Angela Merkel a été réélue mercredi matin chancelière d’Allemagne, un quatrième mandat qu’elle entame affaiblie et avec six mois de retard face aux défis du populisme et de la réforme de l’Union européenne.
Sur les 688 votes valables, 364 députés ont voté en sa faveur à bulletin secret. « J’accepte l’élection », a-t-elle dit, sous les yeux de sa mère Herlind Kasner, 89 ans. Mais, signe des difficultés auxquelles elle a été confrontée pour former une coalition, elle n’obtient que neuf voix de plus que la majorité requise de 355 voix et surtout 35 de moins que sa majorité de 399 élus conservateurs et sociaux-démocrates.
Mme Merkel doit encore prêter serment à la mi-journée, avant un premier conseil des ministres de ce gouvernement rajeuni et quasiment paritaire vers 17 heures (16 heures GMT).
Son élection marque la fin d’une longue quête de majorité. Au final, c’est la coalition sortante et mal-aimée réunissant la CDU/CSU de Mme Merkel et le SPD qui est reconduite. Jamais depuis l’instauration de la démocratie, l’Allemagne n’avait eu besoin d’autant de temps pour se trouver un gouvernement.
Mme Merkel devra diriger un pays bouleversé par l’essor historique de l’extrême droite, le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) étant depuis les législatives la première force d’opposition du pays avec 92 députés. Ce mouvement a su capitaliser sur les déçus du centrisme de la chancelière et ceux outrés par sa décision en 2015 d’accueillir des centaines de milliers de demandeurs d’asile.
Pour nombre d’observateurs, elle attaque donc probablement son dernier mandat. Certains lui prédisent même une fin prématurée, Mme Merkel ayant été malmenée ces derniers mois jusque dans ses rangs conservateurs. Le SPD a quant à lui prévu un bilan d’étape de la coalition dans 18 mois. « C’est tout à fait possible que cette coalition ne tienne pas quatre ans », résume sous couvert de l’anonymat un proche de la chancelière.
Le ministre désigné des Finances et poids lourd social-démocrate, Olaf Scholz a reconnu que ce gouvernement n’était pas le fruit d' »un mariage d’amour ». Mais il a promis que les alliés allaient « travailler ensemble et gouverner convenablement ».
En Europe, on espère que la première puissance économique du continent sera vite en ordre de bataille. Angela Merkel doit en effet rassurer ses partenaires sur sa capacité à agir alors que l’Union européenne (UE) est ébranlée par le Brexit, le repli sur soi de certains membres et la popularité croissante des partis anti-système.
La réforme de l’UE figure à ce titre en haut de la feuille de route du nouvel exécutif allemand. Vendredi, de sources diplomatiques concordantes, elle ira à Paris pour discuter avec le président français Emmanuel Macron de ses propositions de réforme de l’UE, notamment la mise sur pied d’un budget dans la zone euro, accueillie avec peu d’enthousiasme par Berlin. « Nous sommes complètement dépendant l’un de l’autre. Je ne crois pas une seule seconde qu’un projet européen puisse avoir du succès sans ou contre l’Allemagne », a insisté M. Macron, selon une traduction de l’allemand d’une interview publiée mercredi par le quotidien FAZ, « si l’Allemagne ne bouge pas, mon projet échouera en partie ».
En vue du Conseil européen des 22 et 23 mars, les deux dirigeants veulent, selon Mme Merkel, « apporter de la clarté sur ce qu’on considère comme la prochaine étape ».Elle sera précédée à Paris dès mercredi par son nouveau ministre des Affaires étrangères, Heiko Maas, selon son homologue Jean-Yves Le Drian.
En Allemagne, la stabilité rassurante longtemps incarnée par Mme Merkel, une fille de pasteur, a fini par se retourner en partie contre elle. Pour certains, elle a mis en danger le pays en l’ouvrant aux demandeurs d’asile musulmans, pour d’autres elle incarne l’immobilisme dans un monde en changement.
Face à la menace de l’AfD, elle a dû donner des gages à l’aile la plus à droite de son parti, promettant de plafonner les arrivées de migrants et accordant une place au gouvernement à son principal critique de la CDU, l’ambitieux Jens Spahn. Enfin, son gouvernement a promis d’être celui des « petites gens », selon le ministre désigné de l’Intérieur, Horst Seehofer.
Il s’agira en particulier d’accompagner une population en perte de repères dans la mondialisation et la numérisation accélérée de l’économie, des facteurs de l’essor des extrêmes en Occident. « Lorsqu’on regarde l’élection de (Donald) Trump, le Brexit, les succès des partis d’extrême droite en Europe (…) nous voyons l’urgence de trouver de nouvelles réponses aux défis du XXIe siècle », a insisté M. Scholz.
Afp