Abordant la problématique de l’émergence du secteur de la sous-traitance en Algérie, le président du cluster mécanique de précision, M. Adel Bensaci, explique dans cet entretien, qu’il faut rester optimiste, et que les chances de voir ce secteur sortir de ce marasme existent, à condition de suivre les démarches adéquates.
Algérie-Eco : qu’est ce qui a motivé la création du cluster mécanique de précision, et quelle est sa mission ?
Adel Bensaci : la création du cluster est une initiative du ministère de l’industrie à travers l’ANDPME, c’est une réorganisation du secteur par filière, il y’ a une refonte du système au niveau de la relation gouvernement / entreprise. Le cluster mécanique de précision est une entité proactive dans le système, autant que force de proposition et nouvelle organisation sectorielle. C’est un groupement d’entreprises de forme classique, qui renferme les donneurs d’ordre, les sous-traitants, les centres de recherche et universités ainsi que l’associatif, donc, bourses de sous-traitance, chambres de commerce et associations professionnelles, qui sont partie prenante dans la mécanique de précision.
Notre objectif est l’optimisation de la filière, c’est très vaste, car il y’ a beaucoup de leviers sur lesquels on peut intervenir. Au départ, à travers les premières réunions avec les fondateurs, la tâche était assez difficile, dan le sens, ou la connexion entre les différents acteurs du secteur était faible. Et pour cause, les donneurs d’ordre qui considéraient que les sous-traitant étaient défaillants, les sous-traitants qui disent qu’ils n’ont jamais accès au marché, ou pas au même niveau que les entreprises étrangères.
De leur côté, les centres de recherche proposaient des compétences, alors qu’en face des entreprises se plaignaient de ne pas trouver des cadres compétents. Tout ça nous a amené à œuvrer ensemble pour trouver des synergies pour développer cette filière.
Dans cette phase de démarrage, quelle est votre orientation première, en matière de réalisation ?
Bien que les statuts soient signés, effectivement nous attendons d’être enregistré officiellement au CNRC (centre national du registre de commerce), ensuite il y’aura un avis d’appel à intérêt aux entreprises intéressées par l’initiative. Par ailleurs, le cluster mécanique de précision a été orienté sur deux projets. Le premier est de trouver des solutions pour nos entreprises à accéder au marché de l’énergie et du OIL&GAS, notamment à travers la préparation de certains cahiers des charges techniques, pour le compte de ses grands donneurs d’ordre.
A ce sujet, nous avons constaté que les appels d’offres émanant du ministère de l’énergie étaient difficilement accessibles aux entreprises algériennes et nous travaillons justement à redonner l’accès. Cela veut dire que, le donneur d’ordres n’a pas de plan, pas de cahier des charges, ses références se basent uniquement sur la qualité du matériel.
D’autre part, il y’a d’autres barrières, qui font qu’en Algérie, les entreprises étrangères sont protégées par le fameux « Copyright », les droits de fabrication qui mettent les entreprises algériennes en situation de copiage, à l’instar des grandes économies telles que le Japon.
Comment se fait-il, que devant les mesures et les facilitations mises en place par les pouvoirs publics, le secteur de la sous-traitance peine à émerger, notamment en industrie automobile ?
Sur ce plan, je dirais que nous sommes dans une phase transitoire, cela fait uniquement une année qu’on fait du CKD, si on n’est pas prêt de relever le défi, c’est à dire, réaliser de l’intégration, dans 4 à 5 ans, il n’y aura rien, et l’enjeu est là. Alors sur la chaine, de constructeurs, et sous-traitants, il manque un maillon très important celui des équipementiers. Ces derniers, par la loi du marché, se dirigent vers des marchés où ils font plus de chiffres, d’économie d’échelle.
Ceci dit, l’Etat a mis en place un cahier des charges pour encourager les gens à investir, mais est-ce que les industriels sont prêts à jouer le jeu ?
Maintenant si les concessionnaires qui ont été poussés à investir, ce n’est que de la poudre aux yeux et finalement, c’est préserver leurs parts de marché qui les intéressent, soit ils veulent pérenniser l’activité, et dans ce cas, il y’ a lieu de discuter de leurs besoins et des opportunités de les faire correspondre avec nos compétences. C‘est précisément sur quoi interviendra le cluster. Dans le cas où il n’y a pas concordance, il s’agit de savoir comment développer les potentialités du cluster pour répondre aux besoins du secteur.
Quelle est la stratégie du cluster pour surmonter ces barrières ?
Notre idée est de travailler avec ces donneurs d’ordres et non pas contre, nous avons une approche pragmatique, qui consiste à demander à ces donneurs d’ordres leurs besoins de pièces ou équipements ou sous-ensembles, qui ne sont pas soumis à une protection de droits, pour lesquels, il y’a une forte consommation, afin de réaliser les cahiers des charges. C’est ce qui va permettre aux PME algériennes d’être au même niveau d’information que les revendeurs, ceux qui s’occupent à importer le chômage en masse en Algérie car le seul intérêt est leur chiffre d’affaires.
Ceci étant, je pense qu’il ne faut pas subir, il faut être proactif, dans le sens où, le cluster étant une entité de droit privé, et logiquement le ministère de l’industrie est notre partenaire le pus proche, on devrait donc avoir un canal direct au sein du ministère. Même si cela n’a jamais été fait auparavant, il faut peut être commencé, je ne suis ni optimiste ni pessimiste, je suis réaliste.
Maintenant, il y’ a un problème de confiance, de crédibilité des entreprises algériennes, mais si on ne commence pas, ne serait-ce que par des petits créneaux, des petites sous-traitances, à forte valeur ajoutée, qui feront des exemples de petites réussites qui vont casser des mentalités, et renverser cette tendance négative.