L’actualité récente créée un indéniable doute sur l’Europe.
La crise politique italienne, qui touche l’un des pays fondateurs, troisième économie de l’Union, est largement centrée sur une hostilité confuse mais aigüe envers la construction européenne. Les premières prises de position de son gouvernement sur les questions d’immigration attisent les préoccupations qui agitaient déjà bon nombre de pays membres. Après le Brexit, après l’Autriche, la République tchèque, la Hongrie, après la longue incertitude allemande, le sentiment se diffuse partout en Europe que l’édifice se délite.
Sur des sujets majeurs, il est vrai, la situation et les perspectives sont inquiétantes : immigration, sécurité, stabilité économique, politique de l’environnement sont autant d’inquiétudes en face desquelles la réponse européenne n’est pas à la hauteur des attentes. Quant aux institutions, à un an des élections au Parlement européen, il faut aussi constater qu’elles sont plus volontiers critiquées que défendues et que leur efficacité est souvent mise en cause.
La montée des populismes et de la tentation du repliement national est indiscutable. Les partis de gouvernement sont rejetés quand des partis résolument hostiles à l’ordre établi gagnent de l’influence un peu partout, même dans des pays où l’immigration n’est pas un problème.
Faut-il se résoudre à un constat de carence, sinon de crise ? Faut-il repenser l’Europe ?
Un peu partout, la question est posée.
Les réponses proposées ici et là ne sont pas toujours aussi constructives qu’on pourrait croire. Même si le Royaume Uni a choisi le Brexit, d’autres départs ne sont pas sérieusement envisagés. En revanche, l’idée d’une Europe à plusieurs cercles – où chaque pays choisit « à la carte », est assez souvent évoquée. C’est en réalité plutôt une régression, qui restreint les nations participantes et signe l’échec des 50 dernières années.
Il ne faut pas chercher à « refonder » l’Europe comme on l’entend souvent dire, mais il faut construire sur les défis majeurs qu’elle affronte : la circulation et l’immigration, la stabilité économique et monétaire et sa relation avec le reste du monde. Sur ce dernier plan, il faudra aussi que l’Europe sache, face aux Etats Unis mais aussi à l’Asie, se doter de réponses commerciales aux menaces (la « guerre des tarifs ») qui la guettent.
Pour y répondre, un élément demeure fondamental : rien en Europe ne s’est fait depuis l’origine, en dehors du couple Allemagne/ France. C’est le produit de l’histoire, plus encore que le résultat du poids économique ou diplomatique. Les situations politiques intérieures de chacun des deux pays ont sensiblement évolué depuis, un an. Pourtant la réalité structurelle demeure. Un accord franco-allemand sur les développements européens est la condition sine qua non de leur avancement.
L’Allemagne et la France devront, sans tarder, proposer des politiques nouvelles, adaptées aux défis de l’Europe. Les pays qui voudraient les accompagner contribueraient à donner un souffle nouveau et des contenus ambitieux qui sont précisément ce dont l’Europe manque aujourd’hui cruellement.
Jacques Bille