La récente embellie de la conjoncture en Chine se paiera au prix fort d’une aggravation des risques financiers et d’un endettement accru, une « trajectoire dangereuse », estime le FMI, exhortant Pékin à accélérer le rééquilibrage de son économie vers un modèle de croissance « plus durable ».
Grâce à un vigoureux soutien de l’Etat, « les perspectives de la croissance chinoise à court terme se sont renforcées, mais c’est au prix de risques accrus à moyen terme », s’alarment les experts du Fonds monétaire international (FMI), dans un rapport sur la deuxième économie mondiale publié mardi.
A grand renfort de projets d’infrastructures, de boom immobilier et d’embardée du crédit, le PIB chinois a connu un sursaut inattendu, grimpant de 6,9% sur un an au premier comme au deuxième trimestre, après +6,7% en 2016. Mais ce répit s’avère précaire.
« Le principal coût, c’est un accroissement plus important de l’endettement privé et public », un phénomène « souvent associé à des crises financières » ultérieures, avertissent les experts du Fonds.
Certes, le FMI maintient ses prévisions de croissance pour le géant asiatique, qu’il avait relevées en juin (+6,7% cette année, +6,4% en 2018 et 2019).
Mais pour atteindre l’objectif du régime communiste (un doublement du PIB entre 2010 et 2020), Pékin devra maintenir le niveau actuel d’investissements publics et laisser filer l’endettement privé.
La dette totale, hors secteur financier, pourrait dépasser 290% du PIB d’ici 2022, contre « environ 235% » l’an dernier, prévoit le rapport.
Sans la béquille d’un endettement excessif, la croissance chinoise n’aurait été que « d’environ 5,5% » ces cinq dernières années, très en-dessous des 6,7% enregistrés en 2016, estime l’organisation de Washington.
Dans un rapport annexe, le FMI s’alarme: « les précédents internationaux suggèrent que le gonflement du crédit en Chine suit une trajectoire dangereuse », qui renforce les risques d’un « ajustement brutal » ou d’un vif essoufflement de croissance. « Les fragilités se sont accumulées ».
Plusieurs facteurs — un niveau d’épargne élevé, une dette extérieure limitée — modèrent les risques liés à l’endettement, « mais si le gouvernement ne fait rien, (…) cela ne fera que retarder l’ajustement et le rendra plus douloureux ».
Comment procéder? Le FMI recommande à Pékin de ne plus se focaliser sur des objectifs de croissance quantitatifs et irrévocables, et d’adopter des réformes pour doper la consommation.
Le géant asiatique s’efforce justement de rééquilibrer son économie, au détriment d’industries lourdes en surcapacités, afin de soutenir l’essor des services (plus de la moitié du PIB chinois), de la demande intérieure et des nouvelles technologies.
Mais soucieux d’éviter un atterrissage économique brutal et inquiet des répercussions de purges industrielles trop violentes sur l’emploi, Pékin a favorisé de coûteux travaux d’infrastructures, encouragé un boom de la construction et largement ignoré l’envolée du crédit.
– Après plusieurs coups de semonce — Moody’s a abaissé en mai la note de la dette chinoise –, Pékin s’efforce désormais de resserrer la vis.
Il a durci les réglementations sur l’immobilier dans les métropoles et la supervision du secteur financier, tout en s’efforçant de sabrer les colossales surcapacités industrielles.
Plus récemment, Pékin s’est attaqué aux colossaux investissements réalisés par ses conglomérats privés à l’étranger, des opérations multipliées tous azimuts et souvent financées à crédit, dans des secteurs très variés — de l’immobilier au cinéma en passant par la finance et le sport.
Le promoteur Wanda, le fonds Fosun (propriétaire du Club Med), l’assureur Anbang… plusieurs font l’objet d’enquêtes des régulateurs bancaires.
Plus généralement, Pékin a mis un coup d’arrêt depuis fin 2016 à la fièvre d’acquisitions à l’international, souvent génératrices de dette pour les groupes concernés: les investissements chinois à l’étranger ont dégringolé de 46% au premier semestre.
Ces divers efforts sont jugés encore insuffisants.
« Pour renforcer le rôle des forces de marché », comme Pékin s’y était engagé, « les réformes des entreprises d’Etat doivent être accélérées et élargies, le commerce et les investissements davantage libéralisés », plaide le rapport.
Et ce alors que les firmes occidentales se plaignent d’être toujours sévèrement discriminées par les autorités, au profit de leurs concurrents locaux.
Parfois surendettées et structurellement déficitaires, les entreprises publiques doivent « se voir imposer des contraintes budgétaires encore plus drastiques, en leur relevant le soutien implicite de l’Etat et en les forçant à faire défaut si besoin », insiste le FMI.
Afp