La standardisation des services hôteliers semble révolue. L’ère est, plutôt, à l’adaptation aux besoins locaux, aux traditions spécifiques des régions. Répondre aux aspects culturels devrait prédominer dans le développement du tourisme. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, c’est ce que prône Mr Philippe Bonnot, depuis son installation, il y a de cela six mois, à la tète de Renaissance Tlemcen Hôtel. Et contrairement à une idée reçue, le problème de qualification du personnel hôtelier n’est pas posé en Algérie. Sur ce point, notre interlocuteur est catégorique.
Algérie-Eco : Pouvez-vous, nous présenter votre parcours professionnel ?
Mr Philippe Bonnot : je suis détenteur d’un Brevet Technique d’Hôtellerie (BTH) datant de 1983, en France. Je suis, depuis 6 mois maintenant, Directeur général de Renaissance Tlemcen Hôtel. C’est ma première expérience avec Marriott. Dans le domaine du tourisme, j’y suis depuis 15 ans. Durant cette période, J’ai sillonné le monde, notamment arabo-musulman. Qatar, Dubaï, Egypte et tout récemment l’Arabie-saoudite en sont mes escales les plus importantes.
Il y a aussi eu dans mon parcours professionnel, Bruxelles, l’Inde, la Polynésie. Je cumule 10 ans chez le Méridien, Movenpick. Je viens du monde de la restauration, du stewarding, cuisine, services, banquets. D’où l’intérêt que je porte, entre autre, aux aspects culinaires.
Pourquoi spécialement cet aspect ?
Le but est d’insuffler à des produits gastronomiques, un goût local, moins salé et moins sucré. L’orientation à toutes les cartes. On a mis en place une restauration dédiée aux plats traditionnels, dont quelques-uns revisités par des technologiques de cuisine ultramodernes, de cuisson solide. C’est un pan d’Histoire qui accompagne l’art de déguster. Car, à mon avis, les hôteliers doivent être des conteurs d’histoire. On doit avoir une forme de narrer se basant sur la gastronomie.
Pour cela, Le Renaissance Tlemcen propose cinq concepts innovants de restauration inspirés par un mélange de cultures entre l’Algérie et le reste du monde. Le plus original et le dernier en date mis en place est « Taparabesque », un restaurant unique en son genre donnant sur les jardins luxuriants de d’hôtel. Alliant simplicité et goût, dans un environnement chic et décomplexé, où le client peut déguster dans la plus pure tradition les tapas et autres mets inspirés du savoir faire de notre chef International.
Vous allez vivre une expérience unique dans le premier restaurant Tapas Renaissance d’ Afrique et du Moyen Orient. Tapas est, faut-il le rappeler, un terme d’origine espagnole, qui veut dire tapon ou tampon, servant à couvrir quelque chose. Ce sont généralement des amuse-gueules que l’on consomme simultanément au cours du repas, assis ou debout, en petites quantités.
Les quatre autres restaurant sont Al Bustan », signifiant « Le jardin » en arabe, est un restaurant buffet moderne avec des stations de cuisine vivantes, style méditerranéen ; Hawzi : le café maure, avec son atmosphère mauresque-andalou ; et Alcazar, tirant son nom d’un jeu de mots arabes «château» et «cerises» (Al Qasr et Caraz). C’est un salon théâtral pour des soirées cocktails, sorte de passerelle musicale et expérimentale entre les pays d’Orient et d’Asie du sud-est. Le quatrième et dernier est « Mirage», une discothèque avant-gardiste, inspiré par le « buzz » d’Ibiza.
Vous pensez que chaque région a ses spécificités et son mode de vie particulier, qui incitent à lui accorder des prestations de service conformes à ses attentes ?
Oui, effectivement. Un round d’observation durant 4 mois m’a familiarisé avec les us et coutumes de la wilaya de Tlemcen. Etant membre d’un club de Vélos tous terrains (VTT), situé dans l’hôtel même, je n’ai cessé de visiter, sur mon vélo, la région et ses alentours.
Chaque région à ses spécificités et ses attentes. On se doit de comprendre les gens. Ce qu’on trouve en Arabie-saoudite, caractérisée davantage par le tourisme religieux, n’est pas forcément disponible en Algérie, malgré le fait que les deux pays appartiennent au monde arabo-musulman. Je peux même dire, qu’à Tlemcen les besoins des habitants ne sont pas forcément similaires à ceux résidant à la Capitale.
Cette approche à ne pas standardiser les services hôteliers a été depuis bannie du mode opératoire des Chaines hôtelières internationales. Et Marriott ne déroge pas à cette règle. D’où le fait, en rentrant à l’hôtel, d’être attiré par l’ambiance arabo-mauresque qui s’en dégage, aussi bien de l’architecture que des autres accessoires mis à la disposition de nos clients. C’est un aspect culturel de la région de Tlemcen qui est mis en avant.
