De Novartis à Sanofi en passant par Pfizer, les grands acteurs de l’industrie pharmaceutique se pressent à Cambridge (nord-est des Etats-Unis), en face de Boston, où bat le coeur des biotechnologies appliquées à la santé, stimulé par un terreau médico-scientifique d’excellence.
Autour de Kendall Square, un quartier jadis en déshérence, bureaux tout en verre et centres de recherche poussent comme des champignons depuis un quart de siècle, à l’ombre de leur vénérable voisin, l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT).
L’université de Harvard, tout aussi prestigieuse, est à deux stations de métro à peine.
Outre ces deux monuments académiques américains, Boston accueille de nombreux autres instituts de recherche et plusieurs hôpitaux parmi les mieux financés du pays, en pointe dans le cancer, les maladies pédiatriques ou encore les maladies infectieuses.
« Il est difficile d’imaginer une meilleure place qu’ici pour des biotechs », estime Anna Greka, chercheuse dans les maladies rares du rein au Broad Institute, un vaste organisme de recherche de Cambridge.
« Ici on raconte en plaisantant qu’on ne peut pas obtenir de promotion dans sa carrière universitaire avant d’avoir fondé sa propre start-up », ajoute-t-elle.
Des liens étroits unissent en effet les centres académiques et les laboratoires industriels de la région, depuis la fin des années 1970 et le début des années 1980, marquées par la double révolution de l’informatique et du séquençage de l’ADN.
Le MIT, Harvard et consorts sont alors devenus « le terrain d’essaimage » des jeunes entrepreneurs issus de ces révolutions technologiques, explique à l’AFP Jean-François Formela, partenaire du fonds de capital-risque de Cambridge Atlas Venture.
Dans leur sillage sont arrivés des fonds de capital-risque spécialisés dans les sciences de la vie, comme Atlas, Flagship et Third Rock, facilitant l’éclosion de biotechs, ajoute M. Formela, installé à Boston depuis 1993.
– La Californie, grande rivale –
En 2015 le Massachusetts, petit Etat du nord-est des Etats-Unis, a attiré 28% du total des investissements de capital-risque dans les biotechs américaines, soit 2,1 milliards de dollars, un niveau record, selon le dernier rapport de MassBio, l’organisation qui fédère l’écosystème local des sciences de la vie.
Quelque 425 biotechs étaient implantées dans le Massachusetts en 2015, et plus de 250 rien que dans l’agglomération de Boston, d’après MassBio.
Au début des années 2000, le suisse Novartis a lancé le mouvement de l’implantation de la « big pharma » à Cambridge, une vague ininterrompue depuis: « les sites de recherche-développement sont en restructuration dans le monde entier, sauf à Boston », assure M. Formela.
Sanofi a pris le train en marche en rachetant en 2011 l’un des enfants du pays, la biotech Genzyme, pour 20 milliards de dollars.
Avec 5.000 salariés dans la région, Sanofi Genzyme, spécialisée dans les maladies rares, la sclérose en plaques et désormais aussi l’onco-hématologie et l’immunologie, est le principal employeur du secteur biopharmaceutique dans le Massachusetts.
Ce secteur comptait plus de 63.000 salariés en 2015, une hausse de 37% en dix ans, et la moitié de ces effectifs était dédiée à la recherche-développement, selon MassBio.
Quelque 1.645 molécules étaient développées par des biotechs basées dans le Massachusetts en 2015, soit près de 6% des médicaments en développement dans le monde, toujours d’après l’organisation.
Boston-Cambridge est toutefois concurrencé de près par l’autre grand pôle des biotechs, à l’autre bout des Etats-Unis: la Silicon Valley, où les géants de l’internet comme Google, Apple et Facebook nourrissent de grandes ambitions dans la santé et où le capital-risque abonde.
Si le climat joue également en faveur de la côte Ouest, Boston a un autre joker dans sa manche: la très forte concentration autour de Kendall Square, à l’inverse du « cluster » californien, très éparpillé, de San Francisco à San Diego.
« A Boston, quand les gens changent de biotech, non seulement ils ne déménagent pas en règle générale, mais ils ne changent même pas de parking: toutes les sociétés sont contenues dans 20 pâtés de maison (…). Vous avez le monde entier sur le palier d’à côté », plaide M. Formela.
Afp