Dans cet entretien, M. Rachid Gorri, Consultant Marketing, Expert International en développement du tourisme et des marques, et président de Gorri Business Group, est revenu sur la saison estivale en Algérie, notamment sur le respect des mesures mise en place pour sa réussite
Algérie-Eco : Que pensez-vous du phénomène qui accompagne chaque saison estivale, en l’occurrence l’exploitation illégale des plages?
M. Rachid Gorri : Même au sein des plus grandes destinations du tourisme méditerranéen, on retrouve les mêmes comportements, mais à géométrie variable.
De la même manière, je dirais que l’exploitation illégale des plages est une activité spécifique des deux rives méditerranéennes, aussi bien celle du sud que celle du nord, à des degrés d’intensité divers et toutes choses étant égales par ailleurs.
Un bémol tout de même. Les destinations méditerranéennes anciennes « déclarées historiques » par définition, qu’elles soient de l’une ou de l’autre des rives de la grande bleue, ont plus d’expérience dans la pratique de ce « sport national » qu’est l’appropriation et l’utilisation illégales des plages pendant la saison d’été.
Par conséquent, ces dernières, dont le « savoir-faire » en la matière n’est plus à démontrer, arrivent au point de légaliser l’illégal, tant elles maîtrisent les techniques et l’art de corrompre les élus locaux, les fonctionnaires et autres décisionnaires territoriaux !
Cependant, ce phénomène semble irriter et incommoder les touristes en général et s’en plaindre est tout-à-fait légitime, car il s’agit d’un de leurs droits les plus naturels, celui de pouvoir jouir d’un espace public. Sauf que, le tourisme algérien se trouve actuellement dans sa toute première étape qui est la phase de lancement et qui peut durer encore quelques années tant les facteurs structurels, culturels, conjoncturels et même traditionnels ne sont pas tous au rendez-vous.
A cette étape, tout le monde veut faire, mais tout le monde ne sait pas faire et c’est là où le bât blesse ! Dès lors, la confusion, le désordre et l’anarchie gâchent le plaisir de profiter des bienfaits de notre mer (mare Nostrum), la méditerranée.
Cette étape, qui constitue la première marche d’un escalier (dont le nombre de marches reste encore à déterminer), est une étape de grande découverte à la fois pour la demande, mais aussi pour l’offre.
Donc, l’exploitation saisonnière des plages et toute l’effervescence qui l’accompagne, n’est ni l’apanage des professionnels, ni celui des amateurs du secteur du tourisme. C’est simplement une « poussée d’opportunisme » parmi tant d’autres arrivismes, caractéristiques exclusives de l’homme.
On peut dire que cette situation pour le moins confuse, n’est ni plus ni moins qu’une manifestation d’effets secondaires liés au processus de découverte du tourisme et des loisirs, par une demande jeune et néophyte dans un pays qui prend conscience que rien n’est encore fait, que tout reste à faire et où tout semble cependant être en train de se faire…
Le respect de la gratuité des plages est à chaque saison bafoué, et ce malgré les instructions du ministère de l’intérieur ?
Le retour « à la normale » ne se fera ni par la répression, ni par les sanctions, ni par tout autre moyen de dissuasion. Ce cheminement de retour à une situation « acceptable », se fera uniquement par et grâce à la loi du marché. Et comme chacun sait, le marché n’existe que par les faveurs de l’offre et de la demande.
Quand ces deux composantes indispensables au marché auront atteint un certain degré de maturité grâce à un phénomène d’effets réciproques d’action/réaction, le tourisme Algérien sera impacté positivement et de facto, engendrera à la fois des règles qui seront respectées par les uns et par les autres, mais aussi des comportements adéquats et suffisamment matures des différents acteurs.
Autrement dit, le respect de la gratuité et de l’ensemble des règles, ne s’opérera que grâce aux sirènes de la concurrence par ses stratégies marketing qui consisteront, entre autres choses, à la mise en œuvre de processus de vente « formules tout compris » à l’instar de tous les domaines d’activités économiques et concurrentiels dans le système économique d’un pays.
