Dans cette 2e partie de l’entretien que le Dr Mouloud Bakli, nous a aimablement livré, l’expert revient sur la qualité du climat des affaires, et l’urgence d’y remédier.
1ère partie de l’entretien: Entretien exclusif avec Dr Mouloud BAKLI: Il est urgent de libérer l’investissement dans les énergies renouvelables
Qu’en est-t-il du tissu industriel en Algérie…
Malgré le manque de visibilité et de stratégie claire plusieurs acteurs du privé sont déjà en marche, ils ont investi car ils y croient …
Lors du dernier séminaire Energia Janvier 2018 – Les acteurs prives (FCE et non FCE) ont annoncés devant le ministre de l’Energie et les pouvoir publiques que « Pour soutenir le programme des EnR national – priorité du président de la république – les acteurs du secteur privé lancent entre 500MW et 1000MW d’industries dans divers secteurs et ce avant fin 2018 et ces acteurs ont plaidé pour le « Zéro Modules importés »
Faisons un bilan de ce qui existe actuellement.
Cote Module PV le secteur est déjà en marche depuis 2012 nous avons l’acteur historique Condor Electronics avec une capacité annuelle de 130 MW (une récente mise à jour de l’usine a élevé le niveau d’automatisation et intégré les soudures automatiques « 4 et 5 bus bar » Allemands), Aurès Solaires 35MW qui utilise la technologie « Glass-Glass » de « Nice Technology » du Français Vincent Industrie avec un plan de monter en capacité en 2018, l’usine ENIE Etatique de 18MW (technologie Spire), et enfin il y a l’usine de Zergoune Green Energie récemment annoncée prévue d’après son DG de rentrer en production Juin 2018, cette usine dotée d’équipements 100% européens est prévu toujours d’après son DG d’être la plus grande en Afrique d’une capacité annuelle de 180 MW avec le plus haut niveau d’automatisation Europe-Afrique réunis.
Pour les câbles il y ‘a pas mal de sociétés très crédibles qui sont déjà présentes citons (ElSEWEDY, ENICAB, …).
Coté structure métallique nous avons déjà au moins trois sociétés déjà en marche, la société« Energia Sun Solution » a annoncé lors du séminaire Energia une usine d’une capacité annuelle de 1000MW (1GW) de structure métallique innovantes en Joint-Venture avec un grand groupe européen.
Coté Génie Civil, Engineering et Construction de centrale (métier dit EPC) il y a aussi un nombre croissant de sociétés qui s’organisent et montent en compétences avec les spécificités du secteur.
Coté des entrants également les sous-traitants sont en marche pour investir… Verre Solaire, Cadre Aluminium, Composants boite de jonctions…
En résumé l’état a tout ce qu’il faut pour imposer du contenu local « Made in Algeria » par exemple le « Zéro module importés » ou « Zéro structures métalliques importées » par exemple aux investisseurs énergéticiens contre un système de bonus au KWh en fonction du contenu local (modèle que nous avons largement expliqué lors du séminaire Energia et qui a montré toute son efficacité en Turquie +25 sociétés et en Inde +50 sociétés…).
Ce modèle permet aux investisseurs de travailler de concert avec les industriels algériens pour monter en qualité/compétences et en compétitivité (prix DZD/Wp), et enfin rendre toute la chaîne de valeur existante « bancable » aux normes internationales.
Le secteur tout entier sera alors prêt pour exporter en Afrique voire investir qui prévoit un potentiel de 70GW d’ici 2030. Si nous ne le ferons pas, d’autres pays sont déjà prêts à le faire.
En effet déployer les ENR en Afrique pour l’Algérie serait le plan vraiment gagnant pour toute la filière, historiquement nous avons l’Energie dans notre ADN, un ensoleillement exceptionnel et une industrie qui peut devenir très compétitives (si un écosystème intelligent est vite mis en place).
Il est vrai que si les ministères de tutelle jouent intelligemment leurs rôle de fédérateur d’industries alors l’Algérie pourra jouer dans la cour des grands oui, l’Algérie sera le leader incontournable sur le continent Africain.
