Dans cet entretien, l’expert en économie, Abderrahmane Mebtoul donne son avis sur la tenue de la prochaine tripartie annoncée pour le 23 septembre à Ghardaïa. Il s’agira, selon lui, de solutionner les sujets abordés dans les précédentes tripartites toujours en suspens. Notre interlocuteur s’interroge comment avec une baisse du cours du pétrole de longue durée, ne pas recourir à l’endettement extérieur et limiter l’épuisement des réserves évaluées en juillet 2017 à 100 milliards de dollars contre 192 milliards de dollars janvier 2014.
Algérie-Eco : la Tripartite regroupant le Gouvernement, l’UGTA et le patronat sera tenue le 23 septembre prochain dans la wilaya de Ghardaïa. Plusieurs sujets seront débattus lors de ce rendez-vous, lequel est le plus important à vos yeux ?
Abderrahmane Mebtoul : Il ya eu déjà 20 triparties auxquels j’ai eu l’honneur d’être invité par différentes premiers ministres successifs et toujours les mêmes propositions : lutte contre la bureaucratie, l’intégration de la sphère informelle, la refonte du système financier, du système socio-éducatif, de la formation professionnelle, l’épineux problème du foncier et comment dynamiser l’entreprise qu’elle soit publique ou privée dans les segments hors hydrocarbures. Et toujours les mêmes problèmes aujourd’hui.
La rencontre du 30 juillet est une préparation de la tripartie fixée le 23 septembre à Ghardaïa et s’inscrit dans le cadre du pacte économique et social de février 2014. Il s’agira de solutionner les sujets abordés dans les précédentes tripartites toujours en suspens.
Il s’agira, selon mon humble avis, d’analyser avec objectivité tous les scénarios possibles de la baisse du cours des hydrocarbures sur les équilibres macro-économiques et macro-sociaux 2017/2020, de faire le bilan de la règle 49/51%, de parler des licences d’importation qui seraient temporaires selon la récente déclaration du ministre du commerce, de chercher comment restreindre les importations en se conformant aux accords internationaux et sans nuire à l’investissement, 80/85% des inputs des entreprises publiques et privées étant actuellement importés sans oublier la révision du code du travail qui est toujours en gestation.
Le Premier ministre abdelmadjid Tebboune a évoqué plusieurs sujets et a mis au point d’autres. Pas de recours à l’endettement affirme Tebboune, foncier industriel, accélération du processus de transformation de l’économie nationale, autant de questions ont été évoquées. Quel commentaire faites-vous dans ce sens ?
Le grand problème du gouvernement est le suivant : comment avec une baisse du cours du pétrole de longue durée , ne pas recourir à l’endettement extérieur et limiter l’épuisement des réserves évaluées en juillet 2017 à 100 milliards de dollars contre 192 milliards de dollars janvier 2014 avec des sorties de devises, importation de biens plus services plus sorties de capitaux de 60 milliards de dollars en 2016 et entre 55/60 milliards de dollars en 2017 avec une entrée de devises ne dépassant pas 30/35 milliards de dollars ? Ayant assisté à plusieurs Triparties depuis plus de 20 ans, toujours les mêmes problèmes non résolus ou résolus très partiellement à ce jour.
Aussi, l’Algérie qui devrait connaitre des tensions budgétaires entre 2017/2020, n’a pas besoin de conflits inutiles, devant mobiliser en cette conjoncture difficile caractérisée par des tensions budgétaires, toutes les composantes de la société. Pour éviter toute mauvaises interprétation, il n’a jamais été question dans l’action du gouvernement Tebboune , qui s’inscrit dans le cadre du programme du président de la république, de combattre le secteur privé, de différencier le secteur d’Etat du secteur privé productif comme le stipule la Constitution, mais de combattre certains entrepreneurs prédateurs d’ailleurs minoritaires. Il faut concrètement mobiliser les ressources humaines et financières limitées, sans recourir à la planche à billets et à l’endettement extérieur.
Que peut-on attendre de la prochaine tripartite ?
Lors de l‘inspection de la grande mosquée, le Premier ministre a annoncé qu’une rencontre aura lieu avant la fin de l’année 2017 entre le gouvernement, les partis politiques, la société civile, les syndicats, le patronat et des experts, afin de favoriser un dialogue social ouvert pour bâtir un consensus autour des grands défis de l’heure.
Le problème des subventions ciblées sans toucher à la cohésion sociale, qui impliquent un système d’information en temps réel de la répartition du revenu national et de quantifier le poids de la sphère informelle par couches sociales doit être débattu en toute transparence. Il faut aussi trouver comment lutter contre les surfacturations et les sorties illicites de capitaux.
Et ce pour atteindre les objectifs d’une économie diversifiée dans le cadre des valeurs internationales, atténuer le processus inflationniste et préserver le pouvoir d’achat des algériens.
Il faut être réaliste et non démagogique. En ce mois de juillet 2017, l’économie algérienne reste toujours dépendante de la rente des hydrocarbures 97/98% directement et indirectement des recettes en devises, 50/60% hors hydrocarbures qui a fluctué entre 1 à 1,5 milliards de dollars, provenant des dérivées d’hydrocarbures, le secteur industriel embryonnaire moins de 5% du produit intérieur brut, l’économie étant tertiaire à plus de 83%. Donc sans populisme le pourquoi du peu d’impacts de ces différentes tripartites sur une véritable relance économique ? Il faut donc d’autres mesures plus innovantes, être pragmatique, réaliste tenant compte de la dure réalité mondiale, afin de concrétiser l’efficacité économique avec une très profonde justice sociale, grâce à un dialogue productif et un langage de vérité, privilégiant les intérêts supérieurs de l’Algérie.