L’annonce faite vendredi dernier par Ryad et Moscou de revenir sur l’accord de limitation de la production pétrolière a suscité quelques réactions, notamment sur l’évolution des cours du pétrole.
A ce propos, M. Mohamed Saïd Beghoul, expert en énergie, nous explique que cette augmentation « était prévisible notamment depuis le retrait des Américains de l’accord sur le nucléaire iranien. Les Saoudiens ont dès lors pensé à récupérer le déficit iranien », ajoutant « la stratégie la Russie et de l’Arabie Saoudite est de récupérer ce que les Iranien et les Vénézuéliens ont perdu ».
Pour M. Beghoul, « Ryad et Moscou veulent maintenir le prix du baril à 80 dollars. Ils craignent que les sanctions contre l’Iran et la chute de la production au Venezuela, ainsi que les sanctions américaines contre le Venezuela suite à la réélection du président, boostent les prix du baril pouvant aller jusqu’à 100 dollars, ce qui arrangeles producteurs de schiste mais pas la Russie et l’Arabie Saoudite ».
Dans ce sens, M. Beghoul explique qu’« un baril à plus de 80 dollars arrange les producteurs, mais affecte les pays consommateurs », précisant que « ce prix arrange les Saoudiens en vue de l’introduction en bourse d’Aramco ».
Selon notre interlocuteur, « cette hausse de la production d’environ 1 million de barils/ jour se décidera le 22 et 23 juin prochain lors de la réunion de l’OPEP et non-OPEP, ce qui va faire baisser les prix, sachant que les Américain sont déjà 10,7 millions de barils/jour », ajoutant « si cette hausse se concrétise, les prix du baril pourront tourner autour de 65 dollars ».
Evoquant les conséquences d’une éventuelle hausse de la production, M. Beghoul a souligné que «les autres pays de l’OPEP qui n’ont pas des capacités de production importante vont aussi augmenter leur production, ce qui donnera un coup à l’accord OPEP et non-OPEP ».
M. Beghoul pense que « le baril ne va pas se stabiliser à 80 dollars d’ici le mois de juin », où les pays OPEP et non-OPEP vont se réunir pour décider d’une éventuelle hausse de la production, « actuellement ils sont en train d’anticiper, ils ne vont pas toucher à la production. Mais le marché a réagi au discours », a-t-il souligné.
Exploitation du gaz de schiste en Algérie
Selon un rapport établi par l’AIE en 2015, l’Algérie détient la 3ème réserve de gaz de schiste au monde, derrière l’Argentine et la Chine. Le gouvernement a déjà lancé le forage de deux puits-test à In Salah suscitant la colère des habitants quant aux risques écologiques, notamment la contamination des nappes phréatiques.
Interrogé sur ces réserves, M. Beghoul a rappelé qu’« il n’y a pas eu jusqu’ici une évaluation faite par Sonatrach. C’est une estimation faite par les Américains, elle reste à vérifier ».
S’exprimant sur la tournée du PDG de Sonatrach, AbdelmoumenOuledKadour au sud du pays pour avoir l’aval des habitants, M.Beghoul estime que « c’est un peu démagogique, c’est pour préparer les habitants ».
Notre interlocuteur ne pense pas que « les Américains vont venir pour partager le risque et la production, mais ils viendront pour nous assister sur un plan technique, parce que « la rentabilité du gaz schiste en Algérie n’a pas encore été tranchée et elle n’a jamais été prise au sérieux », explique-t-il.
Et d’ajouter « apparemment ce n’est pas rentable, parce que le coût du forage par puits est estimé en Algérie à 20 millions de dollars. On peut récupérer au maximum 100 millions m3 par puits durant ses trois années de durée de vie, et si on vend ces 100 millions m3 à 6 dollars million/BTU, on ne récupère même pas le coût du forage ».
M. Beghoul explique que « chaque puits qui fléchit, il faudra le remplacer pour maintenir les niveaux de production, donc il faut forer de manière continue, cela est inimaginable chez nous, en raison des coûts ».
A ce propos, notre expert explique qu’« aux Etats-Unis, l’exploitation du gaz de schiste est rentable, parce que les Américains maitrisent la technologie qui est sur place, ils ont également les assurances » qui couvrent les risques, « en plus des subventions du gouvernement ».
Il a rappelé qu’« aux Etats-Unis, le sol appartient aux citoyens, c’est une caractéristique qui favorise le forage, mais ici en Algérie le sous-sol appartient à l’Etat qui n’a pas les moyens de financer les techniques de forage ».