La multiplication en Afrique de « pôles de croissance agricoles » ou « agropoles », via l’investissement de groupes agroalimentaires internationaux bénéficiant d’aides fiscales, met en danger à terme la sécurité alimentaire du continent, dénoncent trois ONG dans un rapport.
Ces projets –Grow Africa, Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition (Nasan), notamment– conduisent « à promouvoir une agriculture à deux vitesses qui favorise les investisseurs nationaux et internationaux au détriment des exploitations familiales qui, pourtant, nourrissent l’Afrique » soulignent Action contre la Faim (ACF), CCFD Terres Solidaires et Oxfam France dans un rapport rendu public à l’occasion du sommet du G20 à Hambourg.
Lancées sur des terres agricoles à fort potentiel, ces zones destinées à attirer l’investissement privé international bénéficient de facilités réglementaires, législatives, douanières ou fiscales et du soutien des instances internationales comme la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement (BAD).
Après la crise mondiale des prix agricoles de 2007-2008 et les « émeutes de la faim » traversées par certains pays africains à cette époque, elles ont été initiées afin de développer l’agriculture sur le continent par des partenariats public-privé pour lutter contre la faim.
« Nous militons depuis longtemps pour des réformes foncières ou fiscales au bénéfice de l’agriculture en Afrique, mais nous voyons que les logiques mises en oeuvre bénéficient surtout aux multinationales plus qu’à la paysannerie, via l’accaparement de terres et des déplacements de population notamment » a indiqué à l’AFP Maureen Jorand, du CCFD Terres solidaires, l’une des auteurs du rapport.
« L’agriculture n’est pas un business comme les autres, elles est vitale pour un continent où un quart de la population souffre de la faim, et où certains pays vont voir s’accentuer la crise alimentaire qu’ils connaissent d’ici la fin de l’été » a-t-elle ajouté.
Les ONG ont ainsi recensé 43 zones ou projets de « croissance agricole » situés dans 24 pays d’Afrique sub-saharienne, soutenus par des instances internationales (Banque Mondiale, BAD) ou agences de coopération nationales. Le plus avancé, lancé en 2005, est situé à Madagascar.
« Les gens sur place sont souvent exclus, perdent leurs revenus, et les États perdent leur pouvoir d’investissement en accordant des avantages fiscaux importants et en finançant des infrastructures routières et de télécoms pour permettre les installations des multinationales », souligne Mme Jorand.
Selon elle, les projets sont souvent plus liés à l’exportation qu’à l’alimentation locale: par exemple, au Gabon, deux pôles développés par le gouvernement avec le groupe singapourien OLAM portent sur l’huile de palme « alors qu’il y a en ce moment des manifestations contre la vie chère au Gabon », dit-elle.
Ce rapport est diffusé alors que la chancelière allemande Angela Merkel a lancé lundi un appel à investir en Afrique, jugeant que le développement économique permettra de limiter l’émigration vers l’Europe.
Afp