Conclu il y a un peu plus de quinze années dans une conjoncture peu favorable à l’Algérie, l’accord d’association à la zone de libre échange euro-méditerranéenne peine à résister à l’épreuve du temps et aux soubresauts de la géopolitique.
Si tous les pays membres de cet espace économique ont en tiré d’honorables bénéfices, l’Algérie qui hésite aujourd’hui encore à réformer son mode de gouvernance, traîne cet accord comme un boulet tant elle n’en a tiré que des inconvénients, à commencer par celui d’avoir fait de notre pays un déversoir pour les marchandises européennes.
Depuis la signature de cet accord, l’Algérie n’a effectivement fait qu’importer les produits des manufactures et exploitations agricoles du vieux continent, nos exportations en constante régression étant réduites à la portion congrue.
L’Union Européenne qui avait promis des mesures de sauvegardes en faveur de notre commerce extérieur n’a absolument rien fait pour inverser cette tendance démesurée au « tout importation » dans laquelle s’est durablement fourvoyée l’Algérie.
L’accord d’association signé au moment où l’Algérie sortait à peine d’une terrible guerre civile avait en effet besoin d’un solide accompagnement pour traverser la zone de turbulence qui l’attendait. Il n’en fut rien.
Les entreprises algériennes furent immédiatement contraintes de prendre part à une compétition commerciale à laquelle elles n’étaient pas du tout préparées. La partie n’était évidemment pas facile pour elles et bon nombre d’entre elles furent, comme il fallait s’y attendre, torpillées par les sociétés européennes beaucoup mieux aguerries. Environ 50.000 entreprises algériennes disparurent ou se transformèrent en sociétés de négoce au bout de quelques années, faisant ainsi d’un pays dopé par les pétrodollars, le plus gros importateur du pourtour méditerranéen.
L’accord d’association à la zone de libre échange euro-méditerranéenne qui avait pour objectif de démanteler les barrières tarifaires qui protégeaient les entreprises locales, est ainsi parvenu à laminer une bonne partie du tissu industriel et agricole algérien. L’écrasante majorité des marchandises provenant des pays membres de la zone de libre échange est aujourd’hui exonérée des taxes douanières.
Peu compétitifs les produits algériens sont les grands perdants de cette ouverture débridée. Les réclamations insistantes du gouvernement algérien ont permis de faire reculer d’une dizaine d’année l’échéance du démantèlement tarifaire applicable à certains produits mais le mal était déjà largement consommé.
Les quelques faveurs obtenues n’ont effectivement pas réussi à remédier au problème autrement plus grave de l’échange inégal qui continue à porter des coups durs à notre balance des paiements dont le déficit n’arrête pas de se creuser sous l’effet de massives importations que le gouvernement ne parvient pas à juguler.
Une étude sur les impacts macro-économiques et sectoriels datée de Janvier 2003 réalisée par pour le compte du gouvernement algérien par trois experts de l’Union Européenne avait, on s’en souvient, déjà donné un avant goût des difficultés qui guettaient les entreprises algériennes qui avaient abandonné leurs activités productives pour n’effectuer désormais que des opérations de négoce.
L’étude en question conclue textuellement que « l’accord d’association et en particulier la mise en application du processus de démantèlement tarifaire aura très vraisemblablement un impact négatif sur l’économie algérienne au moins dans le cours terme, d’autant que l’augmentation des exportations des produits algériens vers l’Europe résultant de l’accord d’association sera vraisemblablement très faible ».
Financièrement très à l’aise à cette période, le gouvernement algérien n’a pas jugé utile de réagir à cette mise en garde. Il le paye très cher aujourd’hui que les caisses sont vides et que ses marges de négociation en tant qu’État signataire de l’accord sont minces.
Toutes les mesures visant à réduire les importations qu’il a été contraint de prendre ces derniers mois, ont vite été dénoncées par l’Union européenne qui a ainsi pu obtenir d’un gouvernement empêtrés dans ses propres contradictions, l’annulation pure et simple.
Pour contourner les clauses de l’accord, il ne lui restait plus que le levier des taxes additionnelles qu’il vient d’appliquer à un millier de produits de consommation dont il souhaitait limiter l’importation.
La mise en œuvre de l’accord d’association ayant été graduelle, il est évidemment trop tôt pour arrêter un bilan précis de ses répercussions sur les entreprises algériennes. Il est toutefois certain que si ces dernières venaient à être livrées à la concurrence étrangère dans les conditions actuelles très peu d’entre elles survivraient en tant que producteurs.
Peu performantes et fortement ébranlées par la marché informel le petit tissu industriel qui reste encore actif éprouvera en effet beaucoup de mal à survivre aux assauts de la concurrence sans frontières.
C’est pourquoi d’aucuns pensent qu’à l’horizon 2020 la concurrence internationale aura totalement laminé le millier d’entreprises de productives qui restent encore actives.
Plus grave encore, et cette même étude le souligne clairement, les entreprises publiques qui paieront le plus lourd tribut à cette ouverture n’auront même pas la chance de trouver une issue dans la privatisation si elle venait à être relancée car, avertit elle, « l’impact du démantèlement tarifaire a diminué l’intérêt des investisseurs pour les entreprises privatisables dans la mesure où elles bénéficient de moins de protection vis à vis de la concurrence étrangère »
Les récentes restrictions pour l’octroi de visas Schengen aux maghrébins tous signataires de l’accord d’association à la zone de libre échange euro-méditerranéenne ont, par ailleurs, été l’occasion d’apporter de sévères critiques à cette coopération à sens unique.
Nombreux sont en effet les médias, mais plus encore les réseaux sociaux, qui se sont légitiment interrogés sur la finalité de cette zone de libre échange qui instaure la libre circulation des marchandises mais qui, paradoxalement, restreint celles des maghrébins auxquels il n’est point permis de circuler librement dans l’espace en question.
Il s’agit là d’une véritable discrimination qui peut faire légitiment penser que ces accords obéissent beaucoup plus à une logique de domination qu’à une logique de coopération.
Il est tout aussi regrettable de constater que les aides multiformes à la démocratisation, pourtant clairement inscrites dans l’accord d’association avec les pays de la rive sud de la méditerranée, n’ont jamais été suivies d’effets. Bien au contraire l’appui apporté par l’Union Européenne à des élections qui n’ont jamais brillé par leur transparence, aussi bien, en Algérie, qu’au Maroc et en Tunisie, apporte la preuve d’un comportement très contestable de l’institution européenne, dès lors que les intérêts économiques priment sur ceux des maghrébins.