Le président de la République a invité le gouvernement à l’issue de l’adoption du plan d’Action en Conseil des ministres « à promouvoir les financements internes non-conventionnels qui pourraient être mobilisés pendant quelques années de transition financière ». Ledit plan vient d’être adopté par l’APN mais on n’a aucune précision sur ce que veut faire le gouvernement ou s’il compte faire tourner la planche à billets. Cette question a été même ignorée lors des débats à l’APN.
Interrogé à ce sujet, l’expert financier Mourad El Besseghi explique que « l’Algérie traverse une grave crise de liquidité actuellement sur le marché monétaire. Le recours au financement non-conventionnel est inéluctable. Pourquoi ? Les entreprises du bâtiment et des travaux publics sont quasiment à genoux. Il n’existe plus de dinars dans les caisses de l’Etat pour honorer leurs factures. On a tenté de trouver des astuces, telles que les reports d’échéance pour leurs obligations fiscales et parafiscales, mais il s’agissait plutôt de mesures de replâtrage ».
Notre interlocuteur estime que « l’actuel gouvernement est venu précisément pour régler cette situation inextricable sans recours à une pression fiscale supplémentaire. En d’autres termes, il convient de ne pas recourir à des augmentations d’impôts pour se procurer des ressources, mais de rechercher d’autres moyens pour honorer les dettes de l’Etat envers ces entreprises. Le règlement des salaires des fonctionnaires a, à maintes reprises failli ne pas se faire en raison de la raréfaction du dinar ».
Mr Besseghi poursuit que « les banques étaient en surliquidité depuis le début des années 2000. Elles sont à présent totalement asséchées, sous l’effet de deux phénomènes. Le premier est lié à la réduction des prix du brut, qui contrairement à ce que l’on pense, influe d’abord sur la liquidité immédiate (appelé par les financiers M1) qui correspond aux pièces et billets ainsi que les dépôts à très cour terme. Les rentrées en devises sont transformés en dinars, d’où la relation dialectique entre les premiers qui alimentent la balance commerciale et les seconds qui sont enregistrés dans la balance des paiements. Le second à trait à l’utilisation de cette surliquidité disponible au niveau des banques pour financer l’emprunt obligataire improprement appelé emprunt de croissance et dont les résultats sont peu flatteurs ».
Et d’ajouter « on a donc asséché les banques et le trésor pour financer l’emprunt, lui-même et qui au bout du compte a servi à payer les salaires des fonctionnaires (environ le quart du PIB) au lieu de financer la croissance ».
En somme « les appels du pied pour collecter l’argent thésaurisé et disponible sur le marché informel n’ont pas produits les résultats escomptés. La déclaration fiscale volontaire mise en place a généré de piètres résultats en comparaison avec les 4.000 milliards de DA qui circulent dans l’informel. Le recours au financement non conventionnel (autre que bancaire, conventionnel ou traditionnel) est évoqué pour la première fois en Algérie pour désigner tous les financements autres que ceux procuré, directement ou indirectement, principalement par les hydrocarbures ».
Desserrer l’étau sur les entreprises créancières de l’Etat
Le recours à l’endettement extérieur a été exclu dans le programme de l’actuel gouvernement, en tout cas pour le moment, d’où cette nouvelle option. Notre interlocuteur nous indique que « le financement non-conventionnel concerne par exemple les mesures d’assouplissement accordées aux banques sur les règles prudentielles qui leur sont habituellement imposées. Dans ce sens, des directives ont été données par le gouvernement aux banques pour desserrer l’étau sur les entreprises créancières de l’Etat et honorer les factures impayées immédiatement ».
Parmi les financements non-conventionnels, l’expert cite la planche à billets qui est « un instrument de régulation du marché monétaire et en conséquence du marché financier. D’autres pays développés l’utilisent savamment pour financer leur économie dans certaines phases spécifiques (par exemple en période de déflation, ou de manque de liquidité) » nous dit-il.
Cependant, il affirme qu’ « elle présente beaucoup de risques et c’est pour cette raison que l’on doit l’utiliser de façon très prudente pour éviter les dérapages et le risque de faillite si le niveau des cours du brut perdure » arguant que « si l’on tient compte du taux d’inflation observé ces derniers mois, de fluctuations enregistrées sur les taux de change, etc…on s’aperçoit qu’en ces temps très durs, le recours à ce type de financement est désormais inévitable avec ses conséquences sur le niveau de vie de la population.
L’ingéniosité de l’actuel exécutif est de communiquer suffisamment sur la situation actuelle que nous traversons en affichant très ouvertement les risques qui nous menacent » conclut Mr Mr Besseghi.