Dans cet entretien, l’expert financier, Abderrahmane Benkhalfa revient sur un sujet brulant qui alimente toujours l’actualité, celui du recours au financement non conventionnel. Il parle de trois conditions qu’il faut suivre afin de réussir l’application de ce nouveau dispositif. Aller vers des investissements productifs et non aux projets destinés à la consommation interne, engager les réformes structurelles qui permettent aux banques d’intégrer les fonds qui circulent dans les circuits informels et enfin encourager les IDE.
Algérie-Eco : le recours au financement non conventionnel continue d’alimenter les débats, surtout après l’intervention du Premier ministre Ahmed Ouyahia à l’APN où il a défendu cette décision en rassurant sur son application. Certains experts sont sceptiques, d’autres approuvent mais avec des conditions. Dans quel camp vous vous situez ?
Abderrahmane Benkhalfa : Tout d’abord, il faut rappeler que le financement non conventionnel fait partie des mesures annoncées depuis 2015 pour ajuster les ressources de l’Etat et ses besoins suite à l’effondrement des prix du pétrole. Il y a eu un nouveau dispositif fiscal avec le lancement de l’emprunt national pour la croissance économique. Et à ce stade là, le gouvernement se dirige donc vers le financement non conventionnel. Jusqu’à présent le dispositif en question fait partie des mesures qui visent à se diriger vers une phase qui devra être menée avec prudence et toute l’intelligence nécessaire, pour minimiser les aléas de parcours.
L’Etat ne dispose plus de réserves suite à l’épuisement du Fonds de régulation des recettes et l’épuisement des épargnes disponibles. Le risque qui pourrait en découler de l’application de ce type de financement, c’est qu’il soit appliqué pour une longue durée. Il ne faut pas aussi qu’il soit trop important.
Quelle est à votre avis la meilleure méthode ou stratégie à entreprendre pour mener à bien ce type de financement ?
D’abord, à propos de ce mode de financement non conventionnel, il y a trois conditions pour sa réussite. La première , c’est qu’il faut aller vers des investissements productifs et non aux projets destinés à la consommation interne, pour rappeler, au passage, que la Banque centrale qui aura à financer le Trésor agit dans le cadre de la loi et sous certaines conditions, notamment en ce qui concerne l’inflation. L’école n’est pas productive, l’hôpital non plus, l’autoroute non plus également, donc il faut bien cibler le financement des investissements. Il faut un garde fou pour veiller et contrôler les montants qui sortent. Donc les concentrer sur des investissements qui ont un retour avec des montants raisonnables à utiliser.
Il faut savoir que l’accroissement de la masse monétaire, sans contrepartie comme préalable, autrement dit un retour d’investissement, générerait systématiquement une situation inflationniste.
Deuxièmement, il faudra aussi, engager les réformes structurelles qui permettent aux banques d’intégrer les fonds qui circulent dans les circuits informels. Il faut également élargir le champ d’intervention des banques étatiques, aujourd’hui limité dans le secteur public.
Il est impératif à ce propos de mettre en place des mécanismes dans le but d’attirer l’argent de la diaspora algérienne à l’étranger, notamment par l’ouverture de comptes pour non-résidents. Cette possibilité impose, aujourd’hui, une modernisation du système bancaire. Il faut une nouvelle gouvernance des banques publiques, et ça ne peut se faire qu’à travers l’ouverture du capital au partenariat étranger. Troisièmement, il faut sortir de la politique et de la dépense publique, et encourager les IDE.
Plusieurs mesures ont été prises pour encourager l’investissement qu’il soit national ou étranger. Que proposez vous de plus à ce sujet ?
Il faut s’ouvrir plus aux investissements, faciliter l’investissement national et international et ce en allégeant la règle 49/51 pour redonner confiance au milieu d’affaire. Le pays passe d’une économie publique à une économie ouverte. Donc si ces conditions ne sont pas remplies, l’application du financement non conventionnel risque de peser négativement sur l’économie nationale. La préoccupation majeure induite par le recours à ce dispositif reste liée au sort de l’argent qui sera mis en circulation.