Après des années de lobbying intensif, les banquiers vont finalement obtenir le détricotage par Donald Trump de la règlementation mise en place pour prévenir une nouvelle crise et protéger les consommateurs des excès de la finance.
« Positif »: lance un trader d’un fonds spéculatif, résumant le sentiment général dans les milieux financiers new-yorkais, où on se garde néanmoins de toute célébration bruyante par crainte d’un retour de bâton tant la colère à l’encontre de Wall Street reste prégnante.
En janvier, des militants proches de l’aile gauche du parti démocrate ont organisé des manifestations devant les bureaux de la banque d’affaires Goldman Sachs dans de nombreuses villes du pays, réclamant que les banquiers soient tenus responsables de leurs errements ayant conduit en 2008 à la plus grave crise financière depuis 1929.
« Nous sommes satisfaits », confie à l’AFP un banquier sous couvert d’anonymat. Comme lui, la plupart des banquiers sollicités par l’AFP ont exigé l’anonymat pour s’exprimer
Trump avait axé sa campagne sur le rejet des élites, symbolisées notamment par les banquiers dont l’impunité supposée est régulièrement dénoncée aussi bien à gauche qu’à droite de l’échiquier politique américain.
« C’est une trahison d’une de ses promesses de campagne, en l’occurrence faite à ceux qui ont été saignés par Wall Street et qui constituaient le pilier de sa base électorale », fustige Bartlett Naylor, de l’association de défense des consommateurs Public Citizen.
Contactées par l’AFP, Goldman Sachs a indiqué qu’il n’y avait rien à commenter pour l’instant, tandis que JPMorgan Chase, dont le PDG Jamie Dimon était l’un des fervents opposants à cette réglementation baptisée Dodd-Frank, ainsi que Morgan Stanley, n’ont pas souhaité réagir.
Il faut regarder vers la Bourse pour observer l’impact sur les banques de ce début de dérèglementation qui devrait relancer la prise de risques.
Le titre Goldman Sachs gagnait 4,37%, JPMorgan 2,67%, Morgan Stanley 5,27%, Bank of America 2,44%, Citigroup 2,91% et Wells Fargo 2,32%.
Les obligations des grandes banques étaient également recherchées, ce qui se traduisait par une baisse de leurs rendements, tandis que les prix des contrats d’assurance que doivent souscrire les créanciers d’institutions financières (CDS) étaient en nette baisse.
Un trader, qui a acheté des titres bancaires vendredi matin, indiquait à l’AFP que ses transactions avaient été motivées par le fait que les banques n’auront plus à supporter les nombreux coûts liés à la nécessite de se conformer à la loi.
Ces établissements avaient été contraints d’investir des millions de dollars dans les technologies, le renforcement de leurs procédures de contrôle et d’alerte et embaucher des milliers de personnes.
L’administration Trump devrait assouplir la règle Volcker, qui limite la capacité des banques à spéculer avec leur propre argent, et se débarrasser de la disposition forçant les courtiers à privilégier les intérêts de leurs clients, connue sous le nom de « fiduciary rule ».
Conséquence, les banques devraient redevenir très actives dans la spéculation pour laquelle elles jouent le plus souvent le rôle d’animateurs (markets makers), estiment les analystes du cabinet Trefis.
Les animateurs de marchés assurent la liquidité des titres, c’est-à-dire la capacité des instruments financiers, quels qu’ils soient, à être achetés ou vendus rapidement. Ils sont donc là au cas où la liquidité, l’équivalent de l’essence pour un moteur de voiture, viendrait à manquer. C’est l’absence de liquidités sur les marchés qui avait aggravé la crise de 2008.
Forcées de renforcer leurs fonds propres, les grandes banques pourvoyaient modérément les marchés lors des dernières années, limitant ainsi de fait la spéculation.
Vendredi, certains banquiers appelaient à la prudence, notant que le feu vert du Congrès est requis pour révoquer la loi Dodd-Frank.
Et ce n’est pas gagné car les partisans de la loi – nombreux parmi les parlementaires républicains d’Etats dévastés par les « subprime » – font valoir qu’elle a permis d’assainir le bilan des banques et redonner confiance au système financier américain au travers des tests de résistance annuels (stress tests) et des niveaux de liquidités importants.
Le « spread », l’écart entre les taux obligataires des banques et ceux des Etats-Unis, qui se financent à des taux bas, était stable vendredi comparé aux jours précédents, montrant la prudence relative des investisseurs face aux dernières initiatives de l’administration Trump. Un regain de confiance dans les perspectives des banques aurait entraîné vendredi une nette réduction de cet écart
Afp