Dans cet entretien, l’expert financier, M El Besseghi donne son avis sur la tenue du premier salon de la finance islamique. Pour lui, une telle manifestation est importante pour vulgariser et sensibiliser les épargnants potentiels et les utilisations éventuels de produits islamiques. MEl Besseghi relève que jusque là, les banques publiques ne sont pas impliquées dans l’offre de ces produits, en raison de l’absence d’un cadre réglementaire approprié. Selon lui, un encadrement plus soutenu par la Banque d’Algérie avec une stabilité réglementaire seraient de nature à permettre, à terme, une réduction de ces couts et un développement graduel de ces produits financiers.
Algérie-Eco : Le premier salon de la finance islamique organisé du 26 au 28 février à Boumerdes, se veut une occasion pour sensibiliser les gens, les banques et institutions financières sur les avantages de ce nouveau concept financier. D’abord que pensez-vous de cet événement, le premier du genre?
MEl Besseghi : Ce premier salon est venu à point nommé pour au moins deux raisons :
La première découle d’une volonté des banques et établissement financiers spécialisées de promouvoir la finance islamique, comme alternative au financement de l’investissement dans une conjoncture de crise financière. C’est une occasion idoine qui se présente pour faire connaitre les produits financiers hallal ou dits islamique, qui sont très faiblement sollicités par les épargnants et investisseurs nationaux. Seules quatre banques sur le marché financier national interviennent avec les fameux Al mourabaha, al moucharaka, el moudharaba, el sannad, takaful et sukuk, etc…….conformes à la charia et aux préceptes de la religion, avec notamment la prohibition de la « riba ».
La seconde raison est relative à la volonté des pouvoirs publics de promouvoir ces produits dans une période de crise financière aigue, afin de drainer la masse monétaire qui circule dans l’informel qui est estimé entre 1.5OO et 2000 milliards de dinars sur un volume de monnaie fiduciaire de 4.780 milliards de dinars, selon le dernier rapport de conjoncture de la Banque d’Algérie. Cette masse monétaire thésaurisée échappe totalement au circuit bancaire et constitue le foyer par excellence du blanchiment des capitaux.
Le financement islamique draine moins de 2% des ressources totales collectées et reste marginal par rapport au financement conventionnel, d’où l’utilité d’une telle manifestation pour vulgariser et sensibiliser les épargnants potentiels et les utilisations éventuels de produits islamiques..
Ensuite, quelles sont à votre avis les meilleures méthodes pour que les banques qui ont adopté ce nouveau système réussissent leurs opérations?
La finance islamique se caractérise principalement par l’implication plus forte du client, grâce à un intéressement plus attractif que les produits financiers conventionnels ou classiques. Elle repose principalement sur la participation aux pertes et aux profits entre l’établissement bancaire et son client.
Jusque là, les banques publiques ne sont pas impliquées dans l’offre de ces produits, en raison de l’absence d’un cadre réglementaire approprié. Avec la crise et afin de redynamiser le marché financier, les banques ont été invitées à entrer en lice rapidement pour dynamiser les produits financiers islamiques comme moyen pour juguler les effets néfastes induits par cette crise financière.
En effet, certaines banques publiques devaient se préparer sur le plan procédural et opérationnel pour le lancement des produits « hallal » dans certaines agences avant la fin de l’année 2017. Les autres devaient être opérationnels dans le courant de cette année. Il faut savoir que cela nécessite une sacrée organisation et un savoir-faire particulier pour la mise en place d’un dispositif capable de gérer ce segment.
L’avis qui a été largement partagé dans ce salon par différents opérateurs, c’est celui qui soulève la problématique du cadre réglementaire qui n’est pas de nature à conforter les banques et établissements financiers et qui nécessite des compléments. Lors des débats sur l’amendement de la loi sur la monnaie et du crédit, l’occasion était donnée pour introduire certaines dispositions qui auraient permis de relancer ce segment de marché et conforter les gestionnaires.
Il y a également l’investissement dans le facteur humain, par le biais de la formation des personnels pour mieux appréhender les particularités de la finance islamique. Dans ce cadre, les banques publiques ont commencé à réaliser quelques actions de formation et organiser quelques guichets spécialisés.
Enfin, il convient de mettre en place le conseil des « fetwas » composé par d’oulémas pour encadrer et déclarer si les produits offerts sont licites ou interdits, comme c’est le cas dans la plupart des pays musulmans qui offrent ce type de produits financiers.
Nous savons que l’Algérie vient tout juste d’adopter ce concept alors que dans d’autre pays même européens l’ont adopté depuis quelques années. Quel pays conseillez-vous qu’il soit une référence pour l’Algérie?
La finance islamique dans le monde est à ses premiers balbutiements, avec un encours marginal de 1% par rapport à l’encours total. .
Cette pratique de la finance est surtout observée dans les pays du Moyen-Orient, de la Malaisie de l’Iran et de la Turquie qui représentent presque l’essentiel de l’encours total de la finance islamique, avec un taux de croissance significatif et une perspective de 4.000 milliards de dollars à l’horizon 2020.. Par ailleurs, on note depuis cinq ans une accélération de la croissance de ce segment de marché dans certains pays en Europe qui ont commencé à investir dans ce créneau pour drainer les fonds des pays musulmans et s’introduire en offreur de produits conforme à la charia. L’Angleterre qui en est l’exemple type se présente comme leader avec une technicité avérée et d’un savoir faire certain dans le domaine bancaire d’une manière générale, mais aussi en raison des garanties de transparence et des critères de régulation.
Quel avenir pour la finance islamique en Algérie ?
Les utilisateurs des produits islamique en Algérie pensent que les couts, marges, rémunérations et autres pour l’intermédiation sont trop élevés et constituent un frein au développement des produits financiers compatible et « hallal », Par contre, ils permettent de régler un gros problème idéologique pour certains utilisateurs et ceci n’a pas de prix, selon eux.
Ce cout est certainement lié aux charges de fonctionnement de ces banques, mais il est évident qu’un encadrement plus soutenu par la Banque d’Algérie avec une stabilité réglementaire seraient de nature à permettre, à terme, une réduction de ces couts et un développement graduel de ces produits financiers.