Le Directeur Général de la Chambre Algéro-Allemande de Commerce et d’Industrie (AHK Algérie), M. Marko Ackermann, nous parle dans cet entretien des relations bilatérales entre les deux pays, du développement du volume des échanges commerciaux et du travail qu’effectue l’entité qu’il dirige dans le cadre du rapprochement des entreprises algériennes et allemandes, de la promotion et du développement des partenariats entre celles-ci.
Algérie-Eco : Comment évaluez-vous les relations bilatérales entre l’Algérie et l’Allemagne ?
Marko Ackermann : Il faut savoir que l’AHK est installée en Algérie depuis maintenant un peu plus de 10 ans, plus exactement depuis 2005. A notre niveau et de manière générale, nous estimons que les relations entre les deux pays se sont bien développées, mais, qu’il reste un grand potentiel à exploiter. Comme vous le savez déjà, l’usine de Volkswagen est entrée en phase d’essai et sera inaugurée vers la fin juillet. Dans ce cadre, nous sommes en train de prospecter le marché de l’automobile en Allemagne et toutes les entreprises qui gravitent autour de ce secteur, pas seulement les sous-traitants ou les fabricants de pièces détachées, mais également les fabricants des machines et d’autres produits comme par exemple les liquides pour véhicules, et qui seraient intéressées par le marché algérien, parce que nous y voyons un grand potentiel. Nous sommes également en discussions avec d’autres collègues d’autres pays afin de promouvoir ce secteur et soutenir son développement ici en Algérie.
Quels sont les principaux axes de coopération que l’Allemagne privilégie avec Algérie ?
Les relations sont assez vastes, mais, à mon avis, ce qui est important pour les deux pays, surtout pour la diversification économique en Algérie, c’est d’investir dans la compétence allemande concernant les équipements et les machines, parce qu’il est très important d’investir dans les bons équipements si on veut être compétitif et produire de la bonne qualité, ce qui est demandé et nécessaire pour pénétrer les marchés internationaux.
Vous avez parlé de diversification économique, qui est une démarche entreprise par le gouvernement algérien. Justement, comment les entreprises allemandes présentes dans le paysage économique de l’Algérie comptent-elles y prendre part ?
Comme nous l’avons mentionné, il y a certaines entreprises allemandes qui sont bien ancrées ici en Algérie et la plupart d’entre elles avec qui j’ai discuté ou qui ont fait un sondage à ce sujet, sont en train d’investir plus ici ou comptent élargir leur présence, leur production, etc. Donc même si la conjoncture n’est pas facile pour ces opérateurs déjà installés, ils sont prêts à s’engager davantage, car ils voient beaucoup d’opportunités sur le marché algérien. C’est pour cela, par exemple, qu’on a vu les échanges bilatéraux augmenter l’année passée, malgré la situation difficile, ce qui est un bon signe.
Cependant, il faut être réaliste. Pour cette année, on ne peut pas le prévoir, car la démarche de la diversification économique vient tout juste d’être enclenchée et ça ne va pas aboutir dans quelques mois, cela va prendre quelques années, et ça dépend également des deux côtés. Mais moi, je vois surtout en Algérie un grand intérêt et un engagement du secteur privé et également du secteur public, mais pour l’instant, je trouve que c’est plutôt le privé qui est prêt à investir.
Actuellement, on enregistre pas mal d’adhérents et d’entrepreneurs algériens qui nous sollicitent pour trouver des partenaires et identifier des entreprises avec lesquelles ils pourront collaborer.
Vous avez évoqué des difficultés, elles consistent en quoi ?
Les difficultés sont un peu liées au secteur public. Par exemple, dans les domaines du bâtiment et de l’infrastructure il y a un ralentissement et les entreprises locales font face à des problèmes de paiement. Ces entreprises qui sont en manque de liquidité ne peuvent pas entamer d’autres projets et c’est le problème qui touche certains secteurs et surtout celui du bâtiment et des travaux publics. Par contre, il y a d’autres secteurs, comme le ferroviaire, où il y a une bonne dynamique de développement, où on voit des projets lancés, qui sont en cours, qui avancent et qui sont vraiment réalisés. On ne peut donc pas dire qu’il y a une crise en général, mais il y a certains secteurs qui sont touchés. Il y a également le facteur de l’inflation qui est un peu en hausse, ce qui fait que les citoyens ont peu d’argent à dépenser et cela se remarque sur certains produits.
