L’Etat russe a vendu 19,5% du géant pétrolier Rosneft à des investisseurs internationaux pour plus de 10 milliards d’euros, ramenant in extremis son déficit budgétaire sous contrôle par une opération sans équivalent dans ce secteur dans le monde en 2016.
Annoncée tard mercredi par le Kremlin, la transaction voit arriver au capital de l’un des plus gros producteurs d’hydrocarbures de la planète un consortium réunissant à égalité le Qatar, via son fonds souverain, et le négociant en matières premières Glencore, aux côtés de l’Etat russe majoritaire et du britannique BP.
Cette vente, très complexe par sa taille et le caractère très stratégique de l’entreprise, était attendue depuis des semaines. Elle faisait l’objet d’autant plus de spéculations que l’autre grande privatisation menée cette année pour remplir des caisses de l’Etat mises à mal par la chute des prix du pétrole, la vente de Bachneft, a tourné au psychodrame, l’Etat se déjugeant en cours de route et le ministre de l’Economie se trouvant accusé de corruption et limogé.
Face à la difficulté à trouver un investisseur capable de mettre la somme nécessaire sur la table en respectant les conditions posées par Moscou, et face à l’urgence à renflouer le budget avant le 31 décembre, il était même envisagé que Rosneft rachète lui-même ses propres actions, le temps de trouver éventuellement un autre acheteur pour plus tard.
L’issue a été finalement rendue publique par le président Vladimir Poutine qui a reçu devant les caméras le directeur de Rosneft, Igor Setchine, l’un de ses proches les plus influents.
D’un montant de 10,5 milliards d’euros, « il s’agit de la plus grosse fusion-acquisition dans le secteur des hydrocarbures pour l’année 2016 », a souligné M. Poutine.
« J’espère que l’arrivée de nouveaux investisseurs au sein des organes de direction vont améliorer le fonctionnement de l’entreprise, sa transparence et conduira au final à une hausse de sa capitalisation », a-t-il souligné, rappelant que l’Etat conservait un peu plus de 50%.
Le paiement sera effectué « avec les fonds dont nous disposons et des crédits organisés par l’une des plus grandes banques européennes », a souligné M. Setchine.
Dans un communiqué, Glencore a précisé que l’opération devrait être bouclée dès la mi-décembre et représenterait un gain de 220.000 barils de pétrole par jour pour ses activités de négoce. Elle présentera « d’autres possibilités par un partenariat stratégique » selon lui.
Rosneft, relativement modeste il y a 15 ans, a connu une croissance fulgurante depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. Il a d’abord grossi sur les ruines de Ioukos, le groupe de l’opposant Mikhaïl Khodorkovski démantelé par la justice, puis en rachetant son concurrent TNK-BP en 2013, et finalement en s’imposant malgré l’opposition du gouvernement comme le repreneur de Bachneft privatisé récemment.
Il est visé par des sanctions américaines en raison de la crise ukrainienne.
Poutine a relevé que l’opération avait été réalisée « dans une tendance de hausse des prix du pétrole, ce qui se reflète sur la valeur du groupe ». Le baril a dépassé 50 dollars sur les marchés à la suite d’un accord au sein de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) pour réduire leur offre de concert avec la Russie, non membre du cartel. Il s’agit de mettre fin à la période de bas prix des hydrocarbures aux conséquences dramatiques pour leurs économies.
La Russie, par ailleurs sous sanctions occidentales à cause de l’annexion de la Crimée et du conflit dans l’Est de l’Ukraine, semble sur le point de sortir de deux ans de récession, mais ses finances restent plombées par l’assèchement de la manne pétrolière.
Après la privatisation de Bachneft pour près de cinq milliards d’euros, la vente de la participation dans Rosneft devrait permettre de rapprocher le déficit budgétaire du cap de 3% du PIB fixé par Vladimir Poutine qui a érigé en priorité le maintien de la stabilité financière.
Pour 2017, le budget voté mercredi par les députés prévoit d’importantes coupes budgétaires critiquées autant par les communistes que le patronat, pour un déficit de 3,2%. Un rebond durable des prix du pétrole apporterait des marges de manoeuvre non négligeables à Vladimir Poutine à l’approche de la présidentielle début 2018
afp