Avec un taux de croissance avoisinant les 8%, la Côte d’Ivoire a connu en 2016 un léger ralentissement économique après cinq années d’une croissance à presque deux chiffres. Dans un contexte régional morose, le pays tire donc bien son épingle du jeu. C’est ce que constate un nouveau rapport de la Banque mondiale sur la situation économique de la Côte d’Ivoire. Il s’agit en effet d’un des taux de croissance les plus élevés d’Afrique subsaharienne, le continent ayant enregistré son taux de croissance le plus bas depuis deux décennies (1,5% en 2016).
Alors que la production agricole a pâti de mauvaises conditions climatiques (le secteur cacao tournant notamment au ralenti), la construction et les services ont tiré la croissance du pays. Le cadre macroéconomique reste solide avec une inflation maîtrisée et des comptes extérieurs relativement stables. Le rapport souligne cependant que le déficit public est à la hausse (4% du PIB) du fait de la progression des dépenses sécuritaires, suite aux attentats terroristes survenus en mars 2016, et de la volonté de l’État de combler les déficits du pays en infrastructure.
« Le maintien d’une forte croissance économique va en en partie dépendre de la capacité du gouvernement ivoirien à stimuler le secteur privé et à gérer les risques tant internes qu’externes», souligne Jacques Morisset, économiste en chef et coordinateur des programmes de la Banque mondiale en Côte d’Ivoire. L’un des principaux risques externes est la baisse du cours international du cacao (en chute de 25% au cours des 12 derniers mois), premier produit d’exportation du pays et source de revenus pour 6 millions de familles ivoiriennes. De surcroît, une hausse des coûts des emprunts sur les marchés financiers risquerait de peser sur la dette de l’État ivoirien et de limiter ses capacités de financement. Sur le plan intérieur, de bonnes conditions climatiques et un environnement politique stable seront également déterminants pour maintenir cette trajectoire de croissance.
Les auteurs du rapport soulignent que pour maîtriser ces risques et générer une croissance durable et plus inclusive, l’économie ivoirienne devra poursuivre ses efforts de diversification et augmenter la valeur ajoutée de ses exportations en s’inspirant des pays émergents qui fabriquent des produits de plus en plus sophistiqués. Au niveau industriel, au-delà des efforts pour accroître la compétitivité de ce secteur, il existe des niches à exploiter, notamment la pharmaceutique et la cosmétique, l’imprimerie (livres, brochures) ou encore la menuiserie, souligne le rapport. La sous-région et le reste du continent restent encore des marchés inexplorés et pourraient constituer des relais de croissance.
Or, insiste le rapport (qui se penche également sur le secteur éducatif en Côte d’Ivoire), pour produire plus et mieux, il faut des compétences, compétences qui s’acquièrent en grande partie sur les bancs de l’école, pendant les années de formations professionnelles et au sein de l’université. Malheureusement, la décennie de crise que le pays a traversée a porté un sérieux coup au système éducatif ivoirien. Depuis, malgré les efforts des autorités ivoiriennes entrepris dès 2011, le pays reste à la traîne. Par exemple, seulement 63,1 % des élèves ivoiriens achèvent le cycle primaire contre 72,6 % en Afrique et 92,8 % dans les pays à revenu intermédiaire. Et ceux qui terminent le primaire, lisent et calculent moins bien que leurs camarades d’autres pays d’Afrique francophone, avec par exemple un score en mathématiques de 476 en Côte d’Ivoire, contre 594 au Burundi. Ces retards, qui s’aggravent dans le secondaire, touchent particulièrement les filles, les enfants vivant en milieu rural et les familles pauvres, creusant ainsi davantage les inégalités.
Pour améliorer la performance de son système éducatif, le gouvernement ivoirien prévoit d’allouer davantage de ressources budgétaires en direction de ce secteur. Des réformes, comme l’école gratuite pour tous jusqu’à l’âge de 16 ans et le développement de centres d’excellence, sont aussi à l’ordre du jour. Selon le rapport de la Banque mondiale, l’une des priorités serait d’améliorer l’efficacité des dépenses publiques en matière d’éducation. Car pour chaque pourcentage du PIB injecté dans le système éducatif, l’espérance de vie scolaire (soit le nombre d’années qu’un enfant effectue dans le système scolaire), n’augmente que de 1,6 an en Côte d’Ivoire contre 3,5 ans dans des pays émergents comme la Thaïlande et l’Ile Maurice. Il faut donc que l’État ivoirien dépense non seulement plus mais également mieux en matière d’éducation.
« L’un des moyens d’améliorer la qualité et l’efficacité des dépenses publiques serait de rémunérer les enseignants ivoiriens, qui perçoivent des salaires élevés par rapport à leurs collègues dans d’autres pays africains, en fonction de leur performance », explique Francis Ndem, spécialiste de l’éducation et l’un des auteurs du rapport. Des programmes de formation ainsi que d’évaluation des enseignants pourraient être mis en place afin de faciliter le processus. Autre recommandation formulée par le rapport, le fait que les subventions aux écoles privées accueillant des élèves ne pouvant être pris en charge par le secteur public devraient être repensées. Objectif ? Offrir aux familles un système d’aide financière directe plus efficace et la liberté de choisir l’école de leurs enfants. Enfin, il s’agira également de diminuer les dépenses administratives (considérées élevées en Côte d’Ivoire) et de privilégier l’achat de matériel et d’équipements scolaires.
Source : Banque Mondiale