Le Venezuela a été de nouveau pointé du doigt mercredi pour ses difficultés à rembourser ses dettes: l’agence de notation S&P Global Ratings a constaté son incapacité à payer deux échéances et réaffirmé le statut de défaut de paiement partiel du pays pétrolier.
« Le Venezuela a raté des paiements de 237 millions de dollars sur ses emprunts obligataires à échéance 2025 et 2026 », ne parvenant pas à rembourser même à l’issue de la période de grâce de 30 jours, a souligné l’agence dans un communiqué.
S&P n’est pas optimiste pour l’avenir financier du pays, ébranlé par la chute des cours du pétrole qui le prive de liquidités: « il y a une chance sur deux que le Venezuela fasse à nouveau défaut (sur sa dette) dans les trois prochains mois ».
Les avertissements des agences de notation se succèdent, depuis que S&P et Fitch ont constaté un défaut partiel de l’Etat vénézuélien et de sa compagnie pétrolière PDVSA.
Le comité spécial de l’Association internationale des produits dérivés (ISDA) – une instance de créanciers – a lui aussi entériné un défaut de paiement sur trois échéances manquées par PDVSA.
« La situation s’aggrave (…) Le gouvernement doit rapidement préciser si c’est un problème technique ou de liquidité. Le silence est source d’incertitude », explique à l’AFP le consultant César Aristimuño, expert en dette.
Ces mises en garde pourraient être un prélude à une situation bien plus grave encore: le défaut de paiement général, c’est-à-dire l’impossibilité pour Caracas de rembourser toutes ses dettes.
« Un défaut n’affecte pas seulement le gouvernement, mais aussi la population, pour qui cela peut être infiniment pire, car nous parlons d’une population fragile » qui souffre déjà de graves pénuries d’aliments et de médicaments, faute d’argent pour les importer, souligne l’économiste Luis Vicente Leon.
Le président Nicolas Maduro n’a désormais pas d’autre choix que de renégocier une dette extérieure estimée à environ 150 milliards de dollars par certains experts.
Pour M. Aristimuño, les possibilités de renégocier dépendent d’une proposition claire du gouvernement, à qui les créanciers pourraient exiger un plan de redressement économique, et de l’obtention du feu vert du Parlement, qui est contrôlé par l’opposition.
« Faute de mesures de ce type, le gouvernement sera bientôt à court de temps et pourrait faire face à des poursuites au niveau international », juge l’expert. La saisie d’actifs et filiales à l’étranger à l’instar de ceux de Citgo, la filiale américaine de PDVSA, est également mentionnée par les experts.
Mercredi, Nicolas Maduro a nommé à la tête de Citgo Asdrúbal Chávez, ministre du Pétrole entre 2014 et 2015 et cousin de l’ex-leader Hugo Chávez. Il a pour mission, selon le président, de « restructurer » l’entreprise, après l’arrestation mardi de 6 dirigeants de la compagnie pétrolière. Ils sont notamment accusés de corruption et d’avoir signé des contrats irréguliers, sans l’aval de l’exécutif, afin de refinancer une dette de 4 milliards de dollars.
Le gouvernement vénézuélien crie à la persécution par les Etats-Unis, qui lui ont infligé de lourdes sanctions financières, et assure être « un bon payeur ».
Ces derniers jours, il n’a cessé de démentir les affirmations des agences de notation selon lesquelles il aurait raté des échéances.
Mais pour le cabinet Eurasia, la situation est bien en train d’empirer.
« Le fait que (le gouvernement) continue de laisser expirer les périodes de grâce (d’échéances de dette) fait penser que ses contraintes en termes de liquidités deviennent de plus en plus sévères », soulignait jeudi dans une note Risa Grais-Targow, directrice pour l’Amérique latine du cabinet.
Selon l’expert, cela aura un impact direct sur PDVSA: « l’aggravation des problèmes financiers du gouvernement et les complications issues des sanctions américaines rendront de plus en plus difficile le paiement des fournisseurs, ce qui accélérera probablement le déclin de la production » de cette entreprise, autrefois le joyau du pays.
De quoi entrer dans un cercle vicieux fatal pour le Venezuela, dépendant à 96% du pétrole pour obtenir des devises.
Dans la perspective d’une restructuration de sa dette, Caracas a récemment obtenu un coup de pouce de la Russie, son deuxième plus important créancier après la Chine. Moscou a accepté de rééchelonner un crédit de 3,15 milliards de dollars.
Mais même avec ce geste, le Venezuela reste face à un casse-tête financier: il ne dispose plus que de 9,7 milliards de dollars de réserves et doit rembourser au moins 1,47 milliard d’ici à fin 2017, puis 8 milliards en 2018.
Les experts dans leur ensemble sont pessimistes sur les chances de renégociation avec les créanciers, dont 70% sont nord-américains (Etats-Unis et Canada), selon Caracas.
Car Washington, qui qualifie le gouvernement vénézuélien de dictature, interdit à ses citoyens et banques tout accord avec les autorités vénézuéliennes.
Afp