En dépit d’une rhétorique incendiaire, le président élu Donald Trump maintient le flou sur la portée réelle de son offensive contre le libre-échange, espérant faire bouger les lignes sans déclencher une guerre commerciale redoutée par les économistes.
Pendant sa campagne, le candidat républicain avait promis une série de mesures-chocs à son arrivée à la Maison-Blanche: dénoncer les accords de libre-échange comme l’Alena unissant Etats-Unis, Mexique et Canada; imposer des droits de douane massifs sur les produits chinois et désigner Pékin comme un pays manipulant sa monnaie, ouvrant la voie à des sanctions commerciales.
Ce cocktail protectionniste a affolé les économistes, qui ont mis en garde contre la possible destruction de 4 millions d’emplois aux Etats-Unis, doublée d’une récession et de retombées négatives sur le reste du globe.
Mais depuis sa victoire surprise du 8 novembre, le nouveau président américain a semblé infléchir son discours, laissant ses conseillers expliquer que ces menaces visaient avant tout à obtenir de meilleurs accords commerciaux.
Le Mexique comme le Canada ont semblé répondre favorablement à l’appel en se disant prêts à renégocier l’Alena, signé en 1994 et accusé aux Etats-Unis d’avoir précipité les délocalisations d’emplois et la désindustrialisation.
Mais rouvrir les discussions peut s’avérer une arme à double tranchant, que pourront utiliser Mexico comme Ottawa. « Ils ont eux aussi des griefs » liés à l’Alena, indique à l’AFP Marcus Noland, vice-président du Peterson Institute for International Economics. Un retrait pur et simple du traité est toujours possible: une notification ouvrirait une période de 180 jours à l’issue de laquelle l’Alena serait abrogé en l’absence de nouveau compromis. Mais là encore, l’administration Trump pourrait payer le prix fort
« C’est une décision potentiellement très risquée », dit M. Noland. « Il y a un niveau très poussé d’intégration commerciale entre les Etats-Unis et le Mexique. Au Texas, beaucoup de personnes s’enrichissent grâce au commerce avec le Mexique et pourraient faire de la résistance ». Nul ne sait toutefois si le président Trump sera prêt à aller jusque-là. « Il y a tellement d’inconnus », affirme à l’AFP Edward Alden, du Council on Foreign Relations. « Son but, c’est d’avoir un moyen de pression. Il n’a pas juste envie de déchirer le Nafta en petits morceaux, il veut utiliser cette menace pour négocier afin d’obtenir quelque chose de mieux », détaille-t-il.
Reste un problème: on ne sait pas exactement quelle est sa vision de « quelque chose de mieux », assure M. Alden.
Pendant sa campagne, Donald Trump avait assuré que sa priorité était de rééquilibrer les relations commerciales avec la Chine, marquées par un déficit mensuel sur les marchandises de près de 30 milliards de dollars. Là encore, le flou domine et Pékin pourrait réagir avec virulence à toute offensive américaine. « La Chine a une longue histoire de représailles au coup par coup après chaque restriction commerciale. Même si les médias abusent du spectre d’une +guerre commerciale+ dans laquelle chaque pays répliquerait à l’autre par une hausse des droits de douane, cela serait une véritable possibilité si Trump met ses menaces à exécution », a récemment écrit M. Alden dans un blog.
C’est peut-être en regardant dans le rétroviseur, et notamment vers la présidence de Ronald Reagan (1980-88), que le fond de la pensée commerciale et économique de M. Trump peut s’éclairer.
Son lointain prédécesseur avait procédé à de massives baisses d’impôts et à une augmentation des dépenses militaires, créant de lourds déficits qui avaient donné corps à une réaction protectionniste.
Reagan s’en était alors pris au Japon, alors considéré comme « le méchant » partenaire sur la scène commerciale, et avait exigé de Tokyo qu’il réduise ses exportations et augmente ses importations. Washington n’a toutefois plus les mêmes moyens de pression contre la Chine, dans le système multilatéral du commerce mondial. Avec 14 millions d’Américains dont l’emploi dépend du commerce, « couper les liens commerciaux n’est pas le bon remède », assure M. Froman.
AFP