Sur fond d’urgence climatique, les délégués de près de 200 pays bouclaient dans la nuit de vendredi à samedi à Bonn une 23e conférence de l’ONU plombée par la défection des Etats-Unis.
Les discussions se poursuivaient encore vendredi soir tard. « Nous avons encore beaucoup de choses à négocier », a dit à l’AFP le négociateur chinois Xie Zhenhua, interrogé sur la durée prévisible des tractations.
Les négociateurs – délégation américaine incluse – devaient avancer sur les règles de mise en oeuvre de l’accord de Paris contre le réchauffement, qui doit s’appliquer à partir de 2020: comment les pays rendent compte de leurs actions, quel suivi pour l’aide financière promise par les pays riches, etc.
Pour autant, rien ne devrait être tranché sur le fond: ce sera le rôle de la COP24, prévue en décembre 2018 à Katowice (Pologne). « Et ça ne va pas être une mince affaire, car on s’attendait à beaucoup plus de progrès » à Bonn pendant ces 15 jours, souligne David Levai, de l’Institut des relations internationales (Iddri), relevant le « manque cruel de leadership ». « On va avoir une année 2018 très chargée », commentait une négociatrice européenne
Les pays réunis à Bonn devraient aussi se quitter sur un engagement à poursuivre en 2018 un « dialogue » spécial d’un an. But de la manoeuvre: les inciter à rehausser d’ici 2020 leurs promesses de réduction des gaz à effet de serre (GES).
Car de mauvaises nouvelles ont jalonné cette COP23 présidée par les îles Fidji, au terme d’une année marquée par des cataclysmes naturels d’ampleur inédite.
Selon l’ONU, les engagements actuels des Etats couvrent à peine un tiers des réductions de GES nécessaires.
En 2017, les émissions de CO2 liées aux énergies fossiles (gaz, pétrole, charbon), responsables de l’essentiel du réchauffement, sont reparties à la hausse, après trois ans de relative stabilité, ont aussi alerté les scientifiques.
A la tribune, les responsables gouvernementaux ont répété leur engagement climatique. Mais parmi les délégations, « c’est comme si le cœur n’y était pas », souligne Seyni Nafo, chef du groupe des pays africains.
« Avec la sortie de Trump, les étoiles ne sont pas très alignées », dit-il. « La position des Etats-Unis a une influence sur les pays développés et cela a des conséquences sur le positionnement des grands pays en développement. Il y a comme un attentisme, chacun s’observe ». « Je n’ai jamais vu une COP avec un taux d’adrénaline aussi bas », relevait un diplomate européen.
Vendredi, le groupe des petites îles (Aosis) a publié une déclaration exprimant sa « profonde préoccupation quant au rythme des efforts internationaux ».
« L’accord de Paris est un succès diplomatique historique, mais il restera simplement des mots sur du papier si le monde échoue à agir suffisamment pour sauver des îles entières », a dit le Maldivien Thoriq Ibrahim.
Au cours de cette quinzaine, la conférence a vu ressurgir les divisions entre pays développés et pays en développement, ces derniers accusant les premiers ne pas faire plus pour réduire leurs émissions dès avant 2020.
Au coeur de la bataille aussi, le manque de visibilité quant aux 100 mds de dollars annuels promis d’ici 2020 pour soutenir les politiques climatiques des pays pauvres.
L’administration Trump, qui a confirmé à Bonn son intention de quitter l’accord mais ne pourra le faire formellement avant fin 2020, a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne verserait pas les fonds promis par Barack Obama, notamment 2 milliards de dollars destinés au Fonds vert de l’ONU.
A Bonn, Washington avait aussi organisé une réunion, en marge des négociations, pour faire valoir le rôle des énergies fossiles.
Ce à quoi une vingtaine de pays ont répondu par une « alliance pour la sortie du charbon ». Mais cet ensemble ne représente qu’une portion minime de la consommation mondiale de charbon.
A Bonn, de nombreuses voix se sont élevées pour demander aux Etats de reprendre le leadership de l’action climatique.
Pourtant Laurence Tubiana, cheville ouvrière de l’accord climat de Paris, voit aussi des progrès. « Cette COP a été un moment de mélange complet entre gouvernements, autorités locales, entreprises, tous les acteurs », réunis non loin des halls de négociations.
Villes et Etats américains en particulier sont venus en force. « La COP n’est pas un rassemblement d’idéalistes la tête dans les nuages », dit Nick Mabey, du think tank E3G. « C’est un rassemblement d’individus pragmatiques et déterminés à faire les choses ».
Prochaine étape, un sommet organisé le 12 décembre à Paris, pour relancer la dynamique et avancer sur la question des financements.
Afp