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Le « Brexit » : à terme, une opportunité à saisir pour les pays africains

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Deux ans après la victoire du « oui » à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), le paysage économico-politique européen change à un rythme plus ou moins lent. En effet, si le gouvernement au pouvoir à Londres n’est plus le même depuis la démission de l’ancien premier ministre David Cameron, le pays peine toujours à trouver un accord « équitable », avant d’acter sa sortie de l’UE. Cependant, avec le début de la tournée africaine de la nouvelle patronne du 10 Downing Street, une question brûle les lèvres de la plupart des économistes du continent : le Brexit pourrait-il représenter une opportunité économique à saisir par les pays africains ?

Comprendre les enjeux économiques qui entourent le Brexit pour les pays africains, impose de connaître l’état des relations économiques qu’entretient Londres avec le continent, ainsi que l’impact que pourrait avoir sa sortie de l’UE sur les économies africaines. 

Une politique africaine tardive : Après l’accession des pays africains à la souveraineté internationale, les relations économiques entre le Royaume-Uni et les nations africaines se sont assez peu développées, contrairement à celles qu’entretenaient ces Etats, avec d’autres anciens colonisateurs comme la France, la Belgique ou même l’Italie. Alors que de nouvelles relations comme la « Françafrique » ont été établies pour impulser une nouvelle dynamique aux anciennes relations « Métropoles-Colonies », le Royaume-Uni a, pendant longtemps, décidé de ne pas mener une réelle politique africaine. L’essentiel de l’aide britannique était dirigée vers le Nigéria et l’Afrique du Sud, via le Commonwealth qui regroupe essentiellement les anciennes colonies de l’empire britannique. C’est seulement à partir de la fin des années 90 marquées par l’arrivée au pouvoir de l’ancien premier-ministre Tony Blair, que le pays montrera un réel regain d’intérêt pour les économies africaines.

Dans les années 2000 les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Afrique, ainsi que les investissements britanniques dans continent noir ont connu un nouveau pic de dynamisme. Selon l’Africa Investment Report 2016, le pays s’est par exemple hissé à la deuxième place des investisseurs les plus prolifiques envers l’Afrique, grâce à une hausse de près de 50% du nombre de ses projets d’Investissements Directs Etrangers (IDE) en 2015. Si les exportations du pays envers l’Afrique restent peu importants, le Royaume-Uni fait partie des plus grands importateurs de produits issus du continent.

Néanmoins, malgré cette reprise progressive des investissements britanniques en Afrique, le pays de la Reine peine encore à se faire une place de choix, parmi les principaux partenaires commerciaux du continent. Même si les relations commerciales avec le continent ont atteint les 31 milliards de livres en 2017 (40,3 milliards $), le Royaume-Uni est encore loin derrière des pays comme la Chine (1er partenaire commercial du continent avec 170 milliards $ en 2017), les Etats-Unis, l’Allemagne ou même la France qui ont beaucoup plus tôt entrepris de booster leurs relations économiques avec les pays africains. « La réalité est que les Chinois, les Français, les Indiens, voire même la Corée, le Japon et même l’Allemagne, ont tendance à avoir une réponse beaucoup plus proactive aux affaires en Afrique que ce que nous avons traditionnellement eu. » a déclaré à cet effet, Lord Paul Boateng, président de l’Africa Enterprise Challenge Fund. Et d’ajouter « Nous avons beaucoup de rattrapage à faire si nous voulons tirer le meilleur parti de cette occasion historique de refondre les relations entre l’Afrique et le Royaume-Uni ».

L’impact du Brexit sur les économies africaines : S’il est vrai que le Royaume-Uni n’est pas le partenaire commercial le plus important pour le continent africain, il serait imprudent de sous-estimer l’impact que pourrait avoir sa sortie de l’UE sur les économies du continent.

Le principal élément pouvant expliquer cet impact, provient du fait que la plupart des accords commerciaux conclus par les pays africains avec Londres, l’ont été dans le cadre européen. Ainsi, une sortie du pays de l’UE, implique la résiliation tacite de ces accords, ce qui par ricochet devrait entraîner également leur renégociation. Ce processus étant généralement long, il devrait entraîner une baisse des échanges commerciaux entre les parties en raison de l’incapacité des accords précédemment conclus à rester en vigueur. Cela pourrait affecter plusieurs secteurs de l’activité économique des pays africains comme, par exemple, le commerce kenyan de roses, dont le Royaume-Uni est l’un des plus grands importateurs.

D’un autre côté, l’aide au développement apportée par le Royaume-Uni aux pays africains, pourrait enregistrer une baisse, due à l’affaiblissement de l’économie britannique que pourrait induire sa sortie de l’UE. En effet, le pays qui est le troisième contributeur derrière l’Allemagne et la France au Fonds Européen de Développement (principal instrument de l’aide au développement de l’UE aux pays africains), pourrait décider de réallouer une part des 5,1 milliards $ qu’il s’est engagé à fournir au Fonds pour la période 2014-2020, à d’autres fins. 
Enfin, les poids lourds de l’économie africaine comme le Nigéria, mais surtout l’Afrique du Sud, qui concentrent une bonne partie des investissements anglais sur le continent, pourraient connaître une baisse de leurs activités économiques. Pretoria, qui représente le principal partenaire commercial du Royaume-Uni sur le continent pourrait d’ailleurs subir les plus gros contrecoups du Brexit en raison notamment de la cotation de plusieurs entreprises sud-africaines aux bourses de Johannesburg et de Londres, ou encore en raison de la dépendance de plusieurs banques de la nation arc-en-ciel aux réserves de liquidités britanniques.

A terme, les perspectives économiques restent intéressantes pour les pays africains : Le Brexit, malgré toute l’aura néfaste qui semble l’entourer, pourrait bien regorger de perspectives économiques intéressantes pour les économies africaines.

Tout d’abord, sortir de l’UE implique pour le Royaume-Uni, de s’affranchir de sa contribution au budget européen. Ainsi, cette somme importante pourrait être utilisée pour conclure de nouveaux accords, plus directs avec les pays africains.

Aussi, le besoin pour Londres de trouver en Afrique, de nouveaux leviers pour sa croissance économique, pourrait être une réelle opportunité pour plusieurs pays du continent, d’impulser une nouvelle dynamique à leurs activités commerciales.

Les pays africains les plus dynamiques, pouvant se targuer de disposer de partenaires commerciaux solides comme la Chine, l’Allemagne et la France, qui bataillent pour la place de premier partenaire commercial du continent (en raison des énormes possibilités d’investissements qu’ils offrent), devraient se retrouver en position de force à la table des négociations des accords commerciaux post-Brexit entre le Royaume-Uni et l’Afrique. En cas de mise à mal des exportations africaines vers Londres, les économies du continent peuvent toujours se rabattre sur d’autres marchés (européens, asiatiques et de plus en plus africains) afin d’amortir le choc que cela pourrait faire subir à leur économies.

De plus, alors que la première ministre britannique a annoncé son intention de faire de son pays le premier investisseur du G7 en Afrique, dans un contexte où la concurrence est rude, les dirigeants africains pourraient se voir offrir l’opportunité de conclure des accords commerciaux beaucoup plus avantageux pour leurs économies.

Aujourd’hui le continent dispose de la plupart des matières premières dont ont besoin les industries européennes et anglaises pour fonctionner. Avec une population jeune, un marché intérieur de plus en plus dynamique et des perspectives de croissance assez optimistes pour les prochaines années, les pays africains ont aujourd’hui plus que jamais l’opportunité d’influencer le jeu des accords commerciaux, afin de générer le plus de profit possible pour leurs économies.

Ecofin

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