A ce titre l’ensemble du secteur privé a fait 10 recommandations très précises pour réussir ce pari ensemble. Elles seront publieés courant du mois de Mars 2018.
Justement, quel est le rôle que devrait jouer l’Etat dans ce sens ?
Les pouvoirs publics ont un rôle primordial à jouer. Ils doivent travailler avec les acteurs privés, la diaspora, les organismes de financements internationaux, riches en enseignement, tisser des ponts avec les pays qui ont su relever ce défis comme l’Afrique du sud, la Turquie, l’Inde…pour créer un écosystème intelligent.
Aujourd’hui nous « traînons » encore de nombreuses aberrations dans le système douanier par exemple ou certains des entrants sont taxés jusqu’à 30%, alors que le module importé est très faiblement taxé rendant les coûts de fabrications locale totalement non-compétitifs. Tout le secteur des énergies renouvelable doit être exonéré des taxes douanières, de taxe professionnelle … durant au moins cinq ans le temps que l’industrie se mette en marche, et le seul gagnant c’est l’État qui va économiser du gaz comme je l’ai expliqué précédemment.
Alors faut-il aller vite ?
Absolument Il faut aller vite, nous avons perdu beaucoup de temps, et chaque jour d’immobilisme qui passe nous coûte cher car c’est :
1) Un manque à gagner de millions de dollars de recette (exportation de Gaz non substitue par l’Energie solaire)
2) Une hémorragie de subvention sur l’électricité consumée qui ne s’arrête pas et
3) Des milliers d’emplois qui manquent à l’appel.
La « non prise de décision » fait très mal au pays
Est-ce que vous sentez y a une volonté des autorités pour répondre aux demandes des investisseurs ?
Sans vouloir « faire allégeance au roi », j’ai été très agréablement surpris d’avoir lors des panels de Energia des débats très ouverts avec des hauts responsables comme le ministre de l’Énergie le DG de la Sonelgaz, ils sont ouverts et ils écoutent et ils ont exprimé leur disponibilité et volonté à travailler ensemble. Je vous assure et rassure il y a une grande écoute, mais leur tâche n’est pas facile tellement le dossier est complexe et nouveau.
Lors de nos échanges en particulier sur les volets benchmark du prix du KWh, j’ai l’impression qu’ils ont réalisé une fois de plus l’urgence d’avancer vite et de mettre les ressources adéquates pour sortir l’appel d’offre.
Pensez-vous qu’il y a des parties qui bloquent ce programme ?
Sincèrement je ne pense pas qu’il y a une volonté de bloquer, du moins je ne la vois pas. Mais je suis certain qu’il y a une méconnaissance profonde du secteur – alors que d’autres pays ont bien compris ou en est le solaire (Inde/Arabie Saoudite/Emirats Arabie Unis/Turquie/Chine/Pakistan…) et donc ils y vont de façons très agressives avec des plans de croissance à 2-3 chiffres, en Algérie on sous-estime, ont met en doute les performances réelles du solaire et on se pose encore des questions presque philosophiques – qui ne sont même plus d’actualité.
Mr Tony Seba très célèbre professeur visionnaire à Stanford (CA-USA) prévois la fin du Oil&Gas pour 2030…a qui allons-nous vendre notre gaz ? notre pétrole ?
Le monde de l’Energie est en rapide mutation « S Curve » Exponentielle et l’Algérie doit prendre le train en marche sinon les conséquences seront dramatiques. Chaque année l’IEA (International Energy Agency) revois et corrige ses prévisions du solaire à la hausse…
A présent Energia et les pouvoirs publics sont en marche, faut accélérer la courbe d’apprentissage. Créer 40 emplois en un MW, donc à 4G, nous aurons 160 000 emplois, directs et indirects, donc pourquoi priver le pays de ça.
Ce programme, devrait finalement s’appeler le programme d’urgence des énergies renouvelable.