En général, je pense que c’est en bonne voie et l’essentiel, c’est de continuer dans cette démarche de diversification et de continuer également à améliorer davantage le climat des investissements pour les étrangers, ce qui est primordial.
Il y a quelques années et précisément en 2009, l’Allemagne était le 5ème fournisseur de l’Algérie. Qu’en est-il aujourd’hui ?
L’Allemagne occupe toujours les premiers rangs des fournisseurs de l’Algérie et sur la liste des cinq premiers fournisseurs, il n’y a pas vraiment de grands changements, sauf pour la position de la Chine qui s’est développée ces dernières années. Quant aux autres fournisseurs, ils sont restés dans le même ordre et pour moi, c’est un signe de stabilité et de bon développement ; chaque pays fait un bon travail, il y a de bonnes relations, et l’Allemagne en fait partie.
Il ne faut pas oublier que les entreprises allemandes, installées par exemple en France, Italie, Espagne ou en Belgique, sont en relation avec le marché algérien à travers leurs succursales dans ces pays, donc, les importations peuvent se faire via ses pays également et parfois, c’est un paramètre à prendre en considération, mais pour ce qui est des chiffres liés à ces échanges, on ne les a pas, car c’est très compliqué. Mais cela pour vous dire que ça fait partie de la mondialisation des exportations qui ne se font plus uniquement à partir du pays d’origine, mais également à travers leurs succursales.
Et concernant le volume des échanges commerciaux entre les deux pays ?
Jusqu’en 2014, on peut dire que nous avons enregistré une croissance annuelle des échanges, mais à partir de cette année-là, comme vous le savez, il y a eu la crise, ce qui a touché les entreprises allemandes, surtout le secteur de l’automobile avec les licences d’importations imposées. C’est pour cela qu’en 2015, les échanges commerciaux ont baissé de près d’ 1 milliard d’Euro, mais l’année passée, nous l’avons rattrapé en réalisant 4.5 milliards d’Euro d’échanges. Il faut également savoir que les exportations de l’Algérie vers l’Allemagne ont malheureusement baissé à cause de la baisse des prix des hydrocarbures.
Pour ce qui est des importations de l’Allemagne vers l’Algérie, elles sont estimées à 3.17 milliards d’Euro et les exportations sont de l’ordre de 1.32 milliards d’Euro, ce qui démontre qu’il n’y a pas d’équilibre, parce que l’Algérie n’est pas vraiment un pays exportateur hors-hydrocarbures. C’est pour cela qu’il faut donner de l’importance à la diversification de la production locale, ce qui est très important. Nous sommes en train de discuter avec beaucoup d’entreprises allemandes pour connaître leur potentiel pour investir et se lancer dans la production ici en Algérie et à ce propos, nous réitérons notre appel pour que les conditions de l’investissement en Algérie soient améliorées et développées. ET là, je ne parle pas seulement de la règle 51/49, mais surtout de tout ce qui est bureaucratie.
En outre, il faut prendre en considération les exportations. L’Algérie doit faciliter les démarches d’exportations pour les entreprises qui veulent investir ici. Prenant par exemple l’Union du Maghreb qui n’existe que sur le papier car, dans la réalité, il n’y a pas d’échanges commerciaux. J’ai lu récemment qu’il y a seulement 1% d’échanges, contrairement aux pays européens où ces échangent atteignent les 60%. Alors si on veut développer la région, il faudrait collaborer.
Quels sont les domaines ou les secteurs économiques où l’expérience allemande pourrait être profitable à l’Algérie ?
