L’OCDE a lancé lundi un avertissement contre la tentation du protectionnisme tout en prônant la relance budgétaire pour doper la croissance, après la victoire aux Etats-Unis du président-élu Donald Trump, qui promet un plan d’investissements massifs mais aussi des barrières pour le commerce mondial.
« Si les pays ont de plus en plus recours au protectionnisme, cette tendance se poursuivra avec d’autres pays prenant des mesures de rétorsion à leur tour, avec un commerce mondial qui va empirer », a prévenu le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria, lors de la présentation des perspectives mondiales pour 2018 de l’institution basée à Paris.
« Le protectionnisme et les inévitables représailles commerciales qui s’en suivront pourraient fortement atténuer les effets des initiatives budgétaires », a renchéri la cheffe économiste de l’OCDE Catherine Mann, sans mentionner le nom du président américain élu qui a promis une longue série de mesures protectionnistes, comme des taxes sur les importations de produits chinois ou la renégociation d’accords commerciaux.
En revanche, son plan d’investissements d’environ 550 milliards de dollars pour rénover les infrastructures est reçu positivement par l’OCDE, M. Gurria n’hésitant d’ailleurs pas à dire qu’il correspond à ce que son institution, basée à Paris, réclame depuis deux ans: une hausse de la dépense publique pour sortir l’économie mondiale du « piège de la croissance molle ».
Un message que certains pays comme le Japon ou le Canada ont déjà entendu et qui pourrait donner une impulsion à la croissance à partir de 2018: « Nous voyons des signaux positifs », a souligné le secrétaire général.
L’OCDE a ainsi maintenu sans changement sa prévision de croissance mondiale pour 2016 à 2,9% et relevé très légèrement celle de 2017 de 0,1 point de pourcentage, à 3,3%. Mais pour 2018, elle s’attend à un rebond « modeste » de la croissance mondiale qui atteindrait 3,6%, soutenue par… les Etats-Unis de Donald Trump qui devraient renouer avec une croissance vigoureuse de 3% en 2018, le double de cette année (1,5%) et plus encore que le 2,3% attendus pour 2017.
Aux Etats-Unis, « les signaux émis jusqu’à présent pointent vers une politique expansionniste », s’est réjoui M. Gurria.
Pour le Canada, la croissance devrait passer de 1,2% cette année à 2,3% en 2018. Dans une moindre mesure, le Japon, plongé dans la stagnation depuis une vingtaine d’années, pourrait aussi récolter les fruits de son programme de relance budgétaire, atteignant 0,8% cette année et 1% en 2017, avant de revenir à 0,8% en 2018.
En revanche, la zone euro reste agrippée à une croissance molle, comme le constate l’OCDE. L’Allemagne devrait ainsi stagner à 1,7% de 2016 à 2018.
L’OCDE abaisse même sa prévision de croissance pour la France cette année à 1,2% (-0,1 point), en-dessous du 1,4% prévu par le gouvernement. Elle s’élèverait à 1,3% en 2017 et 1,6% en 2018.
« Il y a plusieurs pays de la zone euro » parmi ceux disposant d’une marge de manoeuvre nécessaire pour relancer les investissements ou pour baisser les impôts, a constaté Mme Mann qui appelle tous les pays à agir « collectivement ». Parmi ces Etats, figure notamment l’Allemagne qui dégage de colossaux excédents budgétaires.
Or, il y a urgence pour M. Gurria. « Les taux bas constituent une opportunité pour réduire le coût du service de la dette et pour augmenter la marge de manoeuvre budgétaire et cette fenêtre pourrait ne pas rester ouverte longtemps » a-t-il prévenu.
Quant au Royaume-Uni, l’OCDE maintient son pessimisme après le référendum sur le Brexit. Si elle revoit légèrement à la hausse sa prévision de croissance pour cette année à 2% (+0,2 point), elle s’attend à un coup de frein l’année prochaine avec une croissance qui devrait chuter à 1,2% et ralentir encore en 2018, à 1%.
L’organisation s’attend aussi à la poursuite du ralentissement de l’économie chinoise, dont la croissance devrait atteindre 6,7% cette année, soit 0,2 point de plus que prévu, mais descendre à 6,4% l’an prochain et 6,1% en 2018.
Tendance inverse pour l’Inde: l’OCDE s’attend à ce que ce pays maintienne sa forte croissance, qui passerait de 7,4% en 2016, à 7,6% l’an prochain et 7,7% en 2018.
Quant au Brésil, qui connaît une forte récession de 3,4% cette année, il devrait sortir la tête hors de l’eau en 2017 (0%), pour renouer avec la croissance en 2018 (1,2%).
AFP