L’appel de la Russie et de l’Arabie saoudite, premier producteur de l’OPEP, à augmenter la production, sonne-t-il le glas de l’accord sur la limitation de la production ? La réunion de l’OPEP prévue les 22 et 23 juin à Vienne, en Autriche, s’annonce sous de mauvais auspices et les débats sur une éventuelle hausse de la production pétrolière promettent d’être houleux.
En effet, le cartel risque de se diviser sur cette question qui sera à l’ordre du jour de la réunion. D’un côté, la Russie, l’Arabie saoudite et les pays de la péninsule arabique qui souhaitent une hausse de la production, ce qui signifie de facto la fin de l’accord sur les quotas de production. De l’autre côté, l’Iran visé par le retour des sanctions américaines et le Venezuela, enlisé dans une crise économique sans précédent, sont vent debout contre une éventuelle hausse de la production. Les deux pays avait écrit à l’OPEP pour réclamer l’unité contre les sanctions américaines, citant l’article 2 de son statut.
Le président américain Donald Trump a mis son grain de sel, en accusant l’OPEP de faire monter les prix du pétrole et flamber l’essence américaine. Le président américain semble oublier que son retrait de l’accord nucléaire iranien, arraché de haute lutte le 14 juillet 2015 à Vienne, a largement contribué à la hausse des cours du pétrole, atteignant les 80 dollars, avant d’amorcer une baisse depuis que la Russie et l’Arabie Saoudite ont appelé à augmenter la production.
A ce propos, les prix du pétrole ont baissé ce lundi sur fond de guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine qui a menacé d’imposer des droits de douane sur les importations de brut américains, tandis que l’offre de l’OPEP et de la Russie devrait augmenter.
En effet, les prix du brut américain, « sweet light crude » ont atteint leur niveau le plus bas depuis avril, tombant à 63,59 dollars le baril avant de revenir à 63,98 dollars à 06H35 GMT, alors que les prix du Brent de la mer du Nord ont baissé de 46 cents, soit 0,6%, à 72,98 dollars le baril, a rapporté l’agence Reuters.
Selon la banque américaine Goldman Sachs : « les prix du pétrole ont chuté au cours des trois dernières semaines en raison de la hausse de la production de l’OPEP » ajoutant que « la faiblesse de la demande des pays émergents et l’augmentation des stocks avaient pesé sur les prix », selon la même source.
La banque américaine a précisé que « le marché pétrolier reste déficitaire … exigeant une production de base plus élevée de l’OPEP et de la Russie pour éviter une rupture de stock à la fin de l’année », selon la même source, tout en s’attendant à ce que l’OPEP et la production russe augmentent de 1,3 million de barils par jour (bpj) d’ici la fin de l’année et de 0,5 million de barils/jour au premier semestre 2019.
Hausse de l’offre mondiale de pétrole
L’OPEP prévoit déjà un important déficit pétrolier mondial pour le second semestre 2018, qui signifie que le cartel continue de produire autant de pétrole que le mois dernier. Mais si l’offre du Venezuela et de l’Iran se contracte, ce déficit deviendra encore plus important. La production du Venezuela va encore baisser dans les mois à venir. L’Agence internationale de l’énergie a déclaré que la capacité pourrait diminuer de plusieurs centaines de milliers de barils par jour d’ici la fin de l’année.
La Russie, l’Arabie saoudite et le reste de la péninsule arabique devraient augmenter leur production de 875.000 barils/jour au cours des six prochains mois, juste pour compenser les baisses attendues de l’Iran et du Venezuela et empêcher le déficit du second semestre. L’Arabie Saoudite dit disposer d’environ 1,5 million de barils/jour de capacité inutilisée qui pourraient être mis en service dans les 90, a rapporté l’agence Bloomberg.
C’est dans ce contexte que les majors pétroliers s’apprêtent à inonder le marché. En effet, le troisième producteur russe de pétrole, Gazprom Neft, veut des quotas flexibles dans l’affaire de réduction de la production de brut, car il est prêt à récupérer sa production congelée dans un délai d’un à deux mois, a annoncé samedi le 9 juin le PDG de l’entreprise, M. Alexander Dyukov.
L’Iran, troisième producteur de l’OPEP, cherche du soutien en dehors du cartel, en se tournant vers la Chine. En effet, le président chinois Xi Jinping et son homologue iranien, Hassan Rouhani se sont rencontrés en marge du 18è sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, organisé du 9 au 10 juin dans la ville côtière de Qingdao, alors que l’Iran est confronté à la réimposition des sanctions américaines, ce qui pourrait affecter ses exportations de pétrole.
La Chine reste le plus grand importateur du pétrole iranien et n’a pas réduit ses importations en provenance d’Iran, même au plus fort des précédentes sanctions contre Téhéran en 2012.
Au premier trimestre de 2018, les importations chinoises de pétrole iranien ont augmenté de 17,3% en glissement annuel pour atteindre 658.000 barils/jour, faisant de l’Iran son sixième plus gros fournisseur, a indiqué le site spécialisé Platts