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AIFA Paris – Anne-Yolande Ngo Minyogo (OHADA) : « L’Afrique n’est pas une jungle juridique »

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Tous les experts et opérateurs économiques internationaux en conviennent, le doute très répandu sur l’impartialité des juridictions d’affaires africaines, en cas de litige international, constitue un frein très fort à l’investissement étranger. Pourtant, même si des zones d’ombre persistent, les avancées accomplies par les procédures d’arbitrage en Afrique sont porteuses d’un optimisme certain Explications. 

Que la perception des risques en Afrique soit exagérée, c’est un point de vue qu’expriment régulièrement tant les experts que les dirigeants économiques africains, et souvent pour s’en scandaliser. La vérité est cependant un peu plus complexe, voire plus rassurante : ce sont les investisseurs non présents en Afrique qui surestiment le risque, tandis que selon une enquête de 2016, « 73 % de ceux qui y sont déjà actifs ont une vision positive », relève Mouhamadou Niang, DG de Meridiam, un fonds parisien d’investissement dans les infrastructures. 

D’autre part, s’il est vrai que « les États africains n’ont pas souvent les compétences pour répondre aux attentes pointues des entreprises internationales,remarque encore Mouhamadou Niang, les risques ne sont pas l’apanage de l’Afrique : voyez les scandales de l’aéroport de Berlin, dont le budget initial a été multiplié par deux ! » 

Les avancées de l’arbitrage

Cette relativisation du risque africain, y compris en citant à contre-emploi la « vertueuse Allemagne », c’est un premier propos positif échangé par les panélistes de la conférence dédiée au risque et à l’arbitrage des litiges, dans le cadre de l’événement « Africa Investments Forum & Awards » (AIFA), organisé à Paris, le 23 novembre.

Le second aspect positif, qui contribue à déconstruire des préjugés obsolètes, c’est l’importante avancée de l’arbitrage, que se sont attachés à mettre en lumière Roland Ziadé, du cabinet d’avocats d’affaires international Linklaters, et Anne-Yolande Ngo Minyogo, avocate et médiatrice à l’OHADA.

L’arbitrage présente en effet plusieurs avantages, comme l’explique Roland Ziadé : « Face à la crainte de favoritisme [des juridictions nationales, ndlr], la procédure arbitrale permet de choisir les arbitres. Et une discrétion certaine est assurée, puisqu’il n’y a pas d’audience publique ». C’est un premier point apte à renforcer la confiance d’investisseurs potentiels. 

Autre élément d’importance : les deux tiers des États africains ont adhéré à ce jour à la Convention d’arbitrage internationale – à l’exception notable de l’Afrique du Sud et de l’Angola. « C’est aujourd’hui un mode de règlement des litiges qui s’accroît, et les instances ont tendance à se localiser sur le Continent. Reste cependant un défi : assurer plus de places aux Africains, car ils ne sont aujourd’hui que 15 sur 90 arbitres d’affaires internationaux », conclut-il.

L’OHADA et la « justice privée »

L’avocate Anne-Yolande Ngo Minyogo développe elle aussi un fort plaidoyer en faveur de l’arbitrage, sous l’égide de l’Ohada (L’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) : « L’arbitrage est une justice privée qui prend en compte les attentes du monde des affaires. C’est un gage pour les investisseurs. Les coûts sont accessibles et l’on peut choisir le pays que l’on veut » pour y faire siéger l’instance arbitrale, parmi les dix-sept États membres que compte l’Ohada, tous francophones à l’exception de la Guinée-Bissau, lusophone.

« Risques gérables » et « outils pertinents »

Un enthousiasme que tempère toutefois l’intervention de Lorenzo Pavone, haut fonctionnaire de l’OCDE, où il est chef adjoint de l’unité des Partenariats et des réseaux. « Les investisseurs se trouvent in fine face à des collectivités territoriales en manque de compétences. Cela peut être très dissuasif (…) d’autant plus que beaucoup de pays sont très exposés à la corruption », souligne Lorenzo Pavone. Et de détailler les diverses étapes d’un projet durant lesquelles cette corruption peut s’exercer : un appel d’offres biaisé dès l’origine ; la collecte des royalties ; l’attribution des recettes par les collectivités locales bénéficiaires, le dévoiement de pzrtenariats publics-privés (PPP), car très complexes à diligenter… avant de rappeler l’existence de la Déclaration sur l’investissement international et les entreprises multinationales de l’OCDE, dont les Principes (réactualisés en 2011) déterminent notamment les éléments de responsabilité sociale pour les entreprises, dont le respect des Droits de l’Homme et la lutte contre la corruption. 

Mais Lorenzo Pavone conclut cependant sur une note raisonnablement optimiste : « Les risques sont gérables pour ceux qui prennent le temps de les comprendre ».

Raisonnable, mais insuffisant pour Anne-Yolande Ngo Minyogo… Alors que la conférence se termine, elle arrache le mot de la fin pour affirmer sa conviction : « L’Afrique n’est pas une jungle juridique ! Nous avons tous les outils pertinents pour sécuriser les investissements ! » Qu’on se le dise !

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