D’ordinaire très critiqué, le ministre sud-africain des Finances a eu droit cette semaine à quelques timides compliments, non pour les performances de la première économie du continent mais pour avoir admis que son pays était loin d’être sorti de la crise.
Mercredi, Malusi Gigaba a présenté devant le Parlement son budget à mi-exercice. A son menu: faible croissance, chute des revenus de l’Etat, dette en hausse et chômage record (27,7%).
Sur fond de tensions politiques au sein du parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC), les piètres statistiques récurrentes de l’économie sud-africaine ont récemment fait chuter la confiance des patrons à son plus bas depuis la fin officielle de l’apartheid en 1994.
Rarement les espoirs suscités par la nouvelle Afrique du Sud démocratique n’ont semblé aussi lointains. Plus de la moitié de sa population vit aujourd’hui dans la pauvreté.
Mercredi, M. Gigaba a revu à la baisse ses prévisions de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour 2017: 0,7% contre 1,3% initialement. Il a aussi annoncé que 15% des revenus de l’Etat seraient engloutis dans le paiement de la dette.
Les mauvais résultats de l’économie sud-africaine, tout juste sortie de la récession cette année, sont largement imputés au président Jacob Zuma, accusé d’enrichir une élite corrompue plutôt que de prendre le parti d’une majorité noire en difficulté.
« Il est très improbable que le président Zuma engage de vraies réformes qui inverseraient le sentiment très négatif répandu chez les investisseurs et les consommateurs », a déclaré à l’AFP Darias Jonker, du cabinet d’analyse Eurasia basé à Londres. « Gigaba est plus honnête sur l’ampleur du problème car il veut se distancier d’un Zuma incroyablement impopulaire », ajoute-t-il. Mais, selon l’expert, le ministre des Finances « n’a pas offert de solution tangible pour sortir du piège de la faible croissance ».
Dans ces circonstances, prévient-il, il n’est plus exclu que l’ANC, au pouvoir depuis 1994, perde les élections générales de 2019.
Devant les députés, le grand argentier sud-africain a promis de ne pas « enjoliver » la situation économique et prévenu que « la période qui s’annonce ne va pas être facile ».
Il a « décrit la situation dans ses détails les plus sanglants », a commenté le quotidien économique Business Day, « le bateau fiscal commence à tanguer ».
Dans la foulée du discours du ministre, la devise sud-africaine, le rand, a dévissé pour tomber à son niveau le plus bas face au dollar depuis novembre. Et le pays a connu sa plus grande liquidation d’obligations d’Etat depuis septembre 2011.
Ces résultats font désormais peser le risque d’une nouvelle dégradation de sa note par les agences de notation.
Cette année déjà, le limogeage en mars du prédécesseur de Malusi Gigaba – Pravin Gordhan, très respecté des marchés – avait précipité le pays dans les catégories spéculatives.
Une nouvelle baisse se traduirait par un retrait des investissements étrangers, des coûts d’emprunt toujours plus élevés et une hausse de l’inflation. Environ 200 milliards de rands (14 milliards de dollars) pourraient quitter le pays, selon l’agence Bloomberg News.
Les agences vont donc suivre de près les dépenses publiques. Elles devraient dépasser de près de 4 milliards de rands les prévisions initiales, notamment à cause des pertes abyssales de la compagnie aérienne South African Airways (SAA).
Les milieux économiques s’inquiètent aussi du climat politique malsain en Afrique du Sud. Les tensions s’accroissent au sein de l’ANC, qui doit choisir en décembre celui ou celle qui remplacera Jacob Zuma à sa tête.
Cette course a exacerbé les divisions au sein du parti. M. Zuma, dont le mandat présidentiel expire en 2019, soutient son ex-épouse, Nkosazana Dlamini-Zuma, face à l’actuel vice-président, Cyril Ramaphosa.
L’enjeu est de taille puisque le nouveau dirigeant de l’ANC deviendra président de l’Afrique du Sud en 2019 en cas de victoire du parti aux élections générales. « Les finances du pays pourraient encore se détériorer si les résultats de la conférence de décembre ne se traduisent pas par un retour à la bonne gouvernance », prévient Sean Muller, économiste à l’Université de Johannesburg.
Une dégradation de la situation économique pourrait « saper pour de nombreuses années les idéaux et objectifs de la période post-apartheid », met-il encore en garde.
Afp