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Le Nouveau Modèle Economique : Les critiques justifiées et injustifiées

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C’est le débat de l’heure. On y consacre des multitudes d’analyses. Ce qui est sain ! Mais nous notons de nombreuses incompréhensions également. Beaucoup de critiques positives et négatives ont été émises juste après la publication du document par le ministère des finances et quelques précisions apportées par l’APS.

L’incompréhension vient du fait que l’on ne s’est pas posé la question suivante : qu’est ce qu’un modèle économique ? Beaucoup ont fait la confusion entre une stratégie de développement et un modèle économique. Ce qui explique l’inflation de commentaires pour la plupart inappropriés. Socrate disait qu’il fallait passer plus de temps à définir un terme qu’à l’utiliser. Sans aller jusque la, nous posons une simple question : qui a défini le terme « modèle » avant de passer à l’analyse ? Très peu.

Par conséquent, on peut facilement confondre le terme modèle avec un plan de développement ou une stratégie d’émergence. On aura des attentes différentes selon que l’on parle de l’un ou de l’autre. Précisons les choses avant d’aller plus loin.

Un des modèles les plus commentés en sciences économiques demeure celui des avantages comparatifs. On peut l’expliquer en une page. Il décrit quelques variables en interaction pour prouver que la spécialisation mondiale (sous certaines conditions) induirait un output plus conséquent et donc un meilleur bien être pour tous. La doctrine libérale moderne (le consensus de Washington) repose pour l’essentiel sur ce modèle.

Un modèle est donc une simplification extrême de la réalité pour ne saisir que l’essentiel et laisser les détails de coté. Le modèle des avantages comparatifs comprend quelques variables essentiels (dotations naturelles, couts de main d’œuvre) et fait des hypothèses sur la situation. Armé de ces rudiments, nous allons apprécier les éléments essentiels de ce nouveau modèle économique et commenter les nombreuses interventions qui ont suivi son élaboration.

 Le Contenu et les hypothèses

Puisqu’on parle d’un nouveau modèle c’est qu’il y avait un ancien. Ce dernier doit être précisé pour voir la différence. De toute façon, un modèle économique existe toujours dans la réalité. Il peut être chaotique ou cohérent mais il ne peut pas ne pas exister. Les pouvoirs publics peuvent le décrire, le présenter ou il s’érige tout seul à partir de la réalité économique. Depuis le début des années deux mille, le modèle économique qui a caractérisé notre pays fut fort simple.

Il fallait mobiliser d’énormes ressources de la rente des hydrocarbures pour les orienter vers deux directions : la démultiplication et la modernisation de toutes sortes d’infrastructures (routes, édifices, barrages, chemin de fer etc.). Le deuxième volet est la distribution sociale de la rente (logements, subventions etc.). L’idée était que les dépenses publiques induiraient des marchés pour les entreprises et les banques qui allaient embaucher, créer de la richesse et à travers le fameux multiplicateur fouetter l’économie productive (PMI/PME).

Mais ce modèle a comme prévu surtout fouetté l’économie mondiale à travers les importations qui passèrent d’environ 10 Milliards de dollars par an début 2000 à plus de 65 milliards en 2014.

Voilà un descriptif très simplifié de l’ancien modèle qu’aucun n’expert n’a critiqué lorsqu’il fut présenté au début des années 2000. Nous sommes responsables de ces résultats mitigés puisque lorsqu’il fut proposé tout le monde avait applaudi (je peux m’exclure mais je ne le ferai pas). On est aussi responsable que les pouvoirs publics.

Alors en quoi se caractérise le nouveau ? On peut être d’accord avec ou pas mais il y a un revirement substantiel. Tout d’abord réduire drastiquement le financement des infrastructures par des fonds publics. Il fallait chercher des financements économiques. En deuxième lieu, les ressources iront irriguer l’économie productive : Agriculture, industrie, tourisme, autres services etc. Les subventions seront graduellement revues en fonction de l’amélioration du système d’information pour un meilleur ciblage.

Les importations seront revues à la baisse administrativement pour les ramener au niveau des exportations. Les deux modèles -même s’ils sont radicalement différents- font les mêmes hypothèses, à savoir : les acteurs économiques sont capables de mener à bien ces nouveaux choix (administration, entreprises, universités etc.), un minimum de consensus politique permettrait au modèle d’être exécuté et les systèmes d’organisation de l’état permettraient de le réaliser efficacement etc.

Ce qui est attendu d’un modèle

Les avantages de ce nouveau modèle économique sont contenues dans les objectifs précis qu’il se fixe (atteindre une croissance de croisière de 6,5%, multiplier le revenu par habitant de 2,3% etc.). On a des boucles de contrôle que l’on peut utiliser pour gérer ce processus. Mais un modèle n’est pas un plan d’action.

Nous aurons besoin d’un programme d’exécution de ce modèle. Pour les puristes qui vont plus loin encore nous aurions besoin d’un plan stratégique qui va préciser les données sectorielles et les transformations institutionnelles à mener en vue de rendre ce modèle exécutable sur terrain. J’ai lu des critiques fondées et infondées. Les pouvoirs publics ont proposé un modèle de diversification économique qui repose dans un premier temps sur la substitution à l’importation et dans une seconde phase à promouvoir plus d’exportations.

De nombreuses personnes critiquaient le fait que l’agriculture, l’industrie, le tourisme, les TIC, les services, les industries du développement durables etc. n’avaient pas reçu l’attention qu’il fallait. Ils confondent modèle et plan de développement. Le fait que le modèle focalise sur la diversification et mentionne ces secteurs sans leur accorder des développements et des précisions qui relèvent d’un plan est suffisant.

On peut noter la même chose pour les transformations institutionnelles. Il est évident que le modèle ne peut pas s’exécuter sans un engagement politique fort et sans des transformations institutionnelles profondes. Aujourd’hui, la manière dont sont gérées nos entreprises et nos institutions ne permet pas du tout à ce modèle de fonctionner efficacement.

Tout comme l’ancien modèle qui a eu des résultats mitigés pour ces mêmes considérations. Mais dire que le modèle –qui mentionne brièvement la nécessité d’une modernisation managériale- ne va en profondeur pour développer les méthodes d’amélioration institutionnelle et le Doing Business etc. serait encore une fois de plus confondre entre modèle et stratégie de développement. Mais annoncer un bon modèle n’est pas une opération gagnée à l’avance. Le plus dur reste à faire.

Il faut le traduire en plan d’action ou en stratégie. C’est dans ce contexte que l’on va détailler les orientations sectorielles et les transformations institutionnelles à mener. Si les détails seront incohérents ou insuffisants alors ce serait un autre dérapage. Le diable est dans les détails. Mais il n’est pas approprié de demander des développements et des précisions importantes lorsqu’on est au stade d’élaboration d’un modèle qui n’est qu’une doctrine loin des détails que l’on souhaiterait avoir.

Pr. A. Lamiri

 

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