Le touriste arrivera à un stade d’apaisement grâce au phénomène de compensation provoqué par l’émergence de vrais produits touristiques auxquels le marché où ils seront distribués aura donné naissance en Algérie.
Quelle est la nécessité de l’administrateur des plages ?
L’expression même de « l’administration des plages » raisonne comme quelque chose qui appartient à un autre âge…
Une plage n’est pourtant ni un stade de foot ni une piscine.
Une plage est destinée à s’inscrire comme un segment touristique au sein d’un produit touristique et aux côté d’autres segments touristiques pour finalement composer une destination touristique.
C’est naturellement aux collectivités locales qu’il appartient d’attribuer les ressources nécessaires tant humaines que matérielles pour entretenir les plages et de faire en sorte que la sécurité et l’ordre règnent pour respecter et tenir la promesse faite aux estivants : L’assurance de passer de bonnes vacances dans la région qu’ils ont choisie.
Pour ce faire, les localités concernées doivent pour le moins posséder des capacités avérées en management touristique et en marketing territorial. Il semble que ces outils indispensables au domaine du tourisme ne font pas encore partie des priorités du pays, malgré le caractère urgent de leur mise en œuvre sur le terrain.
Est-ce que le manque d’infrastructures touristiques est à l’origine du phénomène de la location des résidences situées sur les côtés ?
Oui, certainement, la pauvreté de l’offre touristique est pour beaucoup, la cause de la location des biens immobiliers environnants. Mais il n’y a pas que la carence de l’offre touristique en général qui incite à la location plus ou moins « décente » de tout et n’importe quoi à n’importe quel prix.
Il ne faut pas être surpris par cette « bulle immobilière » qui n’est qu’un effet parmi tant d’autres d’une situation en quête de changement et de lisibilité dont le reflet est un passage obligé. Mais, si l’Etat (encore lui) décide de lancer dans la règle de l’art le secteur du tourisme, de facto son initiative contribuera largement et rapidement à assainir ce marché naissant tout en lui permettant de réussir son décollage.
Le phénomène de l’ubérisation, comme un peu partout dans le monde est pour cela une des raisons majeures qui incitent à profiter des opportunités qu’un contexte (favorable pour le moment) apporte sur un plateau d’argent à tous les propriétaires de biens immobiliers de la planète. Cette merveille technologique -il faut le reconnaître- perçue comme une virtuose de la distribution, de la vente et de la publicité entre autre, représente pour beaucoup de gens une véritable mine d’or. Elle est pour eux synonyme de liberté, de rapidité et de facilité de gain d’argent et pourquoi pas d’enrichissement rapide. A travers son « business model polyvalent », elle promet d’une part à ces clients (propriétaires), la location de leurs produits au niveau international et d’autre part, à ces clients (touristes) une offre plus large et donc forcément plus compétitive de locations touristiques un peu partout sur la planète (du moins selon la communication mise en avant). Et « the cherry on the cake » -cerise sur le gâteau- le tout est gratuit sans bouger le petit doigt…
En effet, en facilitant l’accès à la commercialisation et à la distribution de pratiquement tout, comme chacun sait, la commercialisation et à la distribution sont les variables marketing les plus sensibles de toute activité économique, il est difficile, voire impossible de résister à pareils appels du pied. C’est la raison pour laquelle, on assiste dans ce domaine à une véritable « ruée vers l’or »…
Pour finir, l’Algérie se trouve face à défi majeur de son histoire et elle n’as pas le droit à l’erreur. Elle doit à présent gagner la guerre économique après la victoire de la guerre d’indépendance. Pour cela, elle n’a pas d’autre choix que de mettre sur des rails solides une stratégie capable de la hisser au rang des plus grandes destinations touristiques de la méditerranée.