Dans un contexte plaidant pour la promotion de la recherche utile, l’Agence Nationale de Valorisation des Résultats la Recherche Scientifique et du Développement Technologique (Anvredet) est tenaillée entre le marteau de mettre sur orbite l’innovation, et l’enclume d’un environnement encore réticent à cet objectif et dont la composante agit d’une manière dispersée.
C’est dans ce décor planté que la Directrice Générale de cet organisme, Djamila Haliche, a tenu à nous accorder cet entretien.
Algérie-Eco : Pouvez-vous vous présentez à nos lecteurs ?
Mme Djamila Halliche : Je suis chimiste de formation de l’Université Bab Ezzouar (Alger). J’occupe le poste de Directrice Générale de l’Anvredet depuis 2014. L’Anvredet est, faut-il le préciser, sous tutelle de la Direction Générale de la recherche scientifique et du développement technologique (Dgrsdt) qui est un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière.
Pour le moment, et contrairement aux idées reçues, l’établissement ne génère aucune recette génératrice d’une relative rentabilité. Ses principales ressources proviennent du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (Mesrs) et du Fonds National de la Recherche Scientifique et du Développement Technologique (Fnrsdt). Ces deux cités ont, au cours de la période 2015/2016, eu à financer une quarantaine de projets, selon des plans d’actions établis sur la base des demandes d’innovations déposées chez nous.
Nous prévoyons d’en faire de même pour une vingtaine de plus, pour 2017. A noter aussi que parmi nos collaborateurs, il y a l’Agence Nationale de Soutien à l’Emploi des Jeunes (Ansej), l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (Inapi), ainsi que quelques banques et bureaux d’études, que nous sollicitons pour nos différents champs d’intervention.
Quels sont justement vos différents champs d’intervention ? Et quel est l’apport que vous estimiez avoir eu à suppléer au profit de l’Economie nationale ?
Les domaines concernés sont : l’agriculture et ressources en eau ; matières premières et énergie ; aménagement du territoire, environnement et risques majeures ; droit, économie et société ; santé et sciences du vivant ; technologie et industrie ; habitat, urbanisme, construction et transports ; éducation, culture et communication.
Pour l’apport de l’Anvredet, accordez-moi, tout d’abord, une petite rétrospective, à travers laquelle je ne prétends cibler aucunement les personnes.
Lors de ma désignation à ce poste, j’ai hérité d’un legs encombrant, illustrée par une situation, sans repère et sans ambition aucune, qui ne prédestinait guère l’Agence à jouer son rôle qu’elle est supposée tenir, à savoir une passerelle entre la recherche scientifique et le secteur économique.
Outre cela, je ne disposais que d’une dizaine de cadres et employés, dans le domaine technique et d’expertise. Pour y remédier, j’étais sommée de solliciter des consultants hors établissement, en contrepartie d’une rémunération à leur accorder. Dieu merci, il y en a qui font ça bénévolement.
J’ai du, de prime abord, procéder à dépoussiérer les dossiers d’innovation empilés dans les tiroirs, en installant un comité d’experts pour la sélection de ceux éligibles à être parrainé par nos soins et, enfin, leur assurer l’accompagnement nécessaire, de l’étude technico-économique jusqu’à la création de la startup, en passant par le développement technologique (prototypage, propriété intellectuelle….), la maturation économique (formation et coaching, stratégie de marketing….), l’administration et la logistique (location et hébergement de bureau, frais de déplacement…), et la promotion et la communication (publicité, conception et création des supports de communication…).
Le soutien de l’Anvredet s’articule sur trois volets. Le premier est financier. Le montant dégagé devait correspondre à la fiche technique élaborée au préalable. Il faut préciser, qu’il ne sera pas en espèces, mais consiste en l’acquisition de matériels dédiés aux travaux de recherche, exception des équipements lourds.
Le deuxième volet concerne l’expertise et la formation au profit de chercheurs-innovants. Ceux-ci doivent être imprégnés d’une formation empreinte d’offensive sur le plan communicatif, de maitrise des détails liés au projet et son impact sur l’Economie, notamment lors de l’exposition de leurs travaux en public ou lors de l’inspection effectuée par la Commission d’évaluation faite par les ministères concernés.
Cela, pour qu’ils aient également le charisme et la stature nécessaires à leur séjour scientifique à l’étranger. Nous jouons, ainsi, le rôle de mentor et de promoteur.
Le troisième et dernier volet est d’ordre institutionnel : nous accordons, par ce biais, le visa aux innovateurs ou aux startups, qui fera office d’une facilitation pour toutes les démarches que ceux-ci auront à effectuer auprès des ministères et institutions, étatiques et privés.
