En se retirant du partenariat transpacifique (TPP), Donald Trump porte un coup d’arrêt au libre-échange commercial traditionnellement défendu par les Etats-Unis et amorce un changement de cap qui pourrait laisser le champ libre à la Chine.
Cette première grande décision économique de son mandat était attendue. Pendant sa campagne, le candidat républicain n’a cessé de dénoncer cet accord abolissant les barrières douanières et réglementaires entre les Etats-Unis et 11 pays de la région Asie-Pacifique, et auquel la Chine n’était pas associée.
« Le TPP est un accord horrible », avait notamment lancé M. Trump assurant que ce traité, critiqué de toutes parts et en attente de ratification au Congrès, accélérerait les délocalisations.
Elu sur la promesse de ramener des emplois sur le sol américain, le nouveau président ne compte pas s’arrêter là et a promis dimanche de renégocier l’accord de libre-échange Aléna alliant Etats-Unis, Mexique et Canada, et accusé de précipiter la désindustrialisation aux Etats-Unis.
Traditionnel défenseur du libre-échange sous des administrations démocrates comme républicaines, les Etats-Unis s’engagent donc, sous l’impulsion de leur nouveau président, dans un changement de cap radical.
« C’est symbolique (…) d’une nouvelle ère des politiques commerciales qui favorisera les travailleurs américains avant toute autre chose », a commenté devant la presse le porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer.
Selon Edward Alden, expert au Council on Foreign Relations, ce retrait signifie concrètement que la libéralisation des échanges sous impulsion américaine est « morte » et que l’administration Trump préfèrera s’engager dans des accords bilatéraux de moindre ampleur.
« Le problème avec les accords multilatéraux, c’est que ça débouche souvent sur le plus petit dénominateur commun », a ainsi estimé M. Spicer.
Déjà dans les limbes, l’accord de libre-échange TTIP négocié depuis 2013 entre les Etats-Unis et l’Union européenne pourrait donc être la prochaine victime de ce recalibrage stratégique.
Trump semble se désintéresser totalement de ce traité et ne cache pas son souhait de négocier en priorité un accord bilatéral avec le Royaume-Uni afin de faire du Brexit un « succès ».
L’abandon du TPP n’est toutefois pas sans risques stratégiques pour les Etats-Unis. Experts et élus, y compris dans le camp de M. Trump, assurent que l’administration américaine s’est privée d’un moyen de faire contrepoids à l’influence grandissante de la Chine en Asie.
Le retrait américain « offre à la Chine l’opportunité de réécrire les règles économiques au détriment des travailleurs américains », a ainsi dénoncé le sénateur républicain John McCain dans un communiqué.
L’abandon pur et simple du TPP « va consolider le statut de la Chine comme le seul acteur dominant en Asie dans le commerce », affirme de son côté M. Alden à l’AFP.
La deuxième puissance économique mondiale, que M. Trump menace de représailles commerciales, pourrait même en profiter pour tenter de combler le vide laissé par les Américains.
Le président chinois, Xi Jinping, s’est récemment posé en champion du libre-échange et Pékin ne manque pas une occasion de promouvoir ses propres traités commerciaux (FTAAP pour le bassin Asie-Pacifique et RCEP en Asie orientale).
« Il est crucial que les Etats-Unis ne cèdent pas le leadership économique mondial à la Chine », indique à l’AFP, Jake Colvin, du groupement d’entreprises National Foreign Trade Council.
Sur la scène intérieure, le recalibrage américain sur le commerce continue en tout cas de brouiller les règles traditionnelles du jeu politique à Washington, déjà chamboulées par une campagne hors-normes.
L’abandon du TPP prend ainsi à revers nombre d’élus républicains au Congrès et les milieux d’affaires, grands défenseurs du libre-échange et alliés objectifs du président américain.
Et il satisfait dans le même temps des syndicats et des ONG environnementales ou sociales américaines, qui ont défilé contre M. Trump pendant le week-end mais qui combattaient farouchement le TPP depuis de longs mois.
Minimisant le poids de M. Trump, Oxfam a ainsi assuré que cet accord était déjà « condamné » politiquement et mis en doute la profondeur du changement de cap américain sur le commerce.
Selon l’organisation, la présence en masse « de millionnaires et de milliardaires » dans le gouvernement Trump devrait au contraire se traduire par de nouveaux accords commerciaux qui « renforceront les plus riches ».
AFP