La dévaluation du dinar sur le marché officiel ou le cours est passé de 5 dinars un dollars en 1974 à 115 dinars en décembre 2017 un dollar, contredit les lois élémentaires de l’économie où toute dévaluation en principe devrait dynamiser les exportations, selon le professeur Abderrahmane Mebtoul. « En Algérie le dérapage du dinar a produit l’effet contraire montrant que le blocage est d’ordre systémique et que les mesures monétaires sans les synchroniser à la sphère réelle seront sans effets.
Il faut cerner les causes essentielles de la distorsion entre la valeur officielle du dinar et celle du le marché, de s’attaquer à l’essence du mal et non aux apparences », estime-t-il présentant sept raisons qui ont conduit à cette situation.
Premièrement, le professeur parle de l’écart qui s’explique par la faiblesse de la production et la productivité, l’injection de monnaie sans contreparties productives engendrant le niveau de l’inflation. A cela s’ajoute, selon le Pr Mebtoul, la non proportionnalité entre la dépense publique et le faible impact, le taux de croissance moyen malgré une dépense fonctionnement et équipement évalué à plus de 1000 milliards de dollars entre 2000/2016 n’ayant pas dépassé 3% alors qu’il aurait dû dépasser les 8/10%, est source d’inflation.
Deuxièmement, l’écart s’explique aussi, ajoute-t-il, par la diminution de l’offre du fait que la crise mondiale, combinée avec le décès de nombreux retraités algériens, a largement épongé l’épargne de l’émigration. « Cette baisse de l’offre de devises a été contrebalancée par les fortunes acquises régulièrement ou irrégulièrement par la communauté algérienne localement et à l’étranger qui font transiter irrégulièrement ou régulièrement des devises en Algérie, montrant clairement que le marché parallèle de devises est bien plus important que l’épargne de l’émigration.
Ces montants fonctionnant comme des vases communicants entre l’étranger et l’Algérie, renforcent l’offre », indique le professeur. Après, il parle de la demande qui provient de simples citoyens qui voyagent : touristes, ceux qui se soignent à l’étranger et les hadjis) du fait de la faiblesse de l’allocation devises dérisoire. Mais ce sont, selon lui, les agences de voyages qui à défaut de bénéficier du droit au change recourent elles aussi aux devises du marché noir étant importateurs de services.
Majoritairement elles exportent des devises au lieu d’en importer comme le voudrait la logique touristique comme en Turquie, au Maroc ou en Tunisie. Quatrièmement, la forte demande provient de la sphère informelle qui contrôle 40/50% de la masse monétaire en circulation (avec une concentration au profit d’une minorité rentière) et 65% des segments des différents marchés; fruits/légumes, de la viande rouge /blanche- marché du poisson, et à travers l’importation utilisant des petits revendeurs le marché textile/cuir, selon le Pr Mebtoul.
Comme cinquième raison, le Pr .Mebtoul dira que l’écart s’explique par le passage du Remdoc au Credoc, instauré en 2009, a pénalisé les petites et moyennes entreprises et n’a pas permis de juguler comme cela était prévu la hausse des importations qui ont doublé depuis 2009 ,tout en renforçant les tendances des monopoleurs importateurs.
Sixièmement, beaucoup d’algériens et d’ étrangers utilisent le marché parallèle, selon lui, pour le transfert de devises, puisque chaque algérien a droit à 7200 euros par voyage transféré, utilisant leurs employés algériens pour augmenter le montant, assistant certainement, du fait de la méfiance, à une importante fuite de capitaux de ceux qui possèdent de grosses fortunes.
« Septièmement, pour se prémunir contre l’inflation, et donc la détérioration du dinar algérien, l’Algérien ne place pas seulement ses actifs dans le foncier, l’immobilier ou l’or, mais une partie de l’épargne est placée dans les devises. En effet, beaucoup de ménages se mettent dans la perspective d’une chute des revenus pétroliers, et vu les fluctuations erratiques des cours d’or, achètent les devises sur le marché informel », estime le Pr Mebtoul.