La Tunisie a engrangé mardi plus d’un milliard d’euros d’aide de la part de plusieurs pays dont le Qatar, lors d’une conférence internationale destinée à relancer son économie six ans après la chute de la dictature de Ben Ali.
En présence de 2.000 participants d’une quarantaine de pays, « Tunisia 2020 », qui se tient sur deux jours, doit mettre sur la table plus de 142 projets d’investissement, publics mais aussi privés, pour un montant proche de 30 milliards d’euros.
Elle vise, selon le gouvernement tunisien, à « remettre la Tunisie sur la carte de l’investissement en Méditerranée », alors que le pays a pâti de l’instabilité née de la révolution de 2011, berceau des Printemps arabes.
« La Tunisie fait face à des circonstances exceptionnelles et a besoin d’un soutien exceptionnel », a fait valoir le président Béji Caïd Essebsi.
« Le succès de la construction démocratique en Tunisie (…) sert aussi les intérêts de la région et contribue à renforcer la sécurité et la stabilité » régionale et internationale, a-t-il affirmé.
S’exprimant dans la foulée, l’émir du Qatar cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani a loué « un peuple qui a décidé de construire son pays en se basant sur la pluralité, la dignité et la liberté de l’être humain (…), loin de la tyrannie ».
« Allons-nous l’aider pour que l’expérience réussisse, ou allons-nous le regarder faire face, seul, aux difficultés? », a-t-il ajouté, avant d’annoncer que Doha allait consacrer 1,25 milliard de dollars « pour soutenir l’économie de la Tunisie ».
Parmi les co-parrains de la conférence, le Premier ministre français Manuel Valls a lui aussi confirmé un renforcement de l’aide bilatérale. « L’an dernier, notre pays avait annoncé le plan d’assistance d’un milliard d’euros d’ici 2020. Nous voulons aller plus loin. Dans les années à venir, l’Agence française de développement (AFD) investira au minimum 250 millions d’euros chaque année en Tunisie », a-t-il dit.
Valls a par ailleurs exhorté l’Europe à être « à la hauteur des attentes ». L’UE a récemment décidé de doubler son soutien financier en 2017, à 300 millions d’euros, et le président Essebsi se rendra mercredi à Bruxelles pour un sommet UE/Tunisie.
Présent à Tunis, le patron de la Banque européenne d’investissement (BEI), Werner Hoyer, a pour sa part annoncé un renforcement des activités de la « banque de l’UE » dans le pays, avec des prêts de 2,5 milliards d’euros d’ici 2020.
Le Koweït s’est, lui, dit prêt à prêter jusqu’à « 500 millions de dollars sur les cinq prochaines années ». Ces soutiens –également venus d’Algérie ou encore du Canada– interviennent alors que l’unique pays rescapé des Printemps arabes ne parvient toujours pas à faire redémarrer son économie.
La croissance est atone, l’appareil productif est au ralenti et le chômage est massif: en janvier, la Tunisie a connu sa plus importante contestation sociale depuis la révolution.
Fin août, un gouvernement d’union est entré en fonctions après que son prédécesseur a été jugé en échec sur ces dossiers.
Il proclame régulièrement que la Tunisie est en état d’urgence sécuritaire –du fait des menaces jihadistes– mais aussi économique.
Le pays a dû conclure en mai un nouveau plan d’aide auprès du Fonds monétaire international (FMI) de 2,6 milliards d’euros sur quatre ans.
Dans ce contexte, « l’appui donné jusqu’à présent à l’économie tunisienne n’a pas été suffisamment fort », a jugé le prochain secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dans un message aux participants « Pour le secteur privé, investir en Tunisie est une décision intelligente », a-t-il enchaîné.
Car après une matinée très politique, la conférence, à laquelle participent les principaux bailleurs de fonds, doit mettre l’accent sur l’investissement privé: sur les 142 projets recensés, plus de la moitié relèvent d’un partenariat public-privé ou sont strictement privés.
Et le ministre de l’Investissement, Fadhel Abdelkéfi, devait se lancer dans une offensive de charme en présentant le « nouveau climat des affaires ».
Il devait ainsi détailler le plan de développement 2016-2020, adopté dès l’an dernier, et le nouveau code de l’investissement, qui entrera en vigueur au 1er janvier et doit permettre une simplification des procédures administratives. ne autre mission consistera à marquer l’engagement du nouveau gouvernement à lutter –enfin– contre les fléaux de la corruption et de la contrebande.
Des sessions thématiques suivront. Elles concernent des domaines variés, de l’économie numérique à la santé, en passant par les énergies et le tourisme. Ce dernier secteur, qui représentait près de 10% du PIB et 400.000 emplois au tournant de la décennie, a été ravagé par les attaques jihadistes de l’an dernier, en particulier celles du Bardo et Sousse (60 morts au total).
AFP