Quelques mois après les propos d’Emmanuel Macron sur la supposée excessive croissance démographique africaine, et surtout à quelques jours du sommet Europe-Afrique d’Abidjan, Lionel Zinsou, ancien PM du Bénin, aligne les arguments à l’encontre des affirmations du président français. Une controverse à distance qui pourrait se révéler utile…
Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin, président de cercle de réflexion Terra Nova et coprésident de AfricaFrance, n’est pas pour rien considéré comme « un bon client » par les journalistes : face à des problématiques pourtant rebattues, il trouve souvent le moyen d’ouvrir nos yeux à un regard différent. Ce fut encore le cas jeudi 23 novembre, lors de la conférence dédiée à la relation France-Afrique, dans le cadre de l’événement Africa Investments, Forum & Awards (AIFA Paris).
Cette fois, c’est sur les propos d’Emmanuel Macron que Lionel Zinsou a exercé son acuité critique… Sans le nommer, certes, mais lorsque l’ancien Premier ministre du Bénin s’est offusqué du fait que certains tendaient à « africaniser les raisonnements » au sujet de la croissance démographique du Continent, chacun a bien compris que c’étaient les propos tenus par le président français, en juillet dernier, qui étaient dans la ligne de mire.
Celui-ci avait en effet déclaré, déclenchant aussitôt une forte controverse : « Quels sont les problèmes en Afrique ? Les États faillis, les transitions démocratiques complexes, la transition démographique qui est, je l’ai rappelé ce matin, l’un des défis essentiels de l’Afrique. Quand des pays ont encore aujourd’hui 7 à 8 enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien. »
Le refus des « raisonnements folklorisés »
Des propos dont Lionel Zinsou se démarque ostensiblement, et avec des arguments peu entendus, voire inédits. Faisant glisser quelque peu le fond de la controverse, le président de Terra Nova relève qu’en fait la fécondité baisse partout en Afrique, que c’est à l’effondrement de la mortalité enfantine et en couches que l’on doit la forte croissance démographique, tandis que, « en même temps », l’espérance de vie ne cesse de progresser, de quinze ans par année ! Mais ce n’est pas encore tout : « L’Afrique est trois fois moins densément peuplée que la France ! L’Afrique est un continent vide ! ».
Et c’est sur un ton encore retenu mais assez grognon que Lionel Zinsou dénonce les « raisonnements folklorisés (…) car il n’y a aucune spécificité [africaine] qui justifierait le folklorisme de la pensée ! »
Un message clair et qui pourrait s’avérer utile, à quelques jours du Ve Sommet Europe-Afrique d’Abidjan (29-30 novembre) et du discours fondateur de politique africaine d’Emmanuel Macron, annoncé la veille mardi 28 novembre, devant un millier d’étudiants de l’université de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Lionel Zinsou, ancienne jeune plume du Premier ministre Laurent Fabius dans les années 1980, aura-t-il su instiller à distance un peu plus de modération dans discours afro-macronien ? Nous n’aurons pas à attendre longtemps pour le savoir.
