Après l’entrée en vigueur en début d’année 2018, de la liste de 851 produits interdits à l’importation, les répercussions de cette mesure commencent à se voir sur le terrain, notamment, du côté des commerçants de détail de différents créneaux qui constituent les réseaux de distribution des importateurs. Certains ont commencé à baisser rideau et d’autres envisagent de changer complètement d’activité pour ne pas pointer au chômage.
En effet, lors de notre virée à Alger, nous avons constaté de visu que plusieurs supérettes dans les quartiers huppés comme dans les quartiers populaires de la capitale, ont vu leur business prendre un coup de mou. Dans la majorité des magasins que nous avons visité, les produits importés ont disparu des étals dans certaines supérettes par exemple et disponibles dans d’autres mais, en très petites quantités. Leurs prix ont également augmenté. A titre d’exemple, le gérant de la superette « l’Opéra » a revendu ce qui lui restait comme produits cosmétiques et autres car il compte se reconvertir en pâtisserie. Le sort de son personnel n’est pas encore connu.
Il faut souligner également que même les produits locaux ont connu une augmentation des prix à l’unité que personne ne peut d’ailleurs expliquer.
Les magasins de téléphones portables aussi connaissent le même phénomène. En plus des prix des Smartphones importés qui ont flambé, on les voit de moins en moins exposés dans les vitrines, et les produits disponibles sont de l’ancien stock ou fournis par la voie informelle, nous apprend-on, dans quelques magasins visités.
Contacté par nos soins, le Président de l’Association Nationale des Commerçants et Artisans Algériens (ANCAA), M. Hadj Tahar Boulenouar nous a confirmé cette situation alarmante qui touche les petits comme les grands commerces, en soutenant que «c’est vrai, il y a des commerçants qui ont été surpris par l’interdiction de plusieurs produits à l’importation», en ajoutant que «certains distributeurs et surtout les commerçants de détail, qui ont pris l’habitude de distribuer le même produit importé depuis 10 à 20 ans, et maintenant, ils ne peuvent plus s’approvisionner car, leurs fournisseurs n’importent plus».
«Comme les importateurs ont leurs réseaux de distribution (grossistes et détaillants), et avec l’interdiction des importations de plusieurs produits, ce ne sont pas que ces opérateurs qui vont être impactés, mais, automatiquement les commerçants qui se trouvent dans leurs réseaux», a estimé notre interlocuteur.
Il a signalé que «les importateurs peuvent investir ailleurs, car ils ont de l’argent, mais ce sont les commerçants dépendants d’eux qui seront les plus touchés».
Ainsi, selon M. Boulenouar «certains commerçants ont pris contact avec des producteurs algériens pour s’approvisionner, mais, ceux-ci ne peuvent pas l’être parce qu’ils ont leurs réseaux de distribution». Et par conséquent «il y a des commerçants qui pensent à changer d’activité», a-t-il affirmé.
Les produits interdits toujours disponibles mais avec des prix exorbitants
Le même responsable a affirmé également que «les produits interdits à l’importation sont toujours commercialisés parce que le stock de 2017 n’est pas encore en rupture». «Mais, d’ici 4 ou 6 mois, quand ce stock sera complètement écoulé, que vont faire ces commerçants ?», s’est-il interrogé.
En effet, les fromages, les biscuits et confiseries, chocolats importés, commencent à se raréfier dans les magasins, avons-nous noté. Et outre cette pénurie de ces produits, lorsqu’ils sont disponibles dans certains magasins leurs prix sont exorbitants. A l’instar des chocolats importés comme la marque « Milka » dont le prix a passé de 150 à 240 DA, idem pour la pâte à tartiner « Nutella » qui est cédée à 520 DA le pot de 350 gr proposé à 350 DA il y a quelques semaines.
Porte ouverte aux importations illégales
Ces prix pratiqués, sont, toutefois selon un jeune gérant d’une supérette à Didouche Mourad, dus à l’importation illégale de ces produits. Car, selon ses dires « ces produits sont importés illégalement (en langage commun «cabas») et sont achetés ensuite par les commerçants pour satisfaire leur clientèle habituelle.
En plus, explique un autre gérant d’une supérette à Alger Centre, «comme ces produits sont maintenant interdits d’importation, on a ouvert la porte aux importations informelles, et ceux qui les importent illégalement les cèdent plus chers ce qui se répercute sur les prix appliqués dans les magasins».
Ce que nous a confirmé M. Boulenouar en soulignant que «l’importation illégale a commencé à s’étendre. Les grandes marques de chocolat par exemple entrent le plus normalement du monde par le biais du cabas dans avec un prix 30 à 50% plus cher».
Cependant, le Président de l’ANCAA a fait savoir que dans le but de réduire cet impact sur les commerçants « nous sommes en train de faire des efforts pour mettre en contact les commerçants impactés avec les producteurs algériens pour les approvisionner, pour sauver l’activité du commerce intérieur».
« En même temps, a-t-il ajouté, nous sommes en train d’encourager les importateurs pour se convertir dans la production locale en créant des fabriques des mêmes produits qu’ils importaient, soit en partenariat avec leurs fournisseurs étrangers ou seuls, ce qui est une bonne chose pour l’importateur qui deviendra producteur, et bénéfique pour l’économie nationale et leurs réseaux de distributions seront toujours approvisionnés».
En attendant, l’activité du cabas est en plein essor et les emplois indirects sont menacés, tout comme les postes de vendeurs et de caissiers qui absorbent un nombre important de jeunes dont beaucoup issus de cette activité vont se retrouver sur les bancs des chômeurs.