L’Observatoire pour l’émergence en Afrique (OBEMA), un think tank d’experts africains, a rendu public la première édition de son « index de l’émergence en Afrique » qui classe les pays africains selon une approche méthodologique nouvelle et adaptée aux réalités du continent.
En effet, selon le professeur Mamoudou Gazibo et le chercheur Olivier Mbabia, respectivement coordonnateur et coordonnateur adjoint de l’OBEMA, et concepteurs de cet index, il n’existe pas de conceptualisation claire et adaptée à l’Afrique de la notion d’émergence. Et ce, en dépit de l’agitation constatée sur le continent concernant cette question. Notant, par la même occasion, que sur 54 pays africains, 37 ont lancé un plan visant à se hisser au rang d’émergent.
Toujours selon les concepteurs de cet index, cette frénésie observée sur le continent concernant l’émergence reste, en fait, sous-tendue par l’idée de bonds économiques, tout en s’inspirant implicitement de la trajectoire des États développementaux asiatiques.
A ce propos, les tentatives de définition de l’émergence dépendent, jusqu’à présent, d’approches différentes sur le sujet. Celles-ci tenant principalement, d’une part, des considérations de l’émergence du point de vue de la finance internationale d’où l’expression « marché émergent ». Et d’autre part, des considérations visant à appréhender l’impact du phénomène de l’émergence sur la recomposition des équilibres géoéconomiques et géopolitiques internationaux. Ceci, dans la mesure où les pays émergents (en parlant surtout des BRICS) s’affirment sur la scène internationale aux dépens des puissances issues des vagues de développement antérieures. Ainsi, « l’Index de l’émergence en Afrique 2017 » tente de corriger ces manques en adoptant une approche fondée sur les facteurs aussi bien universels en matière de développement, que spécifiques à la réalité africaine d’aujourd’hui.
L’index propose donc de définir l’émergence comme « un processus de transformation économique soutenue qui se traduit par des performances aux plans social et humain et qui prend place dans un contexte politique et institutionnel stable susceptible d’en assurer la soutenabilité ».
Une approche nouvelle d’ailleurs saluée par l’Agence du NEPAD. Effet, en préfaçant cet index, son Secrétaire exécutif, Dr. Ibrahim Assane Mayaki, déclare que « les paramètres macro-économiques purement quantitatifs ont leurs limites. La croissance du PIB ne dit rien de sa répartition et donc des effets d’entraînement sur l’économie. De même, une simple mesure de la dette ne permet pas de distinguer ses usages, parfois économiquement non rentables, mais socialement indispensables ». Par contre souligne-t-il, « une croissance plus faible mais mieux répartie, réinvestie dans des projets structurants, et des investissements dans un secteur public qui relaie efficacement l’action de l’Etat, ne sont pas incompatibles avec des économies puissantes : ainsi le montre l’exemple du Japon et des pays scandinaves dans le premier cas, de la Chine dans le second ».
Appréhendant l’émergence comme un phénomène multidimensionnel et contextuel, l’index retient donc 23 indicateurs comme fournissant un cadre opératoire permettant de saisir les dynamiques éventuelles (ou non) d’émergence.
Ceux-ci sont regroupés en quatre dimension dont le première est politique et tient à : la stabilité démocratique (1) ; le leadership (2) ; l’intégrité de la bureaucratie (3) ; la corruption (4) ; la gestion publique (5) ; et l’appareil de sécurité (6).
La deuxième dimension est économique et regroupe : la croissance du PIB (7) ; les infrastructures (8) ; le climat des affaires (9) ; le secteur rural (10) ; la diversification (11) ; et la qualité de l’intégration régionale (12).
La troisième dimension relève, quant à elle, du développement humain et regroupe : l’indice d’éducation (13) ; l’émigration des personnes qualifiées (14) ; le ratio emploi-population (15) ; le taux de participation des femmes à la population active (16) ; et le taux d’alphabétisation (17).
Enfin, la quatrième dimension est sociétale et regroupe notamment : les dépenses dans le domaine de la santé en pourcentage du PIB (18) ; l’espérance de vie à la naissance (19) ; l’accès à l’eau potable (20) ; l’accès à l’électricité (21) ; la protection de l’environnement (22) ; et l’inégalité de revenu sur la base coefficient de Gini (23).
Ainsi, sur la base de scores allant de 0 à 100, « l’index de l’émergence en Afrique 2017 » établit une classification – réservant de nombreuses surprises – des pays africains en les qualifiant « d’émergent », de « seuil », de « potentiel », ou « autre ».
Sont donc qualifiés de pays « émergents », ceux qui sont engagés dans un processus de transformation économique soutenue dans un contexte socio-politique inclusif et institutionnel stable, susceptible d’en assurer la soutenabilité. On y retrouve onze pays africains avec à leur tête, Maurice (1er), l’Afrique du Sud (2ème), et les Seychelles (3ème). Le « seuil » désigne, quant à lui, les pays qui sont à la limite au-delà de laquelle pourrait s’amorcer le processus d’émergence. On y retrouve également onze pays avec en tête l’Egypte (12ème), l’Ouganda (13ème), et l’Algérie (14ème). Pour sa part, la catégorie qualifiée de « potentiel » concerne les pays qui, certes, possèdent des ressources et des capacités importantes, mais ne réussissent pas encore à les mobiliser en vue de l’émergence. Il concentre le plus gros contingent avec 21 pays africains parmi lesquels on retrouve Djibouti (23ème), les Comores (24ème), ou encore le Libéria (25ème). Enfin, la catégorie « Autre » correspond aux pays dont les performances ne permettent pas, en ce moment du moins, de les positionner sur la voie de l’émergence. On y retrouve aussi onze pays avec, en fin de classement, le Tchad (52ème), le Soudan du Sud (53ème), et enfin la Somalie (54ème).
Au niveau régional, l’Afrique australe arrive en tête dans la dimension politique avec un score de 45, suivie respectivement de l’Afrique de l’ouest (44), de l’Afrique de l’est (31), l’Afrique centrale (30) et l’Afrique du nord (30).
Au niveau économique, l’Afrique du nord devance le classement avec un score de 45, suivie respectivement de l’Afrique australe (40), de l’Afrique de l’ouest (37), l’Afrique de l’est (35), et enfin de l’Afrique centrale (30).
Dans le domaine du développement humain, l’Afrique australe arrive encore en tête avec un score 58, suivie respectivement de l’Afrique centrale (54), de l’Afrique de l’est (52), de l’Afrique de l’ouest (48), et l’Afrique du nord (47).
Enfin, au niveau sociétal, c’est l’Afrique du nord qui domine le classement avec un score de 75, suivie respectivement de l’Afrique australe (56), de l’Afrique de l’est (54), de l’Afrique de l’ouest (53), et de l’Afrique centrale (48).
Au total, on observe que l’Afrique australe devance les autres régions dans les domaines du politique et du développement humain, tandis que l’Afrique du Nord occupe la première place dans les deux autres dimensions (économique et société). La région méridionale du continent constitue donc la seule à se positionner convenablement dans toutes les dimensions de « l’index de l’émergence en Afrique 2017 ».
Ecofin