Très attendue par les opérateurs économiques, la rencontre nationale organisée à l’initiative de la Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz-CREG et consacrée aux questions relatives à la préparation de l’appel d’offres par voie des enchères, a marqué le lancement du programme national des énergies renouvelables.
Elle a suscité beaucoup d’espoir chez les industriels et autres investisseurs locaux qui n’ont pas hésité à investir dans cette filière malgré le manque de visibilité et les hésitations récurrentes de certains responsables au niveau du secteur de l’énergie.
Les opérateurs interrogés en marge de cette rencontre ont été unanimes pour dire que celle-ci était extrêmement positive en soulignant le travail « remarquable » accomplis par la CREG.
Ils ont été également rassuré par les propos du ministre qui n’a pas hésité à reprendre la parole à plusieurs reprises pour lever les ambiguïtés, marquer la volonté du gouvernement pour accompagner cette « filière industrielle naissante » et encourager les opérateurs locaux à investir dans les différents segments de la chaine de valeur du photovoltaïque.
Revenant au déroulé de cette rencontre: l’équipe du CREG a convié tous les acteurs de la filière. Les communications et les débats étaient de grande qualité. Citons celle d’Amel BOUALI, de la CREG sur les principes généraux de mise en œuvre d’enchères,de Boukhalfa YAÏCI, du Cluster Energie Solaire sur le tissu industriel local, de l’expert Mouloud BAKLI du Club Energia, qui a fait une remarquable présentation du Benchmark et des tendances mondiales sur le photovoltaïque. D’autres communication ont retenu l’attention: celle du premier responsable de SKTM (filière du renouvelable de Sonelgaz) et du représntante de BELECTRIC (cette compagnie allemande a installé le tiers du parc solaire existant à ce jour dans notre pays) sur les retours d’expériences.
Enfin il est à noter la présence du secteur bancaire, représenté par le délégué général de l’ABEF et un représentant de la BNA qui a fait une intervention sur les différents types de financements applicables aux projets des énergies renouvelables.
Parmi les sujets abordés, celui de l’intégration locale a constitué le point central des débats car « les enjeux pour l’Algérie sont énormes aussi bien en terme de sécurité énergétique qu’en terme de création d’emplois et de développement d’un savoir -faire local » a souligné un expert présent à la rencontre. Il s’agit de « créer une véritable filière industrielle locale pour répondre à l’ambitieux programme decidé par le gouvernement».
Une unanimité certaine s’est dégagée quant aux segments de la chaine de valeur du photovoltaïque à investir sans attendre (la courbe d’apprentissage dans des pays qui sont très avancés dans le domaine le démontre clairement). Il s’agit en priorité des modules Photovoltaïques ainsi que les entrants tel que le : le verre solaire, le cadre aluminium, et le film plastique.
A ce sujet les participants ont enregistré avec satisfaction que les technologies choisies actuellement en phases d’industrialisation par des investisseurs privés algériens sont similaires à toutes les dernières évolutions utilisées par les leaders mondiaux. Verre-Verre Bifacial, MonoPerc…
S’agissant des structures métalliques, les experts ont insisté sur les critères strictes de fabrication, critères qui ont été rappelées comme : classe et épaisseurs minimum de galvanisation, la garantie des 20 ans, le non contact entre Aluminium et acier galvanisé…une liste des « must have » a été partagée à cette occasion..
Dans les débats, les experts ont jugétrès prématuré, et risquer de s’aventurer sur d’autres segments tels que les technologies des Cellules (Barriere capitalistique élevées, évolution trop rapides), Polysilicium (très complexe) et les onduleurs. Les détails techniques justifiant ces positions ont largement été expliquées et débattues.
