Les investissements dans l’exploration et la production d’hydrocarbures devraient repartir à la hausse en 2017, mais cela sera essentiellement concentré aux Etats-Unis, dessinant un monde du pétrole « à deux vitesses », selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Après une baisse de 50% en deux ans, les investissements dans l’amont pétrolier et gazier devraient « repartir modestement » cette année (+6%), mais ils vont bondir de 53% dans les hydrocarbures de schiste aux Etats-Unis, anticipe l’AIE dans son rapport annuel sur les investissements dans l’énergie, publié mardi.
C’est un « marché du pétrole à deux vitesses » qui se dessine, a commenté Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE dans une conférence de presse au Congrès mondial du pétrole, qui se tient jusqu’à jeudi à Istanbul.
« La majeure partie des investissements vont dans les schistes américains et ces derniers changent tout le paysage, changent tout simplement les dynamiques industrielles » de tout le secteur du pétrole et du gaz, a-t-il également jugé, dans un entretien à l’AFP.
A l’inverse, au Moyen-Orient, en Russie ou en Afrique, les investissements pourraient croître mais bien plus modestement, selon l’agence qui défend les intérêts des pays consommateurs de pétrole.
Les hydrocarbures de schiste sont au cœur des préoccupations des acteurs du secteur, à la fois pour les opportunités qu’ils offrent, mais aussi parce que leur développement rapide est une des raisons majeures du bas niveau des cours de l’or noir depuis près de trois ans.
En 2014, « on pensait qu’un prix de 70 dollars le baril mettrait les schistes hors du marché, mais aujourd’hui, nous constatons que les schistes sont tout à fait viables à 40 ou 50 dollars », explique Daniel Yergin, vice-président du cabinet IHS Markit.
Aujourd’hui, la production des pétroles de schiste américains a atteint la production entière de l’Irak, a insisté M. Birol.
Les hydrocarbures de schiste, dont les forages sont rapides à développer et très flexibles à opérer en fonction du marché, poussent aussi les compagnies pétrolières à se concentrer sur des projets au temps de développement plus courts, assurant un retour sur investissement plus rapide, note le rapport de l’AIE.
En moyenne, depuis 2014, le temps de développement et la taille des projets onshore sont ainsi passés de 3,5 ans à 2 ans et leur taille de près de 500 millions de barils à moins de 300 millions.
Seuls les majors continuent de s’engager dans des projets géants et complexes, pour lesquels elles peuvent tirer partie de leur capacité d’investissement et de leur compétence technique.
Mais là encore, les coûts sont un enjeu majeur, quel que soit le projet.
« Nous avons géré nos compagnies selon un seul mantra durant les dix dernières années (…): il fallait du volume: chaque baril, quel que soit son coût, rapportait de l’argent. Maintenant nous changeons pour nous concentrer sur les coûts », a par exemple expliqué à Istanbul Patrick Pouyanné, le PDG de la compagnie française Total.
En plus des contraintes liées aux prix bas de l’or noir, le secteur des hydrocarbures doit affronter la concurrence des autres énergies.
L’an dernier, et pour la première fois, les investissements dans l’électricité ont dépassé ceux dans les énergies fossiles.
Les dépenses y ont été tirées par les dépenses en faveur de l’efficacité énergétique (+9%) et les réseaux électriques (+6%), tandis que les investissements dans les capacités de production ont baissé de 5%, du fait de la baisse des coûts des énergies renouvelables.
Au total, et pour la deuxième année consécutive, les investissements mondiaux dans l’énergie, tous secteurs confondus, ont baissé l’an dernier à 1.700 milliards de dollars (-12%).
Afp