La finalité qui est notre objectif est de faire en sorte que les préalables à la création de la startup, à savoir le montage de dossier de création, l’établissement du registre de commerce, les frais de notaire et la rédaction du statut, le financement, et l’identification de la marque et du logo, ne soient pas synonyme de parcours du combattant pour le porteur du projet.
Pour bien faire, nous avons, entre autres actions y afférentes à ces trois volets, eu à installer un incubateur Intilaq, au sein de l’Agence, d’une capacité d’accueil de 15 projets, en plus d’une formation, au cours de 2016, lancée en collaboration avec Médafco Consulting et visant d’imprégner nos cadres aux métiers de l’accompagnement.
Réellement, quelles sont les actions à faire valoir ?
La plus récente est le projet Viatic II, lié aux technologies de l’information et de la communication (Tic) appliquées à la santé. Ce programme a permis à Yacine Ourdani, porteur d’un projet Anvredet, consistant en un système pour sécuriser les transactions du payement électronique (Biométrie veineuse de la main), d’avoir l’accord d’une entreprise américaine pour le transfert de sa technologie.
C’était à l’issue d’un séjour scientifique aux USA, qui s’est déroulé du 5 au 16 décembre, et dont en ont bénéficié 4 autres chercheurs algériens. A titre informatif, Viatic II a été lancé dans le cadre d’un partenariat algero-américain, entre l’Anvredet et Commercial Law Program (Cldp).
Il s’est étalé sur plusieurs étapes. La première a eu trait à une présélection, par les représentants de l’Anvredet, du Cldp et de l’association Aita. Et c’est suite à l’appel à candidatures, que 12 projets ont été soumis, dont 11 projets ont été sélectionnés, parmi lesquels 05 projets ont été retenus définitivement et transmis à des experts algero- américains afin d’examiner l’offre sur le marché américain.
Le voyage d’affaire a été scindé en deux phases. La première, du 5 au 11 décembre 2016 à Washington, consacrée au coaching par des mentors algéro-américains, où il y eut également, une rencontre avec des spécialistes de l’innovation, l’entreprenariat et de la technologie.
La seconde, du 12 au 16 décembre 2016 à Atlanta, qui, elle, a permis de bénéficier de l’expérience américaine en matière de l’élaboration des politiques d’appui à l’innovation et la création d’un écosystème d’innovation, a été sanctionnée par une visite des structures d’appui à l’innovation à l’université de Georgia Tech.
La deuxième action dont nous sommes fiers est la distinction dont ont eu droit deux chercheurs que nous avons accompagnés, dans la catégorie « Meilleur Prix national de l’invention », décerné lors de la Journée de l’innovation, le 7 décembre, aux Palais des Expositions (Safex), et dont votre journal en a fait largement écho. Il s’agit de Abdelkader Chenguel, pour son dispositif de culture sans sol (hydroponique) de fourrage vert, qui a été classé en tête du podium.
Cette invention permet de produire du fourrage vert sous serre intelligente et avec un rendement meilleur sur toute l’année, quelles que soient les contraintes climatiques, contrairement au fourrage conventionnel qui est produit à raison de deux récoltes par an uniquement.
Il s’agit d’une machine comme une serre de culture ou une chambre isolée, assurant les conditions climatiques favorables au fourrage et permettant d’obtenir 7 kg d’alimentation animale à partir d’un 1 kg d’orge cultivé dans un délai ne dépassant pas les 7 jours. Cette technologie peut même produire sur 50 m2 l’équivalent de ce qui est cultivé sur 40 ha avec la méthode conventionnelle. Actuellement, on est en phase de prototypage.
Le deuxième inventeur a reçu le troisième prix. Il s’agit de Mohammed Yacine Debili, docteur en physique des matériaux de l’Université de Annaba, pour avoir mis au point un matériau composite formé d’aluminium et de cuivre et qui permet de séparer les deux éléments en deux métaux.
Notre grand objectif 2017, est la « Rencontre Internationale sur le Développement Inclusif en Afrique », en mars 2017, à Alger, et dont on espère qu’elle soit parrainée par le président de la République. On peut ajouter, à titre d’exemple, qu’en 2015, l’Anvredet a organisé une formation sur le management des projets innovants, du 16 au 19 février, ainsi que le Séminaire international sur les incubateurs, les 17 et 18 novembre 2015, au Centre de développement des énergies renouvelables (Cder), Bou-Ismail.