Etes-vous confrontés au problème de qualification du personnel hôtelier ?
Pas du tout ! J’ai eu à le subir en Arabie-saoudite, mais pas en Algérie. Dieu merci, à ce jour mes offres de recrutement ont été toutes satisfaites. Sur les 330 employés, atteignant les 360 en haute saison, je n’ai pas eu à me plaindre pour les trouver. Ils sont actuellement 330 associés et ambassadeurs qui font le bonheur de Renaissance, dans le nettoyage des chambres, cuisine, banquet et autres. L’Etat a, en mettant en place deux Instituts de renom, à Tizi-Ouzou et Boussaada, réglé définitivement la problématique du personnel hôtelier. A cela s’ajoute l’apport de l’Ecole supérieur d’hôtellerie et de restauration d’Alger (Eshra) de Ain-Bénian, partenaire de l’Institut de Lausanne. Et, par ailleurs, le propriétaire de Renaissance Tlemcen Hôtel, la Société d’investissement hôtelier veille au grain, en termes de financement mais aussi en formation.
Là, vous êtes en train de battre en brèche une idée bien ancrée dans le monde du tourisme local !
Non, je ne fais que rapporter fidèlement une situation à laquelle j’étais confronté. D’autant plus que les hôteliers sont appelés d’une manière ou d’une autre à progresser. C’est une obligation. Des formations internes doivent donc être lancées périodiquement, pour se mettre au diapason.
Pour l’exemple, en partenariat avec l’ESHRA de Ain Bénian, nous avons entamé un cycle d’échanges de savoir-faire et de technicité, dans lequel on a fait venir les meilleurs hôteliers et restaurateurs de France, chacun dans son domaine bien précis. Aussi, notre personnel sera formé dans les dernières technologies en cuisson solide.
Ceci à titre non-exhaustif. En revanche, notre souci est de pouvoir dénicher des profits dans les filières techniques, qui ne sont certes pas des services hôteliers à proprement parler, mais y sont rattachés depuis que les investissements touristiques aient été truffés de systèmes sophistiqués pour leur fonctionnement Parmi elles, on cite la maintenance, l’électrotechnique et l’électromécanique.
D’où vient votre personnel ?
Les deux tiers du nombre global sont de Tizi Ouzou et Tlemcen, le troisième nous vient du reste du pays.
Le hic, c’est que la politique tarifaire instaurée dans les hôtels n’est pas à la portée de tout le monde, qu’en pensez-vous ?
On est soumis au principe de l’offre et de la demande : on vend une chambre d’hôtel comme une compagnie aérienne un siège dans un avion. Le tarif, est élevé par rapport à quoi ? On peut le comparer, outre l’exemple précité, à beaucoup de choses. En sus de cela, il faut amortir à terme l’investissement lourd lancé.
Je vous informe que ce tarif n’est que rarement appliqué. Des promotions durant des périodes données, des facilités pour notre clientèle, notamment celles se déplaçant en groupe et y séjournant longtemps. Ce sont là les illustrations les plus édifiantes. Je tiens à rappeler que 65% des touristes font du tourisme de loisirs, 35% du tourisme d’affaires et sur ces derniers, 80% sont en groupe et les 20% à titre individuel.
Marriott a procédé au rachat de Starwood (Sheraton), pour 12.2 milliards de dollar, devenant du coup la 1ère Chaine hôtelière internationale. Une nouvelle ère s’ouvre à vous ?
Une expérience extraordinaire depuis le rachat par Starwood. C’est le peu qu’on puisse dire !
Quelles perspectives pour Renaissance Tlemcen ?
Développer les activités familiales est notre priorité. En été on accueille beaucoup de familles accompagnées généralement de leurs enfants. D’où notre objectif de réaliser des structures légères, dédiés à cette catégorie, mais aussi pour améliorer toutes les prestations familiales, les activités culturelles, et le tourisme domestique.
Dans ce contexte, nous allons collaborer avec les services de wilaya pour concocter un programme d’animation culturelle. Sur la base des besoins de nos clients, nous avons déjà esquissé des plans dans le domaine de l’engineering visant, entre autre, à l’ouverture de piscines.
L’hôtelier doit aussi être un homme d’orchestre, qui doit synchroniser la bonne marche de ses 90 chambres à deux lits Queen size et 90 chambres avec 1 grand lit King size, ainsi des 12 suites diplomatiques, 10 suites ambassadeurs, 1 suite royale et 1 suite présidentielle. A ceux-là se greffent les nouvelles idées pour les salles de réunions réservées, notamment, au Teams-Building, rassemblements annuels, congrès, foires. Enfin, gérer les mentalités n’est pas chose aisée.