Algérie-Eco : Le ministre du commerce vient de supprimer les licences d’importations pour plusieurs produits. Comment analysez-vous cette décision surprise ?
Smail Lalmas : Il faut comprendre qu’encore une fois l’activité du commerce extérieur est soumise à une expérimentation, à chaque fois ils introduisent des recettes pour voir laquelle fonctionne le mieux tout en s’éloignant des stratégies ou bien d’études préalables. Aujourd’hui le ministre du commerce prend la décision d’annuler les licences d’importations.
Personnellement, j’ai été contre ces licences depuis leur instauration en disant qu’on ne peut pas gérer d’une manière administrative un business comme l’importation. Et ce n’est pas de cette manière que nous pouvons maitriser la facture des importations et même protéger la production nationale. Trois ans après nous sommes arrivés à la suppression de ces licences, cela dit, il est temps d’aller vers un système intelligent en supprimant les licences et en imposant des taxes aux produits importés.
La nouveauté dans le nouveau dispositif est l’interdiction à l’importation de 900 produits, mais en parallèle, le gouvernement n’a pas mis en place un dispositif incitatif pour l’investissement et la création des entreprises. En outre, aucun plan n’a été mis en place afin de combler le vide qu’engendrera cette interdiction d’importation.
Donc, pouvons-nous dire qu’il y a précipitation dans la prise des décisions ?
Je salue l’audace du ministre en disant que la décision de l’instauration des licences d’importation a provoqué la fermeture de plusieurs entreprises faute de matières premières ou d’intrants retardés par les lenteurs administratives dans la délivrance des licences, ou par la mauvaise interprétation de certaines institutions liées à l’activité, causant ainsi, en plus de la fermeture, perte d’emplois, des pénuries de certains produits et inflation des prix.
Aujourd’hui, après ce constat amer suite à l’application de ces licences, définir les responsabilités des uns et des autres, et les mettre devant leurs responsabilités. Nous avons alerté les responsables depuis l’installation de ces mesures en disant que cela allait créer des pénuries et des augmentations des prix et un certains monopole, puisque ça sera les plus proches du système qui vont bénéficier plus facilement de ces licences.
En supprimant ces licences d’importations, est ce que le gouvernement a mis en place un autre système de contrôle des importations ou bien, ce sera un retour pour l’ancien système qualifié d’anarchique ?
Effectivement, après cette décision, le gouvernement n’a pas encore mis en place des mesures nécessaires pour structurer le marché, nous allons donc revenir à l’anarchie qui a prévalu l’instauration des licences, un retour en arrière, vers l’anarchie qui a régné dans le monde de l’importation. Ainsi, il est clair que cette démarche ne va pas permettre d’atteindre les objectifs fixés par le gouvernement à savoir la régulation des importations et la promotion de la production nationale, pour la simple raison que, nos importateurs qui sont à la base des commerçants, dont le premier objectif est de maximiser les profits, vont basculer de liste de produits interdits à l’importation vers le reste de produits autorisés, ce qui va à mon sens, maintenir à un niveau élevé la facture d’importation.
Par contre, l’application des nouvelles taxes pour les produits importés va engendrer l’augmentation importante des prix, et la décision d’interdiction d’importation des 900 produits va faire les beaux jours de l’importation via les cabas et autres moyens illégaux et bien sûr à des prix élevés, et le consommateur sera obligé d’acheter ces produits car il n’y a pas de production nationale pour combler ce vide. En finalité c’est le consommateur qui va payer les erreurs de nos décideurs.
Est-ce que vous ne pensez pas que cette décision est due à un forcing de la part de certaines lobbys des importations ?
Il faut se rappeler que lorsqu’il y avait l’interdiction de l’importation des pommes françaises il y ‘avait un lobby qui est intervenu pour relancer l’importation, auprès des autorités algériennes, donc la pression est là et elle est légitime, pour la simple raison que nous avons signé des accords avec l’Union européenne, nous sommes tenus de respecter nos engagements.
Je pense que l’annulation des licences d’importation est liée en partie à des pression des partenaires étrangers en accord avec les importateurs nationaux pour libérer l’importation des produits entre autres , mais ce qui est anormale est que l’Algérie durant tout ce temps n’a rien fait pour développer son tissu industriel et booster sa production locale et réduire les importations en alimentant au même temps le marché.
Notre problème est unique, nous avons tout fait pour signer les accords de libre échange avec les Européens sans pour autant disposer d’une offre exportable conséquente, et maitriser les fondamentaux de l’export. Donc il est temps d’adopter une nouvelle approche économique différente de celle existante actuellement et cesser, encore une fois, d’être victime de ses choix.