la fermeture de la représentation palestinienne à Washington, mais aussi suppression des aides aux réfugiés et aux hôpitaux palestiniens de Jérusalem, et refus de s’engager sur la solution à deux Etats: la Maison Blanche s’est aliénée la direction palestinienne. L’accord diplomatique « ultime » promis par le président Trump s’est transformé « en claque du siècle », a estimé le président palestinien Mahmoud Abbas.
M. Trump a, pour le moins, ravi la droite israélienne. Nombre de ses membres s’opposent à la création d’un Etat palestinien et voient dans Oslo les germes de la Deuxième Intifada –qui a coûté la vie à des centaines d’Israéliens au début des années 2000– et d’une violence toujours d’actualité.
Les Palestiniens accusent Israël d’avoir manqué aux engagements d’Oslo. Mais leur direction reste profondément divisée entre le Fatah du président vieillissant Mahmoud Abbas et le mouvement islamiste Hamas, qui dirige la bande de Gaza et refuse toujours de reconnaître Israël.
Benny Morris, historien israélien de renom et auteur de « Justes victimes: une histoire du conflit sioniste-arabe, 1881-2001 », observe lui aussi la droitisation israélienne. Mais il pense que les torts sont partagés. « Quelque chose doit changer à la tête des deux peuples, dit-il. Israël doit se débarrasser de ses dirigeants actuels, incapables de progresser vers la paix et incapables d’adopter la formule des deux Etats. » Les Palestiniens, quant à eux, « doivent se débarrasser de la direction du Hamas, tandis que les dirigeants du Fatah doivent vouloir vraiment la paix et pas juste prétendre la vouloir », avance-t-il.
Le 13 septembre 1993, après six mois de négociations secrètes à Oslo, Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) s’étaient reconnus, signant à Washington sous l’égide du président Bill Clinton une « déclaration de principes » sur une autonomie palestinienne transitoire de cinq ans.
Par étapes successives, le processus engagé devait aboutir à la résolution du conflit avant la fin du siècle dernier. Sans mentionner explicitement la création d’un Etat palestinien, Oslo a mis en place des mécanismes d’auto-gouvernance, dont l’Autorité palestinienne, considérée comme la préfiguration d’un Etat et qui est toujours en place à ce jour. Mais les coups se sont succédé contre Oslo. Le 4 novembre 1995, le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin est assassiné par un extrémiste juif opposé au processus. En 2000, une Deuxième Intifada éclate, après l’échec du sommet de Camp David. Dans le même temps, les logements de colons se multiplient en Cisjordanie, sur des terres que les Palestiniens considèrent comme faisant partie de leur futur état.
Au pouvoir depuis près d’une décennie, après un premier mandat de 1996 à 1999, le Premier ministre Benjamin Netanyahu dirige actuellement ce qui passe pour le gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël. Des membres éminents de sa coalition réclament ouvertement l’annexion d’une grande partie de la Cisjordanie, faisant fi des mises en garde contre le régime d’apartheid qui risquerait d’aller de pair. M. Trump lui-même, dont le plan se fait toujours attendre, a admis dernièrement « commencer à croire » lui aussi qu’un accord israélo-palestinien est peut-être le plus difficile qui soit à conclure.
Benny Morris, qui a passé sa vie à écrire sur le sujet, pense toujours que la solution à deux États est la seule possible. « Mais maintenant, je ne suis plus très optimiste », ajoute-t-il.
Afp