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Turquie : la livre dégringole, avis de tempête sur l’économie

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Où s’arrêtera la chute ? La livre turque bat chaque semaine un nouveau record à la baisse face au dollar, traduisant le pessimisme économique en Turquie lié à l’essoufflement de la croissance et aux tensions croissantes depuis le putsch manqué. « Nous avons une économie dont les fondations sont solides », a toutefois assuré samedi le Premier ministre turc Binali Yildirim, ajoutant que les autorités étaient déterminées à « éliminer toute inquiétude, même la plus infime, des marchés, des investisseurs et de nos hommes d’affaires ».

Ainsi, la banque centrale turque a relevé jeudi, pour la première fois depuis janvier 2014, son principal taux directeur (+50 points de base) pour maintenir à flot la devise turque, qui a perdu environ 10% de sa valeur en novembre et s’échangeait samedi matin autour de 3,45 contre un billet vert.

Le rebond initial enregistré par la livre après l’intervention de la banque centrale s’est rapidement effacé sous l’effet du vote quasi-concomitant d’une résolution par le Parlement européen appelant au gel des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

Signe du fossé qui se creuse avec l’UE, premier partenaire commercial de la Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan a menacé vendredi d’ouvrir les frontières de son pays pour laisser passer les migrants voulant se rendre en Europe.

Après la tentative de coup d’Etat de juillet, l’économie turque a fait preuve d’une résistance qui a surpris jusqu’aux détracteurs du gouvernement. Mais l’euphorie a laissé place à la morosité : les indicateurs de croissance sont dans le rouge, les autorités turques ont entamé des purges d’une ampleur inédite et l’avenir politique est suspendu à un référendum, attendu au printemps, sur le renforcement des pouvoirs de M. Erdogan. « Les défis macroéconomiques de la Turquie sont aggravés par les tensions politiques élevées dans le pays », résume Inan Demir, de Nomura International.

Pour les analystes, la baisse de la livre turque traduit le sentiment d’incertitude qui s’est installé en Turquie, même si le gouvernement soutient qu’elle n’est que le contrecoup mécanique de la hausse du dollar, dopé par la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine et l’attente d’un relèvement des taux par la Fed en décembre.

Erdogan continue d’affirmer que la priorité est de stimuler la croissance en abaissant les taux d’intérêt, malgré une inflation bloquée au-dessus de 7%. Le relèvement des taux par la banque centrale a montré qu’il y avait « une grande volatilité dans le positionnement des institutions », souligne Sylvain Bellefontaine, de BNP Paribas.

Pour la majorité des analystes, cette décision de la banque centrale, intervenue à « contre-courant » après une longue période d’abaissement des taux, est ponctuelle et n’inaugure pas un cycle de resserrement monétaire susceptible de mettre fin à l’érosion de la devise.

« Même si les autorités savent être pragmatiques, les signaux envoyés en termes de politique économique ne sont pas bons et les réformes annoncées depuis plusieurs années demeurent dans les limbes », a dit à l’AFP M. Bellefontaine.

Les dirigeants turcs multiplient les réunions économiques au plus haut niveau, mais le parti AKP au pouvoir est désormais critiqué par l’opposition pour sa conduite de l’économie, domaine dans lequel il a longtemps paru intouchable.

« Le principal risque pour l’économie de la Turquie, c’est le risque politique créé par l’AKP », a ainsi affirmé à l’AFP Selin Sayek Böke, porte-parole du principal parti d’opposition CHP, pour qui la Turquie est « au bord de la crise ».

Les indicateurs annoncent en tout cas un ralentissement : la consommation a baissé au 2e trimestre, le chômage grimpe (11,3%) et l’effondrement de la production industrielle en septembre (-3,1%) laisse présager un recul de l’économie au troisième trimestre 2016, pour la première fois depuis 2009.

Et la tentative de coup d’Etat a durement frappé le tourisme, secteur clé déjà fragilisé par plusieurs attentats.

Le gouvernement turc a revu ses prévisions de croissance pour l’année 2016 à la baisse, à 3,2% (contre 4,5%), un chiffre que des analystes qualifient d' »optimiste ».

Malgré cela, M. Erdogan a encore assuré mardi que les « objectifs 2023 », année avant laquelle il compte faire entrer la Turquie dans le club des 10 pays les plus riches, étaient toujours d’actualité.

« Nous allons repousser toutes les limites pour atteindre notre but », a-t-il assuré.

AFP

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