Les autorités allemandes ont révélé jeudi faire l’objet d’une attaque informatique sans précédent et « toujours en cours » contre des ministères, dont les auteurs sont à chercher en Russie selon des médias.
Il s’agit d’une « attaque techniquement ambitieuse et préparée depuis longtemps », a indiqué le ministre de l’Intérieur Thomas de Maizière. Cet « événement grave confirme ce que nous savons déjà : divers acteurs menacent, pour différents motifs, la sécurité informatique » du pays, a-t-il ajouté.
« Il s’agit d’une véritable cyberattaque qui vise une partie du gouvernement. C’est une procédure qui est toujours en cours, une attaque qui est toujours en cours », a indiqué de son côté un député du parti conservateur de la chancelière Angela Merkel (CDU), Armin Schuster, après une réunion en urgence de la commission de contrôle des services secrets à la chambre des députés.
Les députés comme le gouvernement se sont refusé à donner des détails supplémentaires afin, disent-ils, de ne pas compromettre les efforts des autorités, y compris les services secrets, pour remonter la trace des pirates.
« Nous ne pouvons pas aujourd’hui évaluer de façon complète l’étendue des dégâts, cela serait prématuré », a ajouté M. Schuster.
Cette cyberattaque est « sous contrôle », a pour sa part déclaré le secrétaire d’Etat aux affaires intérieures, Ole Schröder. « Nous sommes parvenus (…) à isoler et à mettre sous contrôle cette attaque », a-t-il précisé au groupe de journaux régionaux RND.
L’affaire avait été révélée mercredi par plusieurs médias. Selon l’agence de presse allemande DPA, c’est le groupe russe « APT28 » -également connu sous les appellations de « Fancy Bears » ou « Tsar Team »-, qui a piraté les systèmes des ministères de la Défense et des Affaires étrangères sur une longue période, au moins un an, et s’est procuré plusieurs données.
Les services de renseignements allemands ont en fait constaté l’attaque en décembre dernier mais décidé de n’en rien révéler au public pour identifier les auteurs discrètement.
Une stratégie aujourd’hui critiquée. Le député Vert Constantin von Notz, membre de la commission de contrôle des services secrets, a jugé « totalement inacceptable » d’être informé par les médias.
« Nous réclamons que toute la lumière soit faite sur ce point et que les responsables s’expliquent », a-t-il dit.
Les renseignements allemands redoutaient des cyberattaques l’an passé susceptibles de perturber les élections législatives du 24 septembre.
Ils ont en outre accusé à plusieurs reprises les services secrets russes de mener des campagnes internationales d’attaques informatiques à des fins d’espionnage et de sabotage, notamment en 2015 contre le Bundestag, la chambre des députés.
L’attaque visant cette fois plusieurs ministères est d’une ampleur plus importante car les réseaux informatiques internes du gouvernement sont censés être beaucoup mieux protégés que ceux du Parlement, où les élus sont souvent en déplacement et utilisent leurs ordinateurs personnels portables qui ne sont pas protégés comme le sont les ordinateurs fixes du Parlement.
Mis en cause dans l’attaques visant le Bundestag, Moscou a toujours démenti avoir joué le moindre rôle.
En 2016, plusieurs partis politiques allemands, dont la CDU de Mme Merkel, ont aussi fait l’objet d’attaques attribuées à des hackers pro-Kremlin, via des courriels semblant provenir « du quartier général de l’Otan » et infectés par un logiciel espion.
Plusieurs campagnes électorales ont également été affectées par des piratages attribués aux « Fancy Bears », comme aux Etats-Unis en novembre 2016, contre le Parti démocrate d’Hillary Clinton, ou en France, où des milliers de documents internes de l’équipe du futur président Emmanuel Macron avaient été diffusés sur internet juste avant le deuxième tour de la présidentielle l’an dernier.
Ce type d’offensives, que « la doctrine de la Russie » appelle « conflits hybrides », « appartient désormais au quotidien et nous devons apprendre à y répondre », avait déclaré fin 2016 la chancelière Angela Merkel, au lendemain d’une attaque géante contre l’opérateur allemand Deutsche Telekom.
Afp