Le Japon a aligné un cinquième trimestre de croissance d’affilée en janvier-mars, sa plus longue période positive depuis celle de début 2005 à mi-2006, mais le seul chiffre du produit intérieur brut (PIB) ne saurait acter la fin des difficultés.
Avec une hausse de 0,5% au cours des trois premiers mois de l’année par rapport aux précédents (données préliminaires susceptibles d’être révisées), la troisième puissance économique mondiale s’offre aussi un rebond, car le deuxième semestre de 2016 avait révélé un ralentissement comparé au premier.
Pour les mois de janvier à mars, les détails des statistiques montrent une contribution positive de la demande privée intérieure (particuliers et entreprises) et des exportations notamment. En rythme annualisé (c’est-à-dire si une telle croissance se poursuivait sur l’ensemble de l’année), la progression ressort à 2,2%.
Ces données annoncées sont en phase avec les prévisions des économistes, voire légèrement supérieures.
Le gouvernement de droite, mené par le Premier ministre Shinzo Abe, tend à voir dans cette reprise qui dure depuis début 2016 les effets de la stratégie de relance « abenomics » initiée à son retour au pouvoir fin 2012.
Les investissements non résidentiels des entreprises ont évolué positivement (contrairement à ce pensaient des économistes) de même que la demande publique, grâce aux dépenses du gouvernement central.
Mais les analystes notent, à la lumière des indicateurs publiés chaque mois, que les facteurs extérieurs sur lesquels il n’a pas prise (conjoncture mondiale, changes) jouent dans cette embellie, tandis que la consommation des ménages, qui représente plus de la moitié du PIB, même si elle a affiché un petit rebond sur un trimestre, peine à décoller durablement et à être la locomotive.
« La lenteur de la hausse des salaires » est un facteur qui rend les foyers précautionneux, surtout à un moment où l’inflation est censée s’élever, souligne dans une note Marcel Thieliant de Capital Economics.
Le ministre de la Revitalisation économique, Nobuteru Ishihara, a reconnu jeudi que, « si les conditions de l’emploi s’amélioraient », le Japon n’avait pas vaincu tous ses maux.
Il a admis que le spectre de la déflation ne s’était pas encore volatilisé et rappelé que « les incertitudes relatives aux économies étrangères ainsi que les effets des mouvements sur les marchés financiers exigent d’être suivis ».
Le taux d’inflation (+0,2% en février et mars) est en effet encore très loin de l’objectif de 2% de la Banque centrale et du gouvernement.
L’écart entre l’offre abondante et la demande morose (à cause de revenus qui ne croissent pas assez) pèse, et le seul chiffre du PIB ne saurait à lui seul suffire à signer le succès desdits « abenomics », dont le principal objectif était justement d’en finir avec le phénomène pernicieux de la déflation.
Si les deux premières « flèches des abenomics » (dixit M. Abe), à savoir les largesses budgétaires et la souplesse monétaire, ont été décochées assez vite, la troisième, de loin jugée la plus importante, les réformes structurelles, semble s’être perdue en route, déplorent les économistes.
Une quarantaine d’entre eux, interrogés par le groupe d’informations économiques Nikkei, estiment cependant, à l’instar de M. Ishihara, que la tendance restera positive au moins au deuxième trimestre, grâce à la demande étrangère et aux investissements d’entreprises qui doivent pallier en partie le manque de main-d’oeuvre par des machines.
Les préparatifs pour les jeux Olympiques de 2020 à Tokyo, notamment dans le secteur de la construction, vont en outre commencer à jouer très concrètement.
Afp