Sur le point des onduleurs ;il a été souligné comme extrêmement risqué et « novice » d’aller vers l’assemblage des onduleurs vu les critères de qualité exigées et les options récentes pour baisser le tarif du KWh (principale critère pour l’acheteur).En effet pour baisser davantage le KWh, les onduleurs doivent tenir compte des technologies de modules montantes dont la spécialité est généralement l’apanage de startups très peu connues mais d’une efficacité redoutable en termes de développement de nouvelles solutions garantissant plus de maitrise dans les coûts de production du KWh. D’ailleurs, comme il a été souligné par un expert, les grands fabricants des onduleurs(top 3 mondiaux)sous – traitent souvent la fabrication à des sociétés hyper pointues pour garantir la performance et s’assurer le prix du KWh le plus bas.
Toujours dans le même ordre d’idée, il s’agit d’optimiser le local et disposer de composants de technologies adaptables. Cela avait été largement illustré lors de la rencontre du 30 juillet par des exemples très explicites pour aboutir à une conclusion importante voir déterminante pour la réussite du programme :la technologie choisie des onduleurs doit obligatoirement tenir compte de celle du module photovoltaïque. Les experts citent à titre d’exemple quelques exigences techniques : La tension de sortie à 1500V, Algorithme de contrôle de la bi-facialité, les angles des trackers, de la maintenance nouvelle génération automatisée sans intervention humain « Il faut dire que ces ces options ne sont présentes que chez les leaders mondiaux du secteur (chacun avec plus de 20-30GW en opération) et c’est ce que nous recommandons pour notre pays » a tenu à souligner un expert présent à la rencontre.
Mais à contre- courant du consensus dégagé et des recommandations des experts , une société publique annonce à la clôture de la rencontre (ça été confirmé par les médias), la création d’une société mixte pour la fabrication locale d’onduleur avec FIMER une compagnie italienne inconnue des grands installateurs avec à peine 2.5GW en opération et loin,voire très loin des performances requises pour baisser le prix du KW. Le comble de l’histoire c’est que ce projet a été annoncé sans aucune concertation avec les fabricants de modules ni avec les parties prenantes du secteur.
Cela est totalement contre- productif et va à l’encontre des recommandations des principaux acteurs et parties prenantes de la filière (y compris les pouvoirs publics).
Et ce en plus de la contradiction à l’esprit de coordination et d’optimisation de la chaine de valeur qui s’est dégagé lors de la rencontre et pour lequel le gouvernement était très attentif (c’est ce qui est ressortis des interventions du ministre de l’énergie et également des différentes initiatives prises par le ministère de l’industrie). « L’enjeu du prix le plus bas au KWh se trouve complètement remis en cause par ce type d’initiative » nous a confirmé un expert contacté à ce sujet. Avant de rajouter « dommage que cela se fasse et de surcroit avec l’argent public ! »
Avant d enchainer « Nous avons mis les exigences très hautes pour les technologies des module photovoltaïques ainsi que celles de structures. Nous souhaitons au moins le même standard pour le reste de la chaine de valeur : c’est cela qui va garantir le prix du KWh le plus bas ». Recommandant clairement « de pas se lancer dans une fabrication des onduleurs qui est par essence aventureuse et téméraire. Elle va créer moins de 0.03 emploi par MW (données benchmark) et va brider le prix du KWh car non compatibles avec les modules qui sortiront bientôt des usines déjà lancées en Algérie ».
Pour cet expert le projet de fabrication d’onduleurs annoncé « va se transformer en grande partie d’assemblage de composants et sous-ensembles importés, et payés au prix fort par les acteurs locaux ». Avant de suggérer de lancer l’assemblage (s’il faut le faire) avec un des leaders mondiaux.
La rencontre du 30 juillet dernier avait le grand mérite de préciser les enjeux et les défis qui attendent notre pays pour « jouer dans la cours des grands » en matière d’énergie renouvelables. Mais cela dépendra de la volonté des acteurs et plus particulièrement des pouvoirs publics pour non seulement accélérer la cadence mais surtout veiller à éviter toute « déviation » du processus de création de la filière industrielle.