Le président érythréen Isaias Afewerki a promis samedi de consolider le rapprochement avec l’Éthiopie, au début d’une visite historique à Addis-Abeba après vingt ans d’hostilité entre les deux voisins de la corne de l’Afrique. « Nous ne sommes plus les peuples de deux pays. Nous sommes un », a-t-il lancé devant les élites politiques et culturelles réunies dans un palais de la capitale éthiopienne construit à une époque où les deux voisins formaient une même nation.
« Nous irons de l’avant ensemble », a poursuivi le chef de l’État érythréen au premier d’une visite de trois jours qui doit notamment voir l’ouverture d’une ambassade d’Érythrée à Addis-Abeba. Garde militaire, danses traditionnelles et tapis rouge : le président érythréen avait auparavant été accueilli avec les honneurs à son arrivée par le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed. Vêtus de châles blancs et agitant des palmes, de nombreux Éthiopiens s’étaient massés le long de la route reliant l’aéroport au centre de la capitale. Les rues étaient ornées de drapeaux des deux pays, de bannières et photos des deux dirigeants signant la paix pas plus tard que lundi, lors d’une visite d’Abiy Ahmed en Érythrée.
Les deux dirigeants ont partagé rires et embrassades lors d’un déjeuner officiel où Abiy Ahmed a assuré que le chef de l’État érythréen était « bien aimé et respecté par le peuple éthiopien à qui il avait manqué ». « Bienvenue à la maison, président Issaias ! » a renchéri le chef de cabinet d’Abiy Ahmed, Fitsum Arega, sur Twitter. Après ce déjeuner, les deux dirigeants ont pris un vol pour Hawassa (Sud) afin d’y visiter un important parc industriel. Un dîner officiel est prévu dimanche et la réouverture de l’ambassade érythréenne est également au programme de la visite selon la radiotélévision éthiopienne Fana. Les vols directs entre les deux pays doivent quant à eux reprendre la semaine prochaine.
Cette visite inédite en Éthiopie survient une semaine après le déplacement d’Abiy Ahmed à Asmara qui a permis de concrétiser une initiative de paix lancée par le chef du gouvernement réformateur d’Addis-Abeba, arrivé au pouvoir en avril dernier. De 1998 à 2000, l’Éthiopie et l’Érythrée se sont livré une guerre conventionnelle qui a fait quelque 80 000 morts, notamment en raison d’un désaccord sur leur frontière commune. Le refus éthiopien d’appliquer une décision en 2002 d’une commission soutenue par l’ONU sur le tracé de la frontière a ensuite entretenu une longue animosité entre les deux pays.
Mais, le mois dernier, Abiy Ahmed a annoncé la volonté de l’Éthiopie d’appliquer un accord de paix signé en 2000 à Alger avec l’Érythrée et les conclusions, deux ans plus tard, de la commission internationale indépendante sur la démarcation de la frontière. « Quelqu’un peut-il trouver les mots justes pour décrire l’intensité du sentiment populaire dans les deux pays, la profondeur et la signification des changements prometteurs à l’œuvre dans la région ! » a tweeté le ministre érythréen de l’Information Yemane Gebremeskel.
Autrefois façade maritime de l’Éthiopie avec les ports de Massawa et d’Assab, l’Érythrée a déclaré son indépendance en 1993 après avoir chassé les troupes éthiopiennes de son territoire en 1991 au terme de trois décennies de guerre. L’indépendance de l’Érythrée a privé l’Éthiopie de tout accès à la mer et l’a forcée à s’appuyer presque exclusivement sur Djibouti pour son commerce maritime. L’accès de l’Éthiopie, deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, aux ports érythréens devrait stimuler l’économie des deux États.
La liberté de mouvement de part et d’autre de la frontière doit permettre la réunion de deux peuples, liés par une histoire, une langue et une ethnicité communes, et de familles séparées depuis plus de vingt ans. Samedi, Amnesty International a souhaité que la paix soit aussi un catalyseur de changements en Érythrée, où des milliers de gens « languissent en détention pour avoir simplement exprimé leur opinion ».
« La fin des hostilités avec l’Éthiopie est un moment de joie pour les Érythréens, mais il doit être suivi par des réformes tangibles qui fassent une véritable différence dans la vie quotidienne des gens et mettent fin à des décennies de répression », a déclaré le directeur adjoint de l’ONG pour la région, Seif Magango. Amnesty a aussi appelé à la fin du service militaire illimité, qui était justifié à Asmara par l’état de guerre avec l’Éthiopie. La mesure a provoqué l’émigration de centaines de milliers de jeunes Érythréens, notamment en Europe.
Afp