Des cours du brut qui flanchent et des analystes réservés: la reconduction des limitations de production décidée par l’Opep et ses partenaires a déçu les marchés qui ont sanctionné l’absence de mesures plus ambitieuses pour doper le prix de l’or noir.
En maintenant les réductions de production au niveau en vigueur depuis le début de l’année, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), qui s’est réunie jeudi à Vienne avec des producteurs non membres du cartel, a validé un scénario largement attendu par les marchés.
Les 24 pays parties prenantes à cet accord passé fin 2016 vont prolonger jusqu’à fin mars 2018 la baisse de production, d’un total de 1,8 million barils par jour (mbj), initiée pour réduire l’excédent d’offre au niveau mondial et faire remonter les prix en chute libre depuis 2014.
Lors de son annonce, ce pacte historique avait fait grimper le cours du baril, les investisseurs voyant avec soulagement s’arrêter la course aux extractions que l’Opep menait avec les producteurs américains de pétrole de schiste d’un côté et avec la Russie de l’autre, l’un des poids lourds du secteur qui a finalement rallié la politique des quotas.
Mais après six mois d’efforts, l’Opep et ses partenaires ne peuvent pas vraiment se targuer d’une réussite éblouissante, les réserves mondiales de brut restant à des niveaux élevés.
L’Arabie saoudite et la Russie, leaders de cet accord et premiers producteurs mondiaux, se sont félicités jeudi du renouvellement de l’accord, estimant qu’il permettra un rééquilibrage progressif.
Mais les marchés sont dubitatifs. La prolongation a été accueillie par une perte de plus de 2 dollars des prix du baril, qui s’est légèrement stabilisé et s’échangeait à 51,62 dollars pour le Brent et 48,99 dollars pour le WTI vers 09H00 GMT (11H00 à Paris).
Le ministre saoudien de l’Energie, Khaled Al-Faleh « a bien dû reconnaître qu’il y avait trop de variables que l’Opep ne contrôlait pas », dont la production de pétrole non-conventionnel, ont souligné les analystes de Barclays dans une note.
Jusqu’au développement des technologies de production de pétrole de schiste, les décisions de l’Opep jouaient un rôle déterminant dans l’équilibre du marché. Avec l’appui de ses compagnies nationales et des coûts d’extractions très bas, le cartel pouvait se permettre d’inonder le marché pour faire chuter les prix ou de « fermer le robinet » pour les faire grimper.
Mais le pétrole de schiste possède des cycles de production très courts, de moins d’un an, et les volumes peuvent s’adapter avec souplesse au gré des évolutions des prix.
« Le schiste américain pourrait profiter de cette extension de neuf mois pour pomper sans retenue et prendre encore plus de parts de marché à l’Opep », a prévenu Lukman Otunuga, analyste chez FXTM.
D’ailleurs, alors que l’objectif officiel de l’Opep est de ramener les réserves des pays de l’OCDE à leur moyenne sur les cinq dernières années, cette cible omniprésente dans le communiqué de novembre a disparu dans celui de jeudi, même si les ministres continuent de le mentionner dans leurs interventions, a noté Olivier Jakob, analyste chez Petromatrix.
« On parle toujours de rééquilibrage, mais désormais, cela signifie +abaisser légèrement les réserves mondiales, en espérant vaguement que cela joue sur les prix+ », a-t-il tranché.
Dans ce contexte, même le respect de leurs engagements de baisse de production par les signataires de l’accord, dont la Russie, n’a pas suffi à consoler les investisseurs.
Pour ajouter à la déception, l’Arabie saoudite avait laissé entendre que, si l’Opep n’adoptait pas de quotas plus restrictifs, d’autres pays pourraient se joindre à l’accord.
Mais au final, l’accord se fera entre les mêmes 24 pays, même si la Guinée Equatoriale passe du statut de partenaire de l’Opep à celui de membre du cartel, désormais au nombre de 14.
Enfin, les marchés se posent la question de l’équilibre des marchés quand l’accord prendra fin, après le premier trimestre 2018.
« De nouveaux projets, dans le pétrole de schiste mais également des forages en eaux profondes, sont en voie d’achèvement de tous les côtés », ont prévenu les analystes de JBC.
« A court terme, l’Opep pourrait faire baisser l’offre mondiale, mais retrouver la moyenne des réserves mondiales sur les cinq dernières années paraît difficile à croire », ont-ils prévenu, s’attendant à ce que « les discussions sur un nouveau renouvellement de l’accord se multiplient… »
Afp