Il y a beaucoup de domaines où on collabore, mais, en général, je dirais tout ce qui est diversification et installation industrielle, car dans ce domaine, l’Algérie est à la traîne. Je pense que l’Allemagne pourrait apporter son expérience dans ce cadre-là car cette situation, l’industrie allemande l’a vécu durant ses premières années, mais elle a pu monter une industrie mondialement connue actuellement pour la bonne réputation de ses équipements et machines et également son savoir-faire en termes de technologie et de développement. Et là nous faisons appel aux deux parties afin de collaborer et d’œuvrer pour le transfert du savoir-faire et d’installer des partenariats qui seront bénéfiques pour les deux côtés.
Il y a également d’autres secteurs, comme celui de la santé. Il y a une PME allemande qui a lancé un projet de partenariat avec des entreprises algériennes, des universités et des hôpitaux, pour améliorer à titre d’exemple la qualité des soins et de l’hygiène. Il y a également la coopération entre les universités qui prend de plus en plus d’ampleur et à mon avis, il n’y a pas beaucoup de domaines qui sont exclus, car on peut apporter notre savoir-faire dans pas mal de secteurs, mais cela dépend de la volonté des deux parties et nous sommes là pour développer ces relations.
Certes, les partenariats existent, ce qui est une bonne chose en soi, mais cela demeure timide à nos yeux, car si on les compare par exemple aux relations entre les pays européens, je dirais qu’il faut encore pousser les choses.
A quoi attribuez-vous cette coopération plutôt timide?
A mon avis, il y a deux raisons. Comme j’ai dit toute à l’heure, le marché algérien est intéressant pour certains opérateurs et ce malgré les difficultés rencontrées, mais nous sommes là pour les soutenir, pour trouver des partenaires et pénétrer le marché. Il faut donc, et je le répète, développer le climat des affaires. L’autre raison réside dans le fait que, malheureusement, l’Algérie est peu connue et peu présente à l’étranger, surtout en Allemagne.
Il n’y a pas d’activités pour promouvoir le marché algérien ailleurs qu’en Algérie, mais, de notre côté, nous le faisons régulièrement. Je suis presque chaque mois en Allemagne pour le promouvoir et nous le faisons aussi via la présentation des foires internationales allemandes, comme c’est le cas de la foire de IFA de Berlin pour tout ce qui électronique et électroménager et à laquelle vont participer Condor et Bomare Company. Ces deux entreprises ont déjà participé plusieurs fois à ce salon pour faire connaître le produit algérien, trouver des partenaires et des clients et ainsi aller plus vers l’exportation.
Il est très important d’être présent dans des manifestations internationales et le marché algérien reste méconnu à cette échelle contrairement à ses pays voisins qui sont beaucoup plus actifs. Ils sont non seulement présents à ce niveau mais organisent des conférences et des journées d’informations pour promouvoir et informer sur les investissements dans leurs pays. Les actions d’attirer et d’informer les entreprises étrangères sur les opportunités en Algérie restent malheureusement timides à l’échelle internationale.
L’AHK travaille au rapprochement des opérateurs allemands et algériens. Quel bilan peut-on faire aujourd’hui de ce travail ?
Si on se réfère aux chiffres des échanges, ils se sont doublés depuis 2005, mais pas seulement grâce à nous (AHK). Il y a beaucoup d’entreprises qui nous sollicitent et on a participé à la création de partenariat entre les entreprises qui ont donné leurs fruits et qui se sont développés. C’est quelque chose dont nous sommes fiers parce qu’il est essentiel pour toute entreprise étrangère qui voudrait pénétrer le marché algérien d’avoir un partenaire local car c’est ce dernier qui connait le marché, les procédures, les clients etc. Nous avons un réseau constitué de nos adhérents et d’autres contacts d’entreprises que nous avons établis et que nous utilisons. Nous connaissons les entreprises qui ont le potentiel d’être un bon partenaire. A cet effet, je remercie nos adhérents pour leur grande contribution et je lance un appel à toutes les entreprise algériennes qui sont intéressées de s’associer avec un partenaire allemand. Nous sommes là à leur écoute et pour les soutenir dans